Comptes rendus

José Del Pozo, Les Chiliens au Québec. Immigrants et refugiés de 1955 à nos jours, Québec, Boréal, 2009, 424 p.[Record]

  • Idil Atak

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  • Idil Atak
    Postdoctorante, Centre pour les droits humains et le pluralisme juridique, Université McGill.
    idil.atak@umontreal.ca

Dans un premier temps, l’évolution de l’immigration chilienne est analysée en quatre périodes successives. La première vague qui se situe entre 1955 et 1973 est essentiellement composée d’étudiants et d’immigrants économiques. Elle est de taille limitée : à la veille du coup d’État de 1973, leur nombre ne dépasse pas les 500 à Montréal. La période suivante (1973-1978) est celle du départ massif des Chiliens fuyant la répression politique qui a suivi le coup d’État militaire. Ainsi, apprend-on que le Canada a réservé un accueil favorable aux demandeurs d’asile, et ce, malgré le fait qu’il était dépassé par les événements notamment par manque d’expérience en matière d’attribution du droit d’asile dans ses ambassades. De même, la population et les médias québécois étaient généralement en faveur de l’admission des réfugiés. Or, cette attitude positive change radicalement au cours de la troisième période (1979-1989). Selon l’auteur, deux facteurs sont déterminants dans ce revirement : la crise économique globale des années 1980 et l’arrivée au pouvoir des conservateurs au Canada en 1979. Le gouvernement canadien prend plusieurs mesures restrictives dont la suppression de l’aide financière jusqu’alors accordée aux demandeurs d’asile et l’abandon du programme spécial favorisant l’immigration chilienne. À travers les récits individuels de Chiliens affectés par ces limitations, Del Pozo met l’accent sur le changement du paradigme migratoire au Canada : la nouvelle politique est caractérisée par une sécurisation accrue des frontières et une méfiance grandissante envers les demandeurs d’asile. Cette tendance se confirme au cours de la dernière période historique examinée dans l’ouvrage (de 1990 à nos jours). L’immigration au Québec devient de plus en plus sélective. La position répressive du gouvernement entraîne des mouvements de contestation et de solidarité en faveur des réfugiés, comme des occupations d’églises à Montréal en février 1998. Grâce à cette mobilisation sociale, plusieurs demandeurs d’asile ont pu demeurer au Québec. Il découle de cette première partie que l’immigration des Chiliens au Québec est marquée tant par des événements survenus au Chili que par la politique canadienne d’immigration et d’acceptation de réfugiés. L’étude du cas chilien met en lumière les complexes dynamiques du phénomène d’immigration au Canada. Elle permet aussi d’illustrer les interactions entre les facteurs juridiques, politiques et socioéconomiques qui sous-tendent le changement du paradigme migratoire au tournant des années 1980. La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée au processus d’intégration des Chiliens au Québec. Plusieurs aspects pratiques de leur vie quotidienne y sont abordés : le choix de la ville, la recherche d’un logement et d’un emploi, la scolarisation des enfants, etc. L’auteur note que la grande majorité des Chiliens se sont installés dans la région de Montréal, sans pour autant créer de « ghettos ». Bien que les migrants chiliens aient généralement une scolarité équivalant aux études collégiales ou universitaires, leur expérience sur le marché du travail n’a pas été toujours positive. Le taux de chômage des Chiliens, comme celui des minorités visibles, est plus élevé (de 16 points en 2006) que celui de la population locale québécoise. Les études de cas montrent aussi la diversité des expériences : le phénomène de déqualification et de chômage, mais aussi des exemples de réussite professionnelle. Les Chiliens originaires d’un pays assez urbanisé, éduqués dans une culture basée sur les valeurs du monde occidental, réussissent globalement leur intégration civique. Cependant, certains éprouvent des problèmes identitaires. Le cas des réfugiés est emblématique : arrivées après le coup d’État, la plupart de ces personnes défendaient leur identité à travers la « culture politique de gauche ». Leur volonté d’opposition à la culture « capitaliste » québécoise et les barrières psychologiques amenant certains à penser que leur séjour au …