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L’ouvrage d’Éric Montigny nous semblait a priori venir combler un vide quasi abyssal dans la science politique québécoise, en proposant une sociologie politique du Parti québécois. En effet, les travaux réalisés en science politique à propos du champ politique partisan au Québec se sont surtout attachés aux analyses électorales, aux analyses des grands chefs ou grands leaders qui ont marqué l’histoire politique nationale et aux cadres institutionnels de gouvernance interne des partis. Ces connaissances sont, bien sûr, essentielles. Mais, elles laissent en friche toute la sociologie militante des partis politiques, les processus d’engagement et de désengagement, de même que la compréhension fine des dynamiques internes des organisations partisanes et des processus permettant aux militants de devenir des militants et des leaders. Dans cette perspective, nous nous réjouissions de la parution de Leadership et militantisme au Parti québécois. La lecture, agréable et intéressante, nous a tout de même laissée sur notre faim.

L’ouvrage, issu de la thèse de doctorat de l’auteur, poursuit un objectif principal : comprendre les transformations à l’oeuvre au sein du Parti québécois (PQ) et éclairer ses vicissitudes récentes à partir de cette analyse de plus long terme. L’argument s’articule essentiellement autour de deux idées fortes. Premièrement, depuis 2005 et la réforme des statuts du PQ, Éric Montigny a mis en relief une centralisation du pouvoir dans les mains du chef – par exemple, celui-ci exerce un plus grand contrôle dans l’élaboration du programme du parti, traditionnellement une prérogative des militants. Également, depuis l’arrivée de Pauline Marois, il a noté une accentuation de la centralisation autour du chef mais sur un mode plus informel (sans réforme de structure). Deuxièmement, il a mis en évidence un changement dans les motivations de la base militante par rapport aux finalités initiales du parti. Ainsi, de moins en moins de militants considèrent que l’objectif premier de leur parti repose uniquement sur une idéologie alors que de plus en plus de personnes s’engagent pour voir le PQ former le prochain gouvernement. Ainsi, l’objectif partagé par une majorité de militants est celui d’accéder au pouvoir. Dans ce contexte, le critère d’évaluation des performances du chef et du parti devient le score électoral (réel ou appréhendé) plus que la cohérence idéologique ou le contenu des propositions programmatiques ou de campagne.

L’analyse présentée est convaincante, basée sur une recherche approfondie menée depuis 1993, des entrevues et des questionnaires. Néanmoins, nous regrettons le fait que cette étude ne soit pas une sociologie militante : à la fin de l’ouvrage nous n’en savons pas plus sur qui sont les militants du PQ, s’ils ont changé avec le temps, et quel est leur parcours de militantisme. Finalement, l’auteur offre peu de pistes pour comprendre les changements qualitatifs − qu’il étudie − du rapport au politique de la base militante à la direction du parti. Offrant essentiellement une analyse des opinions exprimées et des intentions des militants, il ne permet pas de connaître les pratiques militantes au sein du PQ, leur transformation et reproduction éventuelle.