Comptes rendus

Institut de la statistique du Québec, Données sociales du Québec,Édition 2009, Québec, Gouvernement du Québec, 2009.[Record]

  • Jean-Pierre Beaud

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Une personne sur deux, au Québec, possède un niveau de compétence en littératie et en numératie suffisant pour être à l’aise dans la vie quotidienne. C’est une « statistique » qui donne à réfléchir. Par exemple, c’est au mieux la proportion de personnes capables de lire, de comprendre, d’utiliser les informations regroupées dans la deuxième édition de Données sociales du Québec, d’où précisément sont tirées ces informations sur la compétence. Un organisme de défense des consommateurs y trouvera un argument fort pour exiger des compagnies des textes plus clairs, plus faciles à lire, par exemple des factures ou des instructions rédigées simplement, avec un vocabulaire non technique. Des intervenants sociaux ou politiques trouveront là matière à réformes, au plan de l’éducation, de la formation continue. En effet, plus l’âge des personnes est élevé, moins elles ont fait d’études et plus le niveau de compétence est faible ! Il faut donc agir pour augmenter le niveau de compétence en littératie et numératie du Québec profond, d’autant qu’il traîne la patte derrière l’Ontario et, de façon générale, le Canada. Voilà, tout simplement, l’énorme importance d’un ouvrage rempli de chiffres, de tableaux et de courts textes commentant les données. Certes, ces courts textes s’arrêtent là où commence l’explication. Les spécialistes des sciences sociales devront donc prendre le relais. Mais ils ont presque tout pour interpréter, en particulier leurs théories et leurs méthodes. André Bernard, mon ancien collègue au département de Science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), intégrait toujours une leçon sur la démographie au Québec à son cours de Problèmes politiques contemporains. Sans une bonne connaissance de ce qui structure le Québec d’aujourd’hui – démographie, éducation, revenu, bref tout ce que l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) appelle les conditions de vie –, il n’était pas possible, selon lui, de faire de l’analyse politique. Données sociales offrent le matériau pour une telle analyse. La deuxième édition de Données sociales paraît quatre années après la première. Elle ne reprend pas exactement le modèle de 2005. Les chapitres sur la mortalité et les crimes contre la personne ont disparu. Par contre, « le chapitre sur la santé a été recentré sur les questions de perception de l’état de santé et les comportements ayant une influence sur la santé » (p. 17). Ces deux facteurs de recentrage sont intéressants, car ils dénotent deux transformations de la conception qu’on se fait des déterminants des conditions de vie. D’abord, et cela traduit un changement dans la façon dont travaillent les bureaux statistiques, le « subjectif » n’est plus persona non grata dans le monde des statisticiens. Certes, le mouvement ne date pas d’hier et l’on peut en retrouver des traces dès les années 1950 avec le développement de statistiques sur les anticipations économiques, mais, dans les dernières années, ce mouvement a pris de l’ampleur (les statistiques ethniques, par exemple, se déclinent aujourd’hui à partir de choix subjectifs faits dans des nomenclatures construites comme des classements pratiques et non plus inspirés d’a priori pseudo-« scientifiques »). Ensuite, et les nombreuses études biomédicales nous y ont habitués, on ne peut plus penser aujourd’hui la santé sans penser populations en danger, groupes à cibler. Là aussi, le subjectif, par l’intermédiaire des comportements à risque (et non plus simplement des caractéristiques socioéconomiques), semble s’imposer. Reste que, malgré tout, « la plupart des données sont objectives […], tirées de sources fiables et officielles » (p. 15), en particulier les enquêtes de Statistique Canada ou celles de l’ISQ. C’est un terrain solide, du moins en apparence (on pourrait, de ce point de vue, ressortir la vieille formule selon …