Comptes rendus

Robert Thérien, Beau Dommage. Tellement on s’aimait, Montréal, vlb éditeur, 2009, 226 p. ; Sylvain Rivière et Gilles Mathieu, La Butte à Mathieu. un lieu mythique dans l’histoire de la chanson québécoise, Montréal, vlb éditeur, 2010, 168 p.[Record]

  • Micheline Cambron

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Le récit de Robert Thérien est linéaire et se déploie chronologiquement, animé visuellement par l’insertion de plusieurs séries de planches consacrées à des photos qui ont, pour certaines, un intérêt documentaire évident : Beau Dommage avec Félix Leclerc ou avec Julien Clerc, photos de quelques acteurs de l’ombre, producteurs ou réalisateurs, photos plus intimes du groupe, dont les liens avec le récit lui-même ne sont pas explicités. L’aventure du groupe nous est racontée depuis ses débuts, précédée d’un prologue exposant des événements déterminants pour les orientations esthétiques du groupe : le passage des Beatles au Ed Sullivan Show et la création des multiples groupes rock n’ roll des années 1960 au Québec. Par la suite, les événements du récit mettront en scène tout un monde de personnages et rappelleront l’importance de certains phénomènes de société. Robert Thérien apporte des informations complémentaires sur des personnes ou des lieux, et explique à l’occasion les situations évoquées dans les chansons, les événements d’octobre 70, René Lévesque, la grève de CJMS en 1977, les boîtes à chansons, les deux référendums, etc. À chaque fois cela donne lieu à un bref micro-récit. S’il s’agit d’un livre écrit pour les fans, ceux-ci semblent soit trop jeunes pour avoir vécu les années 1970, soit avoir un peu perdu la mémoire. Le flottement quant à l’identité du lecteur auquel l’ouvrage s’adresse est aussi lisible dans l’absence d’informations quant à certains personnages nommés dans le récit. Si on peut croire que le « duo Brassard-Tremblay » sera reconnu par sa seule mention, d’autant que trois pages plus tard on trouve un intéressant développement sur les événements ayant entouré la composition de la musique du film Le soleil se lève en retard, scénarisé par Michel Tremblay et réalisé par André Brassard (p. 98, 101-102), cela n’est sans doute pas le cas des noms de nombreuses vedettes locales et internationales dont les titres de gloire sont supposés connus de tous. « Martin Matte, six ans » n’est peut-être pas appelé à demeurer dans la mémoire de tous (p. 100), et « Une touche de Neil Young » (p. 170), est une expression dont le sens n’est pas donné d’emblée. Pour sûr, le lecteur attendu est connaisseur en histoire de la musique populaire. Et il s’intéresse à tous ses aspects, y compris sa dimension économique. Cette dernière est très étroitement intriquée au récit et renvoie indirectement aux « valeurs » du groupe : pratiques et responsabilité des compagnies de disques, importance du modèle coopératif dans les prises de décision et la gestion financière du groupe, choc entre le refus de se soumettre aux diktats de la Guilde des musiciens, conçue comme une instance américaine et l’emprise réelle de la Guilde sur les scènes québécoises, rôle de certains producteurs de spectacle. L’ouvrage éclaire de manière oblique mais efficace les conditions d’exercice d’un art, la chanson, trop souvent réduite à ses aspects glamour ou à la seule analyse des textes des chansons. Tous les éléments présentés sont déployés sur un mode narratif et intégrés au récit plus vaste qu’orchestre Robert Thérien : les biographies des membres du groupe, les commentaires sur les chansons (récit des circonstances de composition, de l’histoire racontée dans la chanson et des stratégies liées à la musique et aux arrangements), les programmes et le déroulement des concerts marquants et des tournées, les rencontres avec des personnalités et les dimensions économiques des productions du groupe. À l’arrière-plan on découvre une vie culturelle riche, mal connue ou oubliée : le caractère très fortement interdisciplinaire des activités du groupe (théâtre, télévision et cinéma) ressort nettement. La trajectoire professionnelle de Michel Rivard est …

Appendices