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Cet ouvrage assez volumineux rassemble les contributions des participants à la cinquième Rencontre Champlain Montaigne qui réunissait, à Québec, universitaires et intervenants issus principalement des régions de Québec et d’Aquitaine, autour des questions d’intégration des immigrants. Ce colloque coïncidait avec deux événements très particuliers : les fêtes du 400e anniversaire de la ville de Québec et le dépôt du rapport de la célèbre Commission Bouchard-Taylor sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles. C’est dire l’opportunité du choix du sujet, et ce, d’autant plus que se mettait en place une nouvelle administration municipale à Québec, bien décidée à affronter les défis de l’heure. Enfin, dans la tradition de ces regards croisés entre Québec et Bordeaux, les contributions universitaires jouxtaient les points de vue des intervenants qu’ils soient gouvernementaux ou associatifs. Les directeurs de l’ouvrage ont décidé d’inclure aussi les divers témoignages présentés au colloque ainsi que les exposés d’ouverture et les échanges à l’occasion de tables rondes. Les contributions sont donc très hétérogènes ; elles vont de textes académiques présentant des résultats de recherches et des analyses critiques à des opinions ou à de courtes interventions, en passant par des exposés descriptifs de programmes et politiques. Le titre de l’ouvrage aurait sans doute pu être mieux ciblé ; s’il est bien question des expériences québécoises et françaises, dans les faits les réalités discutées sont celles des deux régions impliquées dans l’organisation de ces rencontres.

Le livre comprend sept parties. La première présente, sous la plume magistrale d’Évelyne Ritaine pour la France (et l’Union européenne) et de Christian Poirier pour le Québec, une problématisation éclairante des grands enjeux liées à l’intégration et à la diversité. Une fois de plus, l’immigration apparaît comme un miroir des crises traversant nos sociétés, au risque de son instrumentalisation. La seconde nous plonge dans les expériences de terrain et l’on sent d’emblée dans le propos des intervenants, particulièrement avec le pacte de Fraternité à Bordeaux, le souci universaliste qui porte le travail associatif en France alors que l’action québécoise porte résolument sur les personnes immigrantes. Les deux parties suivantes qui comprennent plusieurs témoignages, sont consacrées respectivement à l’intégration sociale et familiale, dont au premier chef celle des femmes, ainsi qu’à l’engagement dont font preuve des immigrants dans leurs milieux respectifs. En fait, les questions débattues ici rejoignent celles de la partie consacrée à l’éducation comme moteur d’intégration dans la mesure où les immigrantes sont de plus en plus scolarisées et où le retour aux études, comme le montre Lucille Guilbert, est souvent indissociable de leur insertion dans le pays d’accueil.

La cinquième partie a particulièrement retenu mon attention car on y voit tous les paradoxes traversant l’immigration en région rurale ainsi que la diversité des cas de figure. La question du logement y joue un rôle névralgique, que ce soit sous le mode de la mixité, du logement social, voire de la gentrification. Les lecteurs québécois découvriront sans doute avec étonnement les ressorts de l’importante immigration britannique en Aquitaine.

Suivent ensuite deux parties touchant des matières cruciales en matière de développement pour des villes comme Québec ou Bordeaux, qu’il s’agisse des étudiants étrangers ou de la diversité en milieu de travail. L’ouvrage se termine par des témoignages de stagiaires bordelaises dans le prolongement de la coopération entre les deux villes.

Au total, un ouvrage certes hétéroclite mais où chacun trouvera matière à réflexion et où, une fois n’est pas coutume, les voix les plus nombreuses ne sont pas celles des universitaires.