Comptes rendus

Yuho Chang, Famille et identité dans le roman québécois du XXe siècle, Québec, Septentrion, 2010, 262 p.[Record]

  • Nancy Couture

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  • Nancy Couture
    Candidate au doctorat, Département de sociologie, Université Laval
    nancycouture@live.ca

Selon Yuho Chang, sept romans fondateurs de la littérature québécoise traduisent d’une certaine façon la réalité de la famille québécoise du 20e siècle : « La littérature met en scène des individus, mais elle est aussi un microcosme où une société se représente par la plume de ses écrivains ». Quatre parties divisent cette étude : la famille au début du 20e siècle, lors de la Deuxième Guerre mondiale, à l’époque de la Révolution tranquille et durant les années 1980. Chang choisit pour le début du 20e siècle, l’histoire de la famille Moisan dans les Trente arpents de Ringuet (premier roman qui a une profondeur sociologique et qui marque la maturité de la littérature québécoise) pour présenter l’époque où les valeurs traditionnelles s’effondrent au profit d’une société devenue industrielle. Ce dénouement familial « un peu tragique » ne manque pas de souligner au passage la vie de l’agriculteur révolue par le progrès social. Durant la même période, c’est l’histoire de la famille Beauchemin dans Le Survenant et Marie-Didace de Germaine Guèvremont, qui dresse, cette fois-ci d’une manière « plutôt nostalgique », le tableau d’une époque révolue avec plusieurs éléments de la vie rurale faisant défaut au roman précédent. Pour le début de la Deuxième Guerre mondiale, c’est l’histoire de la famille ouvrière dans Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, qui recrée la misère du quartier Saint-Henri de Montréal touché par le chômage de la crise économique des années 1930. Selon Chang, la vie des personnages reflète l’environnement urbain montréalais, pollué autant par le bruit et l’air qu’on y respire que par les conditions de vie ouvrières dont, « les coudes serrés », ils réussissent à traverser ces durs moments. Comme plusieurs familles québécoises de cette époque, les Lacasse ne font pas exception, ils sont sauvés de la misère, mais restent désunis et dispersés par « le salut de la guerre ! », écrit Chang en citant l’auteure. Et à la même période dans le quartier Saint-Sauveur de Québec – « un village dans la ville »c’est le roman Les Plouffe de Roger Hamelin qui montre la famille paroissiale québécoise en voie d’extinction. Une famille « parmi tant d’autres », unie, fière, solidaire devant la pauvreté, changeante selon l’humeur tendre, parfois violente, des adultes qui la composent. L’histoire des Plouffe présente la famille québécoise constituée par un « beau mariage » assurant la sécurité sociale, la prospérité et le bonheur personnel. Et selon Chang, c’est cette « petite vie tranquille » qui annonce les nouvelles réalités familiales de l’après-guerre. À l’époque de la Révolution tranquille, c’est l’histoire des Plamondon dans le roman Le Cabochon d’André Major qui fait « avec véhémence la critique sociale, remet en question l’ordre établi, les valeurs démodées et l’institution familiale » (p. 51), notamment par le récit de la révolte du fils cadet, Antoine, « un cabochon qui n’en fait qu’à sa tête ! ». Selon Chang, le récit des idées de justice, d’indépendance et de liberté de ce jeune homme né après la guerre, confrontées à l’autorité parentale traditionnelle trop sévère, représente celles de toute une génération. La situation financière de cette famille ouvrière montréalaise vivant dans un « quartier à la charnière du centre-ville commercial et de la banlieue industrielle » et dont le père pourvoyeur est au chômage n’aide en rien. La situation réclame des sacrifices (problème d’argent pour les parents et pension à payer pour les enfants) difficiles à faire, ce qui soulève des tensions et des conflits entre eux. Pour Chang, les enfants Plamondon ne sont pas ceux des Plouffe ou des Lacasse : « ils tiennent …