Comptes rendus

Marc St-Hilaire, Alain Roy, Michaël Augeron et Dominique Guillemet (dirs), Les traces de la Nouvelle-France au Québec et en Poitou-Charentes, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008, 308 p.[Record]

  • Jeanne Valois

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Cet ouvrage est issu d’une collaboration amorcée par la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs créée en 1996. Au fil des ans, la Commission a organisé des colloques qui, à leur tour, ont favorisé la formation de divers réseaux dont celui, créé en 2003, qui avait pour objectif de dresser l’inventaire de ces lieux de mémoire de la Nouvelle-France (http://inventairenf.cieq.ulaval.ca/inventaire/). Pour souligner le 400e anniversaire de la ville de Québec, cette équipe a choisi de nous offrir une publication universitaire destinée non pas aux chercheurs, mais à des gens qui s’intéressent au lien entre l’Ancien et le Nouveau Continent. Outre l’introduction et la conclusion, Les traces de la Nouvelle-France compte plus d’une centaine de courtes synthèses, regroupées par thèmes et écrites par 45 auteurs qui viennent des deux côtés de l’Atlantique. Or, vouloir une certaine parité, ou du moins une certaine similitude, de part et d’autre est dès le départ un projet voué à l’échec : les rapports à l’espace et au temps y sont totalement différents et parler de « partage d’une histoire commune » devient bien relatif. La Nouvelle-France est prise en compte dans toute son étendue – Canada, Acadie, Terre-Neuve et Louisiane – quoique le Québec, et je dirais même la région de la ville de Québec, occupe la place centrale. Cet immense espace est jumelé au Poitou-Charentes d’où ne sont venus qu’environ « 20 % des migrants établis par mariage au Canada » entre 1608 et 1760 (p. 53). Cette disproportion spatiale se constate aussi dans le déséquilibre quant au nombre et à l’importance des lieux de mémoire recensés. La référence à l’espace dans ce « petit » picto-charantais est aussi déstabilisante, surtout lorsque les auteurs choisissent d’utiliser les toponymes des provinces d’alors : l’Angoumois, l’Aunis, le Poitou et le Saintonge ; ou encore, ceux des départements de la fin du XVIIIe siècle : la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres et la Vienne. Par ailleurs, dans ce « pays » le passé s’étend sur plusieurs millénaires et, parmi les héros d’antan, se trouvent Vercingétorix, Clovis, Charles Martel et Calvin – Champlain comptant pour peu dans ce palmarès, et cela se comprend –, tandis qu’ici, dans cet espace qui s’étend à l’échelle du continent, pour bon nombre d’Acadiens et de Canadiens, le passé se lit encore aujourd’hui au quotidien. Si cet ouvrage vise à accroître les connaissances, il cherche avant tout à émouvoir et il est facile de se laisser aller à la nostalgie et de faire nôtres ces lieux de mémoire français. On imagine facilement les riches marchands de La Rochelle s’embarquant dans des navires qui s’arrêteront au large des Grands Bancs de Terre-Neuve ou dans les Maritimes avant qu’ils ne puissent s’aventurer jusqu’à Québec et y fonder un poste commercial permanent. La pêche était alors une activité saisonnière qui, dans les bonnes années, rapportait beaucoup plus que tout autre commerce (p. 136) ; il n’est donc pas étonnant que, en 1763, les Français aient tenu à garder un pied à terre à Saint-Pierre-et-Miquelon pour continuer à avoir accès à cette denrée bon marché et riche en protéines. La ville de La Rochelle et son port nous sont quelque peu familiers, mais le lien avec la ville de Rochefort me semble particulièrement intéressant. Fondée en 1666, cette ville est donc « contemporaine » des villes de la Laurentie. Sis à une vingtaine de kilomètres de la côte, dans une région riche en bois et en sel, le site fut choisi par Louis XIV pour y établir un arsenal et refaire la flotte française. Du Canada, on faisait venir du pin …