Article body

L’ouvrage rassemble des travaux d’étudiants réalisés dans le cadre d’un séminaire de maîtrise en analyse des politiques tenu à l’Université Laval, ainsi que des contributions originales des politologues François Pétry, Dimitri Karmis, Réjean Pelletier et Denis Saint-Martin. Il tente de mesurer, à partir d’études de cas (la gestion des déchets domestiques, l’élimination du déficit, par exemple) et d’une analyse statistique plus large, la congruence entre les engagements pris par le Parti québécois durant les campagnes électorales de 1994 et 1998 et les réalisations du gouvernement durant les mandats que les électeurs lui avaient confiés.

Le livre, à tout le moins les textes de François Pétry, s’inspire principalement de la théorie du mandat et du modèle des choix rationnels plutôt que de la perspective constructiviste : «Selon l’approche rationnelle dont s’inspire la théorie du mandat, les engagements et les réalisations réfèrent à des faits et à des actions observables. On peut donc établir objectivement si un engagement est ou n’est pas réalisé par simple comparaison des faits. À l’opposé, l’approche constructiviste postule que ce qui compte dans le discours politique associé aux promesses électorales et aux réalisations de politiques publiques, ce sont les symboles et l’interprétation subjective qui en est faite» (p. 11).

Je ne cacherai pas que si j’avais à choisir, j’aurais opté pour le constructivisme ou encore pour l’inspiration arendtienne de Denis Saint-Martin. Comme en témoignent les articles de cet ouvrage qui la retiennent, la théorie du mandat ne paraît pas mener plus loin qu’à des constats essentiellement descriptifs qui laissent entièrement ouverte la question de l’explication ou de la compréhension des phénomènes qu’elle permet d’identifier. Cela ne veut pas dire pour autant que le travail scientifique ainsi réalisé soit impertinent ou inutile.

Le livre permet de montrer qu’au Québec comme ailleurs il est faux d’affirmer que les engagements électoraux obéissent à un simple rituel imposé par la démocratie représentative. On apprend ainsi que 75 % des engagements pris par le Parti québécois dans ses plateformes électorales de 1994 et de 1998 ont été réalisés en totalité ou en partie. Il est vrai que ce constat est fondé sur les prétentions du parti lui-même, c’est-à-dire sur les engagements qu’il déclare ainsi réalisés. Les études de cas permettent cependant d’établir que 86 % des engagements déclarés réalisés par le Parti québécois ont été effectivement mis en oeuvre.

En plus de permettre à des étudiants de publier ce qui est probablement leur premier article, ce livre a le mérite d’explorer un domaine de recherche relativement sous-étudié au Québec. La comparaison entre les plateformes électorales du PQ et du PLQ lors des campagnes de 1994 et 1998 établit l’existence d’une différence significative entre les engagements des deux partis politiques. Si par ailleurs on sait, comme le montre ce livre, que les promesses électorales sont en majorité tenues au moins partiellement, ce double constat permet d’invalider ce vieil adage qui présente la démocratie représentative comme une sorte de mise en scène opposant blancs bonnets et bonnets blancs. À gauche, la thèse du pareil au même se contente de souligner l’inflexion néolibérale des politiques de tous les gouvernements. Ce livre a cet autre mérite de rappeler que la réalité est toujours beaucoup moins simple que les généralisations hâtives ne le donnent à penser.