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Le titre du dernier ouvrage de Jacques Parizeau La souveraineté du Québec : hier, aujourd’hui et demain, en décrit bien le contenu. Dès la première page, l’auteur avertit le lecteur que cet ouvrage n’est pas une autobiographie. On peut ajouter qu’il ne s’agit pas non plus d’un de ces ouvrages où un retraité de la politique active tente de façonner l’image que l’histoire retiendra de lui. Cet essai s’oriente vers l’avenir, un futur où Jacques Parizeau continue d’évaluer que le Québec aurait intérêt à être souverain.

L’ouvrage en plus de l’introduction et de la conclusion compte douze chapitres. On pourrait cependant regrouper le propos en trois grandes parties : la souveraineté et la mondialisation, de la province de Québec à l’État du Québec, et finalement, l’état de l’État potentiel du Québec. Jacques Parizeau a tout au long de sa longue carrière comme professeur ou comme serviteur de l’État réfléchi et échangé sur ces thèmes à de nombreuses reprises. Son propos dans cet ouvrage ne contredit en rien ses propos antérieurs.

Notons que Parizeau part implicitement de l’idée qu’il y a une telle chose qu’une nation québécoise et que la question est de savoir quelles institutions, dans le monde actuel, conviennent le mieux à la vie des citoyens d’une telle entité. Ce point de vue est sans doute partagé par les nationalistes québécois et par plusieurs fédéralistes, pour reprendre la nomenclature habituelle au Québec. Cependant, tous les habitants du Québec ne se définissent pas nécessairement comme Québécois d’abord et par conséquent leur société de référence n’est peut-être pas le Québec. Jacques Parizeau ne discute pas ces questions sociologiques, mais se concentre plutôt sur les aspects politiques, et notamment institutionnels de la démarche qui va de la province à l’État reconnu par ses pairs.

Pour Parizeau « la mondialisation rend plus nécessaire que jamais le rôle traditionnel de l’État-nation » (p. 67). Entre l’individu et le monde, il doit y avoir un intermédiaire, nous dirions une société civile, et une autorité qui la chapeaute. Même si la fin du 20e siècle et le début du 21e s’inscrivent dans un mouvement d’ouverture des marchés et de mondialisation du commerce, Parizeau, de toute évidence, estime que ce mouvement n’aboutira pas sous peu à un gouvernement mondial dont les provinces seraient les États actuels. Tout au contraire, il est d’avis que les États actuels auront tendance à se perpétuer notamment en signant des ententes et traités à titre de nations souveraines.

Une large partie de l’ouvrage porte sur les efforts du Québec à devenir un État souverain. En revenant brièvement sur les référendums québécois de 1980 et 1995, l’auteur reprend un certain nombre de constats. Rappelons-en deux relatifs au Canada. Même si un Québec souverain n’a pas besoin ou plus exactement n’a plus besoin dans le monde actuel de maintenir une association ou partenariat spécial avec le Canada, plusieurs Québécois se sentent rassurés par un tel partenariat. Les partisans de la souveraineté doivent donc tenir compte de ce fait. Un autre constat datant du premier référendum, mais répété au second référendum, c’est que pour les Canadiens la sécession du Québec n’est pas qu’une affaire d’institutions politiques, mais bien de communauté. « Pour les Canadiens, le fait que leur pays soit menacé les amène à faire jouer la fierté et l’émotion. À la limite, ils ont l’impression d’être en guerre (p. 42). »

C’est ici que le lecteur aurait avantage à lire le petit ouvrage du professeur Laponce, Le référendum de souveraineté, qui recense environ 190 référendums de souveraineté tenus entre 1791 et 2009. Il établit une typologie qui distingue les référendums selon qu’ils sont consultatifs ou décisifs, de séparation, d’union, de transfert ou de statu quo, unilatéral, bilatéral ou multilatéral, d’offre ou de demande, gouvernemental ou communautaire. Il note que les référendums de séparation n’échouent pas plus souvent que les autres. Une observation qui devrait conforter l’auteur de la La souveraineté du Québec tout comme les observations sur les minorités, la formulation de la question, la qualité d’électeur et la majorité requise pour qu’un référendum soit déclaré gagnant. Par ailleurs, Laponce note que le droit international, de façon générale, ne favorise pas la souveraineté des peuples, mais ne s’y oppose pas si l’État sécessionniste a le contrôle effectif sur son territoire.

En passant du statut de province à celui d’État souverain, le Québec devrait, selon Parizeau, décentraliser des pouvoirs vers des entités régionales ou locales, il devrait aussi revoir un certain nombre d’institutions comme le mode de scrutin ou la représentation des régions dans une seconde chambre législative. Sa réflexion se porte aussi sur la croissance économique et sur la place du citoyen dans la société et face à l’État.

Autant l’ouvrage de Jean Laponce apporte des informations factuelles sur les référendums de souveraineté, autant l’essai de Jacques Parizeau apporte des arguments pour la souveraineté. Les deux auteurs présentent leurs faits et arguments de façon sereine et engageante. L’un s’adresse à la communauté des chercheurs, l’autre au citoyen.