Comptes rendus

Simon Langlois et Jacques Palard (dirs), Jeunes et projet de société. La conscience de génération en France et au Québec, Bordeaux, MSHA et Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008.[Record]

  • Joël Zaffran

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Ce livre reprend les communications faites lors des 4es Rencontres Champlain-Montaigne. Ces dernières ont pour objet de faciliter la mise en place d’échanges réguliers entre les universitaires et les acteurs sociaux de la ville de Québec et de Bordeaux. La finalité est simple en apparence : cerner des problèmes communs à la ville de Bordeaux et de Québec pour ensuite croiser les regards des chercheurs, enfin donner à voir les expériences de terrain ainsi que les initiatives publiques ou privées. Pour ces 4es Rencontres, le thème choisi, « les jeunes porteurs de projets », a mobilisé des universitaires, des élus et des praticiens. Le livre comprend cinq parties. La première est réservée à deux universitaires, l’un Bordelais, l’autre Québécoise. Les deux chercheurs mettent en perspective le thème des 4es Rencontres. Ils insistent sur les différences et les similitudes qui en la matière existent entre la France et le Québec. Les chapitres suivants empruntent une trame identique : une introduction faite par un universitaire permet de poser le cadre des échanges qui figurent dans la transcription des tables rondes auxquelles participèrent des élus, des praticiens, des acteurs de terrains et des jeunes. On aura compris que l’intérêt de cet ouvrage est la multiplicité des regards et la diversité des échanges. Le lecteur dispose ainsi d’un cadrage théorique qu’il porte à sa connaissance avant de lire le contenu des tables rondes sur les jeunes citoyens, les jeunes et l’action sociale et culturelle, les jeunes et le territoire, les jeunes entrepreneurs. Après avoir refermé l’ouvrage, on se dit que le thème est bien choisi car il permet d’aborder conjointement les obstacles que doivent surmonter les jeunes et la capacité créatrice de la jeunesse française et québécoise. La créativité est un préalable au destin collectif des jeunes ainsi qu’un moyen de devenir soi et d’être adulte. Les obstacles qui entravent la créativité et les ressources qui au contraire la facilitent nourrissent ce que, à la suite de Karl Mannheim, on désigne sous l’expression Le problème des générations. Car le problème sociologique des générations tel que le pose Mannheim est indissociable d’une approche globale et dynamique. Globale, car on ne saurait faire fi du contexte économique et culturel dans lequel se trouve la jeunesse ; dynamique, dans la mesure où la créativité inhérente aux projets d’une cohorte d’individus advient dans une tension avec la « vieille » génération. Cela ne veut pas dire que la « vieille » génération se définit par une absence de projet et un défaut de créativité. Simplement, la créativité n’est pas envisageable sans un jeu d’influences réciproques entre générations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, comme l’écrit Mannheim, « ce n’est pas seulement le professeur qui éduque l’élève, mais aussi l’élève qui éduque le professeur. Les générations s’influencent constamment mutuellement ». Si l’on se place du côté des jeunes, leur participation au devenir collectif se réalise dans des conditions difficiles. Les ouvrages de Christian Baudelot et Roger Establet (Avoir 30 ans en 1968 et en 1998) et de Louis Chauvel (Le destin des générations. Structures sociales et cohortes en France au XXe siècle) attestent de la dégradation des conditions salariales et de mobilité sociale des individus nés à partir de 1975. Dans le sillage de ces deux références, l’analyse menée par Camille Peugny (Économie et Statistique, août 2008) montre parfaitement que, si la part des individus qui parviennent à s’élever au-dessus de la condition de leurs parents demeure toujours supérieure à celle des déclassés, l’écart entre les deux flux diminue considérablement. En 2003, parmi les 35-39 ans, les ascendants …