Comptes rendus

Jean-François Simard et Maxime Allard, Échos d’une mutation sociale. Anthologie des textes du père Georges-Henri Lévesque, précurseur de la Révolution tranquille, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2011, 520 p. (Coll. Prisme.)[Record]

  • Dominique Morin

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Cette anthologie ne rassemble pas l’ensemble des textes conservés du père Georges-Henri Lévesque mais en présente une sélection assez diversifiée pour apprécier l’étendue et l’unité de son oeuvre intellectuelle et institutionnelle. Simard et Allard ont retenu quantité de discours, de conférences et d’allocutions, mais ils ont exclu les conférences et les articles seulement en anglais, les notes de cours, et les textes portant sur la vie dominicaine. Leur anthologie poursuit l’objectif de présenter Georges-Henri Lévesque comme un précurseur incontournable de la Révolution tranquille : le théologien thomiste, le fondateur de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval et l’intellectuel controversé y jouissent de plus de visibilité et d’attention que le professeur. Le premier texte du recueil remonte à 1933, moment où le frais diplômé en sciences sociales rentre d’Europe et demande aux jeunes intellectuels canadiens-français « qu’ils soient un », dans une triple mission de préciser l’idéal commun de la nation, de le faire aimer du peuple, et d’agir en vue de sa réalisation. Cet appel à l’unité, dans la poursuite d’un idéal du bien commun à préciser par le dialogue et dans l’action, traverse la majorité des textes réunis. Bien que la plupart datent des décennies qui précèdent la Révolution tranquille, on trouve quelques écrits de Lévesque postérieurs au retour de sa mission d’organisation de l’Université nationale du Rwanda (1963-1971). Dans certains d’entre eux, Lévesque actualise des positions qui s’y révèlent plus conservatrices qu’elles ne pouvaient l’apparaître sous Duplessis. En 1975, l’adversaire de l’autoritarisme clérico-politique et défenseur d’une liberté qui vient de Dieu se déclare maintenant inquiet devant les « abus de liberté » des Québécois « en manque d’autorité ». Les moeurs sexuelles qui rendent la fécondité insuffisante au renouvellement du groupe ethnique, la dégradation du français (âme de la nation et esprit de sa culture) et la négligence de l’enseignement de l’histoire (savoir vital pour l’enracinement de la conscience nationale) l’inquiètent comme nouvelles menaces internes à la survie de la nation. L’année suivante, son malaise devant le réductionnisme historique véhiculé par les expressions Révolution tranquille et Grande Noirceur l’amène à raconter sa participation aux débats relatifs à l’orientation de l’ACJC, où il opposait à Groulx le voeu d’une séparation des associations d’action catholique ou nationaliste pour remédier à la confusion de leur finalité. Une allocution de 1979 affiche par ailleurs son espérance exaspérée dans la promotion du renouvellement du fédéralisme. Lévesque y dit son « horreur » d’un nouveau fanatisme autour du particularisme social québécois, et il en rend ses concitoyens anglophones en partie responsables parce qu’ils n’acceptent pas encore de reconnaître le fait français au Canada et l’égalité de deux nations. Il est regrettable que les lecteurs de cette anthologie doivent se passer d’une chronologie, d’une bibliographie et de notes introductives pour situer chacune de ses pièces entre quelques repères contextuels. Simard et Allard ont choisi d’orienter la découverte des textes en répartissant ces derniers sous quatre rubriques : sciences sociales, théologie sociale, solidarités sociales et politiques sociales. Le lecteur dont la docilité est plus forte que la curiosité traverse ainsi l’évolution de quatre figures de Georges-Henri Lévesque : le doyen pourfendeur de la « spécialisation outrée » et des fanatismes, qui veut former des intellectuels au regard « large », « profond » et « haut », ayant le courage et la persévérance nécessaires pour travailler comme des hommes libres ; le prêtre combattant l’individualisme en enseignant le sens social, le civisme et la collaboration rédemptrice à l’oeuvre créatrice de Dieu par le travail ; le fondateur du Conseil supérieur de la coopération du Québec, engagé dans la promotion d’une économie dont la finalité …