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Quel beau livre ! Quel bon livre ! Quel livre utile ! Beau, parce qu’une oeuvre d’art méritant de se retrouver sur la table basse dans tous les salons du Québec. Bon, parce que comportant environ 220 cartes et illustrations en couleur, des textes fouillés écrits à parts plus ou moins égales par les trois auteurs, une bibliographie exhaustive et des index de noms propres, de toponymes cartographiés et des nations et tribus amérindiennes. Utile, parce que rappelant de manière saisissante la dimension continentale des civilisations canadienne-française et acadienne. De plus, une « grammaire des cartes » initie le néophyte à l’analyse de celles-ci.

Ce qui surprend, c’est que cet atlas, divisé en quatre grands chapitres, soit l’oeuvre d’historiens, connus pour le peu d’utilisation qu’ils font de la carte, et non de géographes, dépositaires de connaissances en matière cartographique. Qui plus est, on s’étonne qu’il ne soit pas l’oeuvre du Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ) qui, depuis sa fondation en 1993, s’est fait un point d’honneur d’innover dans la production d’atlas historiques, ou du Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) dont la vocation est de susciter et de développer la recherche pluridisciplinaire sur la culture et la société canadiennes-françaises. Or, La Mesure d’un continent témoigne de la grandeur des travaux réalisés par des historiens non rattachés aux universités dans le cadre de projets ne relevant d’aucun centre de recherche ou de chaire universitaires. Cet ouvrage fut préparé en collaboration avec Bibliothèque et Archives nationales du Québec, la préface étant d’ailleurs signée de la main de sa présidente-directrice, Lise Bissonnette.

L’atlas s’organise autour de quatre grands thèmes et de quatre périodes d’histoire : 1) Aborder l’Amérique (XVIe siècle) ; 2) Explorer et cartographier l’Amérique (XVIIe siècle) ; 3) Conquérir l’Amérique (XVIIIe siècle) ; 4) Traverser l’Amérique (XIXe siècle). Afin de donner de la saveur au contenu de chacune des quatre sections, tirons tout de suite un échantillon des « ingrédients » : 1) 11 chapitres dont « Le mirage de l’Orient », « La naissance de l’Amérique », « La filière huguenote », « Découverte ou rencontre » ; 2) 13 chapitres dont « Commerce, religion et explorations », « De l’Arcadie à l’Acadie », « La découverte du Mississippi », « L’univers du poisson » ; 3) 15 chapitres dont « Relations franco-indiennes », « L’Acadie entre deux feux », « La Louisiane », « L’hydrographie du Saint-Laurent », « L’Amérique côté ouest », « Une conquête annoncée » ; 4) 4 chapitres : « De nouvelles frontières », « Lendemains de la conquête », « Le Nord-Ouest », « The Louisiana Purchase ». Parsemés à travers les chapitres, des titres et des textes sur des personnages qui ont légué ces cartes précoces de l’Amérique : « La Normandie et la cartographie », « Portrait d’un cartographe : Jean-Baptiste Franquelin », « Les géographes de cabinet », « Nicola Bellin et le Dépôt des cartes et plans de la Marine ».

Si La Mesure d’un continent devrait se trouver dans tous les foyers, il devrait, à plus forte raison, occuper une place de choix, comme livre de référence, dans toutes les bibliothèques universitaires, parlementaires et municipales. Malgré un prix très raisonnable, compte tenu de sa facture haut de gamme, il défoncerait le budget – même dans sa version la plus modeste, car il y en a trois – de la plupart des étudiants. Par conséquent, il pourrait difficilement servir autrement que comme livre de référence dans des cours d’histoire, de géographie, d’anthropologie, d’ethnologie, de sociologie, voire de communication graphique. Pendant ma carrière au Département de géographie de l’Université Laval, j’ai dispensé un grand éventail de cours pour lesquels cet atlas aurait fourni un apport précieux : Géographie culturelle, Géographie des États-Unis, Géographie du Canada, Géographie du Québec et Le Québec et l’Amérique française. C’est surtout dans le cadre de ce dernier cours que La Mesure d’un contient aurait pu alimenter les notions de « continent perdu » et d’« archipel retrouvé » que nous y évoquions. Il aurait pu appuyer les trois premiers objectifs de ce cours : 1) situer dans le temps et l’espace les minorités francophones en Amérique du Nord ; 2) connaître les circonstances qui ont donné naissance à une Amérique française et qui ont été à l’origine de son éclatement ; 3) se familiariser avec le rôle que Québec a traditionnellement joué en tant que foyer et source d’appui pour les francophones de la diaspora.

Enfin, il était de mise qu’en 2008, l’année du 400e anniversaire de la ville de Québec, les Éditions du Septentrion publient à quatre mois d’intervalle cet atlas historique de l’Amérique du Nord portant sur la formation et sur les origines d’une Amérique française et Franco-Amérique, issu, lui, de la réflexion des géographes de l’Université Laval qui explore le présent et le futur de cette ancienne Amérique française devenue, dans le contexte contemporain, Franco-Amérique.