Notes critiques

Dresser l’état du QuébecMichel Venne et Miriam Fahmy (dirs), L’annuaire du Québec 2008, Montréal, Fides, 2007.Miriam Fahmy (dir.), L’état du Québec 2009, Montréal, Fides, 2008.[Record]

  • Jean-Pierre Beaud

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Il y a un peu plus de dix ans, je signais dans cette même revue une recension de Québec 1998 et Québec 1997. Le directeur de publication des deux livres était alors Roch Côté et déjà Simon Langlois y explorait, à l’aide de données statistiques multiples, les grandes tendances de la société québécoise. Si l’édition publiée en 1996 (Québec 1997) paraissait déjà, l’année suivante, grise et terne, l’édition publiée en 1997 (Québec 1998) adoptait la couverture rigide, abandonnée depuis, et surtout, une allure plus moderne et un papier plus fin. Fini le style « vieux livre de poche » un peu « cheap ». Depuis, plus de dix éditions ont vu le jour. Il est temps, sans doute, de dresser un bilan de cette belle entreprise qui consiste à fournir bilan, repères et indices pour comprendre le Québec d’aujourd’hui et de demain. Le projet qui anime les éditeurs de l’annuaire, dresser l’état du pays, n’est pas sans rappeler celui des statisticiens allemands des XVIIe et XVIIIe siècles ou, plus près de nous, celui des auteurs des Statistical Accounts du XIXe siècle. Sur ce plan, les travaux d’un Joseph Bouchette, Arpenteur-général du Bas-Canada pendant presque les quarante premières années du XIXe siècle et auteur de deux gros ouvrages de topographie statistique, sont exemplaires : dans la Description Topographique de la province du Bas Canada de 1815, mais surtout, dans The British Dominions in North America de 1831-1832, Joseph Bouchette présente de nombreuses données, souvent chiffrées, qu’il resitue dans le cadre de l’évolution territoriale, démographique, économique, politique, sociale et même culturelle du pays (encore à définir à l’époque). Ce genre de littérature n’est donc pas nouveau. Il s’est perpétué tout au long du XXe siècle sous diverses formes, L’état du Québec 2009 n’en étant que la dernière expression, bien sûr provisoirement la plus achevée. L’impressionnante production de chiffres provenant d’organismes aussi techniquement irréprochables que Statistique Canada ou l’Institut de la statistique du Québec, l’énorme production de travaux et de recherches qu’autorise un monde universitaire segmenté, spécialisé, professionnalisé comme celui du Québec d’aujourd’hui, tout cela, évidemment, donne à ce projet des moyens incomparablement supérieurs à ce qu’ils étaient hier. Cela ne doit pas toutefois nous conduire à surestimer la précision, la valeur, l’objectivité, la neutralité des données à la base des annuaires d’aujourd’hui (et à sous-estimer la valeur ou, plus exactement, l’intérêt des chiffres derrière les descriptions statistiques d’hier). Comme le montre bien Alain Desrosières, « la quantification, sous ses différents formats, ne se contente pas de fournir un reflet du monde, elle crée une nouvelle façon de le penser, de le représenter, de l’exprimer et d’agir sur lui, à la fois par la puissance de ses modèles et de ses procédures, par leur diffusion et par leurs usages argumentatifs » (Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, Paris, Presses de l’École des mines, 2008). J’ai devant moi Québec 1999, Québec 2000, L’annuaire du Québec 2004, L’annuaire du Québec 2008 et la dernière édition, L’état du Québec 2009. Déjà, un premier constat, très simple, s’impose : le titre a changé et la parenté avec l’autre « annuaire » bien connu des étudiants et professeurs (L’état du monde, publié chaque année par La Découverte et Boréal) devient manifeste. Même si le format est resté sensiblement le même de 1999 à 2009 (19 x 14,5 cm), le poids de l’annuaire a varié d’une année à l’autre, le record de « lourdeur » revenant sans doute à L’annuaire du Québec 2004 et celui de …