Symposium critique sur la signification du travail

RéponsePour une critique en phase avec les nouvelles réalités du monde du travail[Record]

  • Daniel Mercure and
  • Mircea Vultur

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Nous exprimons notre reconnaissance à la revue Recherches sociographiques pour l’intérêt accordé à notre livre intitulé La signification du travail. Nouveau modèle productif et ethos du travail au Québec. Nous remercions aussi nos collègues Gagnon et Lapointe de leurs commentaires, lesquels commandent de notre part des précisions que nous souhaitons éclairantes. Dans un premier temps, nous répondrons aux demandes d’information supplémentaire et aux différentes critiques d’ordre technique. Dans un deuxième temps, nous examinerons la principale question qui préside à l’esprit de leurs commentaires, à savoir celle des rapports collectifs conflictuels du monde du travail. Cette question n’est pas au centre de notre livre, mais elle structure l’esprit des critiques formulées par nos collègues, qui s’inscrivent, toutes deux, dans le champ des relations patronales-syndicales plutôt que dans celui des changements socioculturels vus sous l’angle de l’ethos du travail, thème par ailleurs associé à une « préoccupation patronale » par Gagnon. La lecture particulière que font nos collègues des rapports au travail soulève un débat de fond sur les nouvelles dynamiques conflictuelles du travail, ce à quoi nous consacrerons la dernière section de notre réponse. Avant d’examiner les critiques de Lapointe, nous répondrons à celles de Gagnon, qui, par leur teneur, révèlent une faible prise en considération de l’un des deux objectifs de l’ouvrage, en plus d’être marquées par des erreurs factuelles majeures à la source de nombreux contresens. Il nous faut donc d’entrée de jeu rappeler l’esprit du livre. L’objectif principal de l’ouvrage consiste à repérer, décrire et analyser les ethos du travail au Québec, c’est-à-dire, selon notre définition, « l’ensemble des valeurs, attitudes et croyances qui induisent une manière de vivre son travail au quotidien » (p. 6). Mais l’étude vise aussi, sur un autre plan, un deuxième objectif qui structure une partie de l’ouvrage : examiner si certains types d’ethos du travail identifiés dans le cadre de nos analyses entretiennent un rapport d’« affinité élective » (Weber) avec le nouvel esprit libéral. Plus concrètement, il s’agit de circonscrire la nouvelle idéologie managériale et de déceler le degré d’adhésion des travailleurs à un certain nombre de normes idéal-typiques qui témoignent de l’esprit des nouvelles pratiques de gestion et du discours qui l’accompagne. Autrement dit, répondre à la question suivante : « Comment les travailleurs interprètent-ils et intériorisent-ils les principales normes du travail qui participent de l’idéologie managériale contemporaine ? » (p. 19), ce qui implique de dégager l’idéal-type d’ethos du travail propre au nouvel esprit libéral. Pour ce faire, nous utilisons la méthode wébérienne de l’idéal-type, qui se caractérise, rappelons-le, par l’accentuation unilatérale et cohérente des principaux traits de caractérisation du modèle de référence, dans notre cas l’idéologie managériale dominante. Sur la base d’entretiens avec des chefs d’entreprise, des cadres supérieurs, des gestionnaires de ressources humaines et des membres d’une chambre de commerce, nous avons d’abord construit ce type idéal, puis nous nous sommes assurés qu’il suscitait l’adhésion de ces derniers, même s’ils considèrent que la réalité est tout autre (cette façon de faire est précisée à la p. 20 de notre livre). Ensuite, la démarche nécessite de bien cerner le modèle productif de référence. Bien entendu, ce modèle comporte des formes complexes, particulières et variées, et, dans la réalité du monde du travail, il existe évidemment différents modèles productifs, comme le rappelle Lapointe. Mais ce qui nous intéresserait, c’est précisément le modèle de référence des gestionnaires, qui est aussi, comme le précise un intertitre du chapitre visé, non pas « le » modèle, mais « Un nouveau modèle productif en émergence » depuis trois décennies (p. 34). Rappelons notre définition du concept de modèle productif, …

Appendices