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Ce recueil est remarquable par son caractère unique : il s’agit du seul ouvrage disponible qui offre une perspective d’ensemble sur la trajectoire commune des Autochtones et des allochtones au Québec, telle que l’état actuel de la recherche universitaire permet de la saisir. Il réunit dix-huit textes rédigés par des chercheurs actifs dans divers domaines des sciences humaines et sociales (archéologie, anthropologie, histoire, linguistique, criminologie, économie, sciences politiques, droit), et qui présentent chacun leur tour l’état des connaissances dans leur discipline sur ce sujet. Ce faisant, ils montrent comment ces disciplines peuvent reconstituer le passé, aborder les problématiques du présent et envisager les perspectives d’avenir.

Le lecteur est ainsi invité à réfléchir sur la diversité autochtone qui prévalait avant la rencontre avec les allochtones, sur les différentes étapes de cette rencontre et de la cohabitation qui a suivi, ainsi que sur des questions méthodologiques propres à une reconstitution plus complète de cette trame historique. Le portrait contemporain présente l’état des lieux sur les représentations que les uns et les autres se font des Autochtones et des allochtones, les notions de cosmologie, la situation des langues autochtones, les entraves économiques, l’urbanité et l’application de la justice ainsi que de son pendant, l’autorégulation sociale. La troisième section examine quant à elle les mécanismes politiques et juridiques utilisés tant par les gouvernements majoritaires que par les Autochtones. Le tout est précédé d’une introduction générale écrite par les directeurs de l’ouvrage, ainsi que d’une préface signée par Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.

L’ensemble est de très grande qualité : il s’agit de l’un des rares documents disponibles destinés à un public général qui trace un portrait global de la situation sans complaisance, caricature ou émotivité excessive. Il évite le discours polarisé et la recherche d’un bouc émissaire. Les différents auteurs qui ont contribué à l’ouvrage ont réussi à communiquer de façon simple et vivante toutes les complexités et les nuances et tous les paradoxes avec lesquels ils travaillent. Par ailleurs, la lecture de l’ensemble révèle combien la recherche universitaire sur le rapport entre Autochtones et allochtones au Québec a atteint un stade de maturité théorique, permettant aux différents chercheurs d’envisager l’étude de leurs problématiques avec créativité, en dehors des sentiers battus de leur tradition disciplinaire et en tenant compte des besoins et perspectives autochtones.

Les directeurs ont fait un bon travail d’harmonisation de l’ensemble (harmonisation de la terminologie, renvois aux autres sections du même ouvrage), sauf peut-être entre les quelques derniers textes, où l’on note certains recoupements dans les exemples exploités par les auteurs. La définition des mots clés à la fin de chaque texte est une initiative intéressante. Plus d’illustrations auraient néanmoins permis une lecture plus dynamique.

En préface, Ghislain Picard invite avec raison tous les allochtones du Québec à lire l’ouvrage. Mais tous, je crois, Autochtones comme allochtones, y trouveront matière à réflexion. L’invitation est donc lancée.