Comptes rendus

Stéphane Castonguay et Michèle Dagenais (dirs), Metropolitan Natures : Environmental Histories of Montreal, Pittsburgh, Pittsburgh University Press, 2011, 321 p.[Record]

  • Louis Guay

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L’histoire environnementale est un champ d’étude en plein essor. Les historiens examinent les rapports entre les sociétés et leur environnement sur de longues périodes et souvent sur de larges espaces. Les villes n’ont pas été absentes des travaux en histoire environnementale et l’ouvrage sur Montréal, sous la direction de Castonguay et Dagenais, est une contribution originale à l’histoire de la région de Montréal et de son environnement particulier. L’eau y a été et est toujours un élément naturel capricieux. Abondante, mais aussi dangereuse, l’eau à Montréal a fait l’objet de grands travaux d’aménagement et d’infrastructures ; l’ouvrage lui consacre plusieurs chapitres. L’environnement se présente aussi sous la forme de microbes à combattre. La ville favorise l’essor de maladies contagieuses qui peuvent se développer en épidémies. Le milieu physique urbain s’imbrique dans un milieu plus rural ; leurs évolutions se croisent. L’un peut perdre au détriment de l’autre, mais les deux milieux physiques et sociaux profitent aussi d’interactions soutenues. Enfin, si l’environnement est affaire de contrôle, de maîtrise, d’interventions et d’aménagements physiques, il est aussi objet de représentations, de beauté à conserver, de laideurs à bannir. C’est autour de ces thèmes que l’ouvrage s’est organisé. Divisé en trois parties (représentations, infrastructures et axe rural-urbain), il donne un aperçu très diversifié de l’écologie (politique) de la région. Les aménagements et les interventions, qui ont été réalisés au fil des années, des décennies et des siècles, ont créé une nature urbaine nouvelle, qualifiée de socionature, qu’il conviendrait de mettre au pluriel comme dans le titre, d’ailleurs fort bien choisi. Cette idée met en évidence la transformation graduelle et parfois difficile de l’environnement dans lequel l’occupation et l’urbanisation de Montréal se sont produites. Les techniques et les technologies (ou grands systèmes) ont façonné cet espace en une construction constante. Les techniques apparaissent comme de puissants médiateurs entre un environnement, souvent imprévisible, et une volonté d’occuper le territoire montréalais et de le soumettre aux besoins, aspirations et désirs des populations. Les auteurs se sont tous intéressés à la dimension politique qui marque le territoire et crée souvent des inégalités (environnementales) nouvelles. En effet, le choix des interventions est en grande partie déterminé par les jeux de pouvoir et les jeux politiques. Plusieurs auteurs le montrent avec force. L’image d’une nature que l’on doit collectivement maîtriser ne tient pas très bien la route quand les élites locales font des choix et produisent, par leurs interventions, des effets sociaux différenciés. Par exemple, le contrôle des inondations au 19e siècle est tout autant affaire de politique locale entre groupes d’élus qu’affaire d’expertise technique. L’est et l’ouest de Montréal, gens d’affaires et habitants de quartier, se sont à cette époque divisés sur les décisions d’aménagement à prendre. Un autre exemple est fourni par la rivalité entre la ville et la campagne. L’aménagement du canal puis du barrage de Beauharnois, à partir des années 1920, a modifié l’environnement traditionnel rural et mis en péril l’agriculture qui s’y pratiquait. L’eau et les inondations ont été des facteurs de changements environnementaux suivant de grands aménagements commandés par une économie moderne, mais fragilisant le mode de vie rural. D’autres exemples contribuent à mettre en évidence le caractère social, politique et culturel des relations à l’environnement. Aux 19e et 20e siècles, se sont affrontés ingénieurs et experts de la santé publique sur la gestion de l’eau. D’autres auteurs se servent de travaux en apparence purement techniques, comme le tracé des rues, l’approvisionnement en eau, pour montrer combien les décisions techniques relèvent de choix politiques et sociaux. S’il existe un leitmotiv à cet ouvrage collectif, c’est bien cet aspect des relations entre …