Comptes rendus

François Béland, André-Pierre Contandriopoulos, Amélie Quesnel-Vallée et Lionel Robert (dirs), Le privé dans la santé.Les discours et les faits, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2008, 475 p.[Record]

  • François Demers

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Des exemplaires de ce livre devraient être donnés en cadeau à Barack Obama, à Hillary Clinton et à leurs conseillers en matière de santé pour éclairer le projet d’assurer une meilleure couverture d’assurance-maladie aux États-Unis. L’ouvrage a tout de la brique de référence, du document savant qui nécessite une lecture à tête reposée et qui serait normalement promis à une longue disponibilité sur les tables de travail. Il fait le point d’un ensemble de recherches sur l’efficacité des systèmes de santé des pays développés qui offrent, chacun, une alliance spécifique entre les secteurs privé et public. Dans l’échelle du dosage entre les deux composantes, les États-Unis font partie de l’extrémité où le privé domine, où les coûts globaux sont les plus élevés et où la performance pour l’ensemble de la population est la plus faible. (Le Canada et le Québec sont quelque part au milieu de l’échelle.) Jusqu’ici, l’attraction entre les systèmes états-unien et canadien de santé s’exerçait à sens unique, du nord vers le sud ; avec Barack Obama, le rapprochement pourrait venir d’un mouvement du sud vers le nord ? Mais cette promesse ne freinera probablement pas tout de suite le glissement vers le « faisons-comme-aux-États » porté par les deux niveaux de gouvernement impliqués de ce côté-ci de la frontière. De plus, le contexte de parution de ce document, en pleine crise financière américano-mondiale, risque fort de le reléguer trop rapidement aux greniers des bibliothèques et aux tours d’ivoire de la recherche. Si ce n’est déjà fait. L’introduction générale, intitulée « Pour une nouvelle lecture du débat sur le privé dans la santé » indique clairement le propos : mettre à plat les arguments en faveur d’une augmentation de la place du privé dans le système québécois. L’avant-propos venait de préciser que le livre est le résultat du travail du Réseau de recherche en santé des populations du Québec (RRSPQ), présenté comme un regroupement informel de chercheurs québécois. Ce réseau a mis sur pied en 2005 « un groupe interdisciplinaire de chercheurs pour offrir un éclairage scientifique sur les enjeux liés au rôle du privé dans la santé » (p. 9). De fait, le livre assemble les propos de quelque 33 contributeurs dont l’autorité scientifique et professionnelle est résumée dans une annexe sur les auteurs. La table des matières annonce trois parties qui se partagent 19 chapitres d’inégale longueur mais qui obéissent tous à la forme discursive du texte savant. Ces trois parties sont encadrées par un avant-propos, une introduction et une conclusion mais sont aussi précédées chacune par une « présentation » de quelques pages signée par les quatre coordonnateurs du livre. Ainsi, dans sa facture même, l’ouvrage fait sérieux et solide. Dès l’avant-propos, le lecteur apprend que le déclencheur de toute l’opération, c’est le jugement de la Cour suprême du Canada dans le cas Chaoulli c. Québec, en juin 2005. Le discours médiatique à ce propos avait pris des accents catastrophistes et avait inquiété les défenseurs du système public de santé, dont les participants au RRSPQ. (Le rapport Castonguay, rendu public en 2008 vers la fin de leurs travaux, ne les a pas rassurés lui non plus.) Ces chercheurs vont donc s’efforcer, à l’aide des connaissances disponibles et dans les termes spécialisés qui conviennent, de déconstruire les discours qui semblent « n’offrir aucune autre porte de sortie que le recours au privé comme solution universelle » (p. 8). À tout seigneur, tout honneur, étant donné le thème du jugement Chaoulli : l’assurance privée, le livre va s’attaquer d’abord à l’idée que le Canada (et le Québec) serait le seul des pays développés à fermer carrément …