Comptes rendus

Michael Adams, Unlikely Utopia. The Surprising Triumph of Canadian Multiculturalism, Toronto, Penguin Canada, 2007, 249 p.[Record]

  • Simon Langlois

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Michael Adams est connu pour ses analyses des valeurs et des représentations sociales faites à partir de sondages nationaux et, plus particulièrement, pour ses études comparées sur les États-Unis et le Canada. Rappelons que, dans Fire and Ice publié en 2002, il remettait en cause le mythe de la convergence des valeurs entre les deux grands voisins, observant notamment que le Québec et le Texas représentaient des cas extrêmes sur le plan des valeurs dans l’espace nord-américain. Dans son dernier ouvrage, il remet cette fois en question un certain nombre de mythes et d’idées reçues entourant l’immigration et le multiculturalisme canadien, sans oublier sa cousine québécoise, l’interculturalisme. Au Québec, beaucoup de gens ignorent qu’il existe d’importants courants d’opinion fort critiques du multiculturalisme au Canada anglais, accusé d’être la source d’une certaine apathie pour la chose publique (« civic apathy »), soupçonné d’être à l’origine d’une crise identitaire canadienne, menaçant l’égalité entre les sexes, jusqu’à être la cause d’un racisme à l’envers (celui pratiqué par des groupements minoritaires à l’encontre de la majorité). Peu d’observateurs ont noté, au plus fort des débats sur les aménagements raisonnables en 2008, que les inquiétudes manifestées par un certain nombre de Québécois avaient aussi leur pendant ailleurs au Canada, comme en témoignent l’ouvrage de Richard Gwyn, Nationalism Without Walls (1995) ainsi que les anecdotes et exemples rapportés par Adams. Celui-ci note, dans son étude des sondages pancanadiens, que les attitudes défavorables et les représentations négatives envers les immigrants sont en régression depuis les années 1990, époque où fleurissaient aussi les analyses négatives ou pessimistes à propos du multiculturalisme. Les sondages d’Environics indiquaient que plus de 60 % des répondants interrogés en 1990 estimaient que le Canada accueillait trop d’immigrants, une proportion qui a diminué par la suite (33 % en 2008) mais qui représente toujours le tiers des Canadiens. Le Québec est donc loin d’avoir le monopole de l’opposition entre le « eux » et le « nous »… Adams remet en cause la vision pessimiste du multiculturalisme canadien qui avait cours dans les travaux d’un certain nombre d’essayistes des années 1990, critiquant les thèses et interprétations connues de Reginald Bibby (le multiculturalisme est à la source d’un relativisme moral), de Neil Bissoondath (le multiculturalisme enferme les immigrants dans leurs appartenances communautaires et crée un apartheid culturel insidieux) et de Andrew Cohen (le tissu social canadien risque de devenir un archipel de groupes ethniques sans liens entre eux autres que commerciaux), notamment. Adams partage plutôt la perspective (optimiste) de Will Kimlicka pour qui le multiculturalisme est au coeur de l’affirmation d’une nouvelle identité nationale canadienne. Une nouvelle référence s’est imposée au Canada, qui n’est plus celle du groupement majoritaire anglo-britannique de vieil établissement (lui-même résultat d’un amalgame de populations d’origines européennes diverses, il faut le rappeler). Cette nouvelle référence imaginée est celle d’une population plus bigarrée, marquée par la diversité et des différences bien visibles. Pour Kimlicka, et à sa suite Adams, la nouvelle norme est précisément la valorisation de cette diversité, avec cependant l’adhésion à un vouloir-vivre ensemble en anglais (langue commune et d’intégration en dehors du Québec) et à une charte des droits individuels. Pour Adams, le turban porté par les Sikhs membres de la Gendarmerie royale du Canada ne menace pas l’identité culturelle canadienne ; bien au contraire, le port du turban exprime la nouvelle identité culturelle du pays et c’est plutôt sa prohibition qui serait menaçante, empêchant potentiellement la pleine participation à la vie commune de ceux qui tiennent à ces symboles. Ce qui importe pour lui (et pour les défenseurs du multiculturalisme comme Kimlicka), c’est plutôt le partage de valeurs …