Comptes rendus

Pierre Savard, Entre France rêvée et France vécue. Douze regards sur les relations franco-canadiennes aux XIXe et XXe siècles, avant-propos de Marc Lebel, texte établi par Marc Lebel avec la collaboration de Madeleine Renaud, Québec, Nota Bene, 2009, 332 p.[Record]

  • Gérard Fabre

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L’historiographie des relations franco-canadiennes compte désormais ce florilège de l’historien Pierre Savard. Dans son avant-propos, Marc Lebel résume si judicieusement les douze études composant l’ouvrage (avec, en prime, de précieuses mises à jour bibliographiques) qu’il semble un peu vain de reprendre cette tâche. « Sujet inépuisable » (p. 324), ce champ de recherche est réinvesti par la connaissance universitaire francophone, avec, entre autres exemples, le luxueux France-Canada-Québec. 400 ans de relations d’exceptions, sous la direction de Serge Joyal et Paul-André Linteau (Les Presses de l’Université de Montréal, 2008) ou le plus modeste – mais non moins intéressant – La Capricieuse (1855) : poupe et proue. Les relations France-Québec (1760-1914), sous la direction d’Yvan Lamonde et Didier Poton (Les Presses de l’Université Laval, 2006). Bien qu’antérieurs à ces deux forts volumes, les apports de Pierre Savard (comme, d’ailleurs, ceux de son collègue Claude Galarneau, souvent cité dans ce recueil) n’en sont pas moins incontestables et, à maints égards, novateurs : ils visent à objectiver ce qui était souvent énoncé sous le sceau de l’implicite ou du convenu (la densité, la diversité et la chaleur des liens noués, les connivences religieuses, et donc l’omniprésence de la foi catholique dans cette quête d’échanges transatlantiques), à dépasser le sentimentalisme qui prête à la complaisance (bien des tensions ont entravé ou hypothéqué ces échanges, tensions qui tiennent à des incompréhensions réciproques, mais aussi au développement autonome et spécifique des deux sociétés, loin de toute image facile suggérant une culture franco-canadienne à la remorque du « modèle français », fût-ce dans sa version la plus traditionaliste). Objectivation ne signifie en aucun cas neutralisation de la charge affective motivant ces relations, et Pierre Savard n’ignore ni ne minore ce moteur sans lequel rien, dans ces relations, ne peut se comprendre, ni être expliqué. Ce recueil de textes publiés entre 1974 et 1997 offre un large panorama sur les relations franco-canadiennes à travers diverses séquences temporelles. Celles-ci s’échelonnent sur quasiment deux siècles, pendant lesquels foisonnent à la fois rencontres, attentes, déconvenues et liaisons durables entre les « Français d’Amérique » (comme se plaisait à les nommer le général de Gaulle) et leur mère patrie. Quatre concernent le XIXe siècle, six le XXe (avec un accent sur la deuxième moitié de ce siècle dans pas moins de cinq) ; deux conduisent à une réflexion de plus longue portée chronologique. Les douze sections de l’ouvrage peuvent être classées selon six critères, que l’on distingue par commodité, tout en notant leur interpénétration. Une première thématique s’inscrit dans l’histoire des relations internationales, modernisation de l’histoire diplomatique, telle qu’elle a été inspirée par Pierre Renouvin : il s’agit de l’étude particulièrement documentée sur l’ambassade de Francisque Gay à Ottawa, d’avril 1948 à juin 1949. Il en ressort une sorte de constante diplomatique française, contre laquelle les sympathisants gaullistes du Quai d’Orsay se heurteront bientôt, à leurs dépens : un souci de maintenir des relations cordiales avec le Canada anglais, des rapports plus nuancés avec la partie canadienne-française, même si le bilan de Gay à cet égard est somme toute positif. Le fervent catholique, animateur parmi les plus en vue d’un puissant parti de centre gauche (le Mouvement républicain populaire), irrite certains conservateurs purs et durs de la Belle Province, avec ses discours enflammés sur la Résistance et son corollaire l’Épuration. Il attendrit néanmoins beaucoup de Québécois, lui qui « recherche volontiers la compagnie de religieux » (p. 64), en reprenant à sa façon le flambeau de la France éternelle, fille aînée de l’Église. Une deuxième thématique regroupe les études de réception. On peut y ranger …