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Comment aider les chercheurs, les professeurs et les étudiants étrangers à approcher le Québec, qui est devenu un sujet d’intérêt et un objet d’étude depuis plus de trente ans ? Comment les aider à appréhender sa spécificité et son évolution, si complexes ? À la rencontre d’un Québec qui bouge. Introduction générale au Québec se présente comme un essai qui vise à mieux faire connaître le Québec actuel mais il réussit parallèlement à rendre visible l’expertise propre au Québec, particulièrement dans le domaine des sciences sociales et humaines. En effet, cette publication partage la philosophie de l’Association internationale des études québécoises, dont Robert Laliberté est directeur général depuis janvier 2000. L’AIEQ, qui mène un travail de formation dans les études québécoises à travers le monde, tient à approfondir de manière novatrice le savoir sur le Québec et à développer de nouveaux savoirs québécois, c’est-à-dire de nouvelles manières de penser, de connaître et de faire, qui peuvent être transposables à d’autres contextes.

Dans ce livre, une série de chercheurs et professeurs sont invités à réfléchir sur des thèmes ou phénomènes qui ont marqué l’évolution du Québec et qui se rapportent à quatre grands défis : la construction inachevée d’une identité plurielle, l’adaptation à un environnement en changement permanent, l’exportation nécessaire d’une culture originale et l’ouverture à l’Autre.

Dans la première partie, Denys Delâge, spécialiste en histoire et en sociologie des Amérindiens, analyse la genèse et l’évolution du rapport colonial, dont la persistance entrave le processus qui devrait mener les Autochtones ou premières nations à atteindre l’autonomie, la démocratie et une amélioration des conditions socioéconomiques. Yvan Lamonde étudie, dans une perspective d’histoire des idées et d’histoire intellectuelle, la succession d’héritages métropolitains au Québec qui déterminent un « cosmopolitisme structurel » et la construction de l’américanité, qui fait évoluer les représentations des Canadiens français et des Québécois sur soi et sur l’Autre, la France. Micheline Labelle réfléchit sur la diversité croissante de la société québécoise, sur la politique de gestion de la diversité et sur l’évolution de l’identité québécoise, une identité qui « se redéfinit ».

Dans la deuxième partie, concernant l’adaptation à un environnement en changement permanent, Micheline Milot aborde la problématique de la laïcité, Diane Lamoureux traite de l’égalité entre les femmes et les hommes comme « valeur fondamentale de la société québécoise », Michel Venne se penche sur le « modèle québécois » de développement et son évolution, et Jean-Claude Corbeil examine les défis de la langue française au Québec, à savoir la concurrence de la langue anglaise et la variation du français. Alain-G. Gagnon et Paul May exposent les défis politiques au Québec par rapport à la question de la place constitutionnelle du Québec et à la construction d’un nouveau modèle ou formule.

La troisième partie accueille des analyses sur des aspects originaux de la culture québécoise et sur sa réception au Québec et ailleurs. Deux domaines de la littérature québécoise, l’écriture au féminin et les écritures migrantes, sont abordés par Yannick Resch. Louise Vigeant évoque l’histoire du théâtre québécois et ses défis et se focalise sur sa spécificité et son universalité. Cécile Prévost-Thomas se penche sur l’évolution de la chanson québécoise et sur le problème de sa réception en France. Et Pierre Véronneau étudie le cinéma québécois et les voies de son rayonnement.

Les derniers articles se consacrent à l’étude des rapports entre le Québec et l’Autre, et de la place du Québec à l’échelle internationale. Marcel Martel analyse les rapports qu’entretient le Québec avec le reste du Canada et plus particulièrement avec les communautés francophones en milieu minoritaire. Guy Lachapelle examine l’évolution des relations entre le Québec et les États-Unis et Stéphane Paquin explique le développement des relations France-Québec depuis le XIXe siècle mais surtout depuis les « retrouvailles » dans la décennie 1960. Louise Beaudoin évoque le « rôle majeur » que le Québec a joué dans la construction de l’espace francophone et les défis que le Québec et une Francophonie « mieux ancrée » devraient maintenir, à savoir la protection de la diversité linguistique et le combat en faveur de la langue française. Et Gilbert Gagné met en relief la lutte que mène le Québec pour avoir une place au sein des organisations internationales et pour y promouvoir la diversité culturelle.

Des annexes fournissent des repères historiques, une description générale et des données statistiques. Étant donné les objectifs de ce livre, un répertoire de médias et de revues savantes aurait été très pertinent.

Trois types d’apports justifieraient que ce livre soit présent dans les bibliothè­ques de professeurs et de chercheurs et même de décideurs. Tout d’abord les synthèses et les tours d’horizon dans une pluralité de domaines. La synthèse l’emporte dans plusieurs articles dont celui de Yannick Resch sur les écritures au féminin et les écritures migrantes. Dans la première partie de son article, un tour d’horizon de l’écriture des femmes des années soixante-dix et quatre-vingt permet d’apprécier son originalité et sa force. Quant aux écritures migrantes, l’espace accordé ne permet pas de convoquer toutes les voix des écrivains importants – Marie-Célie Agnant, Jacques Folch-Ribas, Mona Latif-Ghattas – et des chercheurs solides, telle Lucie Lequin, et certaines interprétations pourraient être débattues. On aurait pu envisager deux chapitres différents étant donné que ces deux champs littéraires au Québec allient l’originalité et le pouvoir d’enrichir et de revivifier la littérature québécoise.

Un deuxième apport est associé au fait que les débats et les défis exposés dans la plupart des articles (Micheline Labelle, Micheline Milot, Alain-G. Gagnon et Paul May, Michel Venne, Diane Lamoureux) sont transposables à d’autres sociétés. Le Québec y apparaît comme un laboratoire social, culturel, politique et économique dont l’étude peut être profitable à des décideurs d’autres pays.

Et le troisième apport de cette publication concerne l’expertise. Les articles de Denys Delâge, d’Yvan Lamonde ou de Micheline Labelle, parmi d’autres, montrent que ce Québec « qui bouge » a la capacité d’enrichir la formation scientifique et les méthodes d’approche des étudiants et des chercheurs des contextes universitaires étrangers.