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Maude Flamand-Hubert décrit l’évolution des activités entrepreneuriales de Louis Bertrand à L’Isle-Verte depuis son arrivée de Québec en 1811 jusqu’à son décès en 1871. Après un emploi de boulanger au Séminaire de Québec lui ayant permis d’acquérir les rudiments de la langue française, le jeune Bertrand, aux origines modestes et provenant de Cap-Santé près de Québec, débarque d’une chaloupe à L’Isle-Verte en 1811 pour se lancer dans des activités commerciales auprès des habitants de la région, qui étaient à la fois cultivateurs, bûcherons, pêcheurs et chasseurs. À ce moment-là, le territoire de la Seigneurie de L’Isle-Verte était morcelé et peu développé, même si la création de cette seigneurie remontait au milieu du 17e siècle, et les droits seigneuriaux y étaient d’ailleurs mal définis. La Seigneurie de L’Isle-Verte fait partie des quelques seigneuries situées plutôt en aval du Saint-Laurent et marginales par rapport aux grandes seigneuries du centre du Québec.
C’est dans ce milieu relativement pauvre et peu peuplé que Louis Bertrand révèle ses capacités entrepreneuriales, développant des activités commerciales et se constituant un important capital foncier qu’il lèguera ensuite à ses fils. À quelques exceptions près, le périmètre de ses activités fut le territoire de la Seigneurie de L’Isle-Verte, qu’il a acquise finalement en 1849 après des centaines de transactions immobilières, ce qui lui a permis de reconstituer plus de 80 % du territoire original.
Deux changements structurels majeurs ont influencé l’économie du Bas-Canada en ces années-là. Il y a eu d’abord l’industrialisation naissante, qui s’est appuyée sur l’usage de la force hydraulique pour la transformation des ressources naturelles ensuite exportées vers les marchés mondiaux. Louis Bertrand sut reconnaître les bons sites pour l’érection des moulins à scie sur les rivières, alimentés par le bois provenant des forêts avoisinantes. Il y a eu également l’abolition du régime seigneurial, qui a mis fin à un mode d’occupation du territoire associé à l’Ancien Régime. Dans ce domaine, les initiatives de Louis Bertrand ont été couronnées de succès tant au niveau commercial que civique et social : il fut à la fois député, maire et seigneur.
C’est ce parcours d’un entrepreneur qui ouvrit un territoire marginal et caractéristique de l’Ancien Régime aux opportunités offertes par le début de l’ère industrielle que Maude Flamand-Hubert décrit ici, en s’appuyant principalement sur les actes notariés dont Louis Bertrand a été partie prenante. Il s’agit d’un travail de moine, puisqu’elle a consulté et recensé 2 673 actes notariés reliés à la famille Bertrand et 1 566 à Louis Bertrand lui-même, soit environ 30 par an durant la période de sa vie passée à L’Isle-Verte. Ces actes notariés portent surtout sur l’achat, la vente, l’échange ou la location de terrains et de bâtiments : c’est ainsi que Louis Bertrand a accumulé son imposant patrimoine et qu’il a établi la base de ses activités commerciales.
L’usage des actes notariés par l’auteure fournit un cadre séquentiel rigide qui donne une image exacte des faits. L’auteure présente très bien le contexte historique et elle établit des passerelles avec les travaux antérieurs. Par contre, cet ouvrage ne révèle pas les dimensions humaine et sociale du personnage qu’était Louis Bertrand. Il ne s’agit donc pas d’une biographie, mais plutôt d’une étude destinée aux lecteurs qui s’intéressent à la fin du régime seigneurial et aux débuts de l’ère industrielle en région, en particulier au rôle de la première génération d’entrepreneurs locaux dans son introduction.