Comptes rendus

Jean-François Cloutier, Jeff Fillion et le malaise québécois, Montréal, Liber, 2008, 149 p.[Record]

  • François Demers

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Entre 2000 et 2005, il s’est produit dans la ville de Québec un événement politico-médiatique remarqué par les médias de Montréal, soit la montée au faîte de la résonance publique de la station de radio privée, CHOI-FM, puis sa chute brutale. Ce bref essai du journaliste Jean-François Cloutier promet, en quatrième de couverture, de montrer que « le succès de CHOI et la bruyante controverse que la radio a suscitée s’expliquent par le fait qu’elle a été au carrefour des grands courants du Québec actuel ». Au lecteur éventuel cherchant à situer l’interprétation, je proposerais la démarche de lecture suivante. D’abord, noter le titre : il ne parle pas de CHOI mais de Jeff Fillion, l’animateur du matin de cette radio. On pourra croire qu’il s’agit là d’une distorsion normale pour un journaliste immergé dans un environnement médiatique dominé par la « peoplelisation ». Mais il vaut mieux savoir à l’avance que l’auteur tient vraiment à donner une place au « talent » de Jeff et à « l’audace » de Patrice Demers (aucun lien de parenté connu avec l’auteur de cette recension), le propriétaire de la station (p. 145). Puis, deuxième étape, lire le passage suivant de la page 81 : « Ils ne voient pas que CHOI et Jeff Fillion, malgré tous leurs défauts, ont permis de revitaliser Québec. Pendant un temps, ils ont donné une identité et une raison d’habiter là plutôt que partout ailleurs dans la province. […] Ce n’est pas une ville douce, contrairement à ce qu’on prétend, et pour les immigrés, nous pouvons concevoir l’extrême difficulté qu’il y a à s’y établir. Fillion et CHOI permettaient de l’humaniser en créant des liens de proximité ». Troisièmement, il faut jeter un coup d’oeil sur les pages 94 à 98, où l’auteur salue la justesse des critiques de cette radio contre les « BS », les fonctionnaires, les syndicalistes et la mollesse du système judiciaire. Dans le cas des attaques contre les homosexuels, les handicapés et les immigrés, l’appui est accompagné de bémols. En quatrième lieu, il conviendrait de parcourir la table des matières, placée en fin du livre. On y voit la liste des thèmes développés par les médias, par La Presse, Radio-Canada et L’actualité, pour expliquer la notoriété de l’un d’entre eux et à la fois la créer. Ainsi du chapitre « Mystère de Québec », décliné en : Une ville conservatrice, L’anglomanie, Le fédéralisme de Québec, La rivalité avec Montréal, Le gros village. Suit le chapitre sur « Deux nouvelles solitudes » qui affirme le fossé croissant entre l’arrière-pays, dont fait partie Québec, et la métropole Montréal où « l’élite » du Plateau serait de plus en plus « coupée du peuple ». La partie suivante invoque « La fin de la Révolution tranquille » avec trois sous-chapitres : les excès, Changer le « modèle québécois », « On est français, on est crétins ». Quant au chapitre 5, le dernier, intitulé « Radio X », celui-là il faut le lire, car l’essentiel est là : une interprétation par le facteur générationnel. Tout s’expliquerait par le contexte difficile pour les X et les Y, alors que pour les babyboomers, c’était du velours. Au terme de ce premier balayage (scanning), il sera devenu apparent que l’ensemble est une sorte de revue de presse de la sagesse du petit milieu médiatique francophone. Je proposerais donc à qui veut aller au-delà, d’activer quelques hyperliens (virtuels, au sens où ils ne sont pas dans le texte). Par exemple, pousser plus loin l’analyse du côté de l’évolution du commerce de la radio en Amérique au …