Comptes rendus

Michèle Charpentier (dir.), Vieillir au pluriel. Perspectives sociales, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2010, 496 p.[Record]

  • Martine Lagacé

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« Soi-même comme un autre ». Dès lors que nous souscrivons pleinement à cette réflexion du philosophe Paul Ricoeur, la stigmatisation de l’autre et bien souvent son exclusion apparaissent comme des processus tout à fait absurdes. Cet « autre », dans le collectif Vieillir au pluriel. Perspectives sociales, c’est l’aîné. Différent par son âge et par la singularité de son parcours du vieillir. C’est ainsi que sont ancrés les deux fondements majeurs de ce collectif : reconnaître qu’il n’y a pas un seul vieillissement mais bien « des » vieillissements et de ce fait, reconnaître aussi que ces parcours multiples constituent une véritable richesse pour toute société misant sur la diversité. Penser le vieillir à l’opposé de ces postulats, nous en convainquent les auteurs, c’est ouvrir la voie à l’exclusion avec les conséquences négatives que celle-ci génère, pour l’aîné comme pour la société. Les vingt et un chapitres qui jalonnent cet ouvrage phare dans le domaine de la gérontologie sociale sont une solide démonstration de l’importance de penser (voire de « re »penser) le vieillir en termes de solidarités, de reconnaissance et de citoyenneté de l’aîné. Pour ce faire, et c’est le fil conducteur qui sous-tend ce collectif, il faut changer le regard que nous portons sur le vieillissement, notre rapport à l’aîné, à la fois comme individu et comme société. Cela pour sortir du cadre réducteur de l’âgisme, vecteur principal des exclusions sociales des aînés et source première de décalage entre les croyances et réalités du vieillir. Soulignons d’emblée que cet ouvrage, de par la réflexion qu’il suscite, permet de réduire substantiellement ce décalage. La première partie permet de rendre compte des multiples représentations et des parcours de vie diversifiés des aînés ; ce faisant, c’est tout le discours social qui tend à homogénéiser le « groupe des aînés » qui est remis en question, tout autant que les modèles prescriptifs du « bien vieillir ». Cette diversité s’exprime ainsi dans le parcours différentiel entre hommes et femmes aînés, tout autant dans celui des personnes âgées immigrantes et des aînés gays et lesbiennes. La seconde partie traite de l’inégalité des défis quant aux vieillissements (traduisant encore une fois la diversité des parcours des aînés). Entre autres défis, celui du vieillir en santé, lequel sous-tend des variations selon les positions sociales des aînés, notamment le genre et la situation économique. L’inégalité concerne aussi la situation des aînés aux prises avec des problèmes de santé mentale et le double stigmate auquel ils sont bien souvent confrontés. La troisième partie propose une réflexion sur les environnements dans lesquels vivent les aînés tout autant que sur leurs liens avec la famille, la communauté, les réseaux d’aide formels et informels. Enfin, la dernière partie de l’ouvrage mise notamment sur les différentes formes d’engagement des aînés ainsi que sur les politiques québécoises relatives aux vieillissements. Cet ouvrage fournit au lecteur un tour d’horizon très étoffé, essentiel quant aux enjeux sociaux des vieillissements. Plus important : il appelle à un changement des mentalités, à un nouveau regard sur ces vieillissements. C’est la condition sine qua non pour un vieillir dans la diversité, dans la dignité et dans la solidarité.