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Générations et cycles de vie, sous la direction de Laurence Charton et Joseph J. Lévy, réunit plus de onze textes d’auteurs différents qui analysent les temps sociaux et biologiques autour de deux principaux objets d’étude : la parentalité et la maladie. Les temporalités sont surtout étudiées selon leur mise en récit par les acteurs. Cette perspective phénoménologique distingue ce collectif d’autres ouvrages sur le thème qui s’inspirent davantage de la démographie et des analyses faites à partir de grandes enquêtes longitudinales. À ce titre, le très beau texte de Nicoletta Dasio propose une réflexion inspirée par Ricoeur sur les narrations subjonctivantes et l’hérédité à travers des générations de familles polonaises. Ce collectif perpétue avec justesse un type d’enquête socio-anthropologique qui donne davantage la parole aux sujets et à leur réflexivité sur celle-ci.

La première partie du livre, « Temps et parentalité », collige huit textes qui portent, pour la plupart, sur les différents temps et rites du parcours reproductif des femmes. Cette section articule à la fois des études « classiques » et très contemporaines des problématiques liées à la parentalité. À ce titre, le texte de Denise Lemieux sur la ritualisation des naissances au Québec représente un « classique » pour l’enseignement de la sociologie de la famille. Dans la même veine, le texte sur les rituels entourant le vieillissement des femmes Mooses au Burkina Faso constitue un incontournable en anthropologie. De cette section, nous retenons l’aspect novateur des textes de Denise Medico sur les difficultés psychiques vécues par les femmes qui subissent des traitements en centre de procréation assistée en Suisse et le texte de Dominique Merg-Essadi sur le deuil en fin de grossesse. Celui-ci thématise avec justesse l’articulation des temps sociaux, biologiques et psychiques.

La deuxième partie, « Temps et maladie », est plus disparate. Le chapitre sur les récits de jeunes atteints du VIH représente l’aspect le plus original de la section, il permet de comprendre la perception des temporalités chez les personnes atteintes de maladies graves. Le deuxième texte sur la dimension temporelle du médicament détonne par son objet et sa méthodologie. Il porte davantage sur les représentations sociales du médicament ; le rapport à la temporalité est un aspect très secondaire de l’analyse. Le texte de Laurence Chartron termine la section et le livre par un programme de recherche problématisé autour de la notion de temps biosocial, c’est-à-dire les rapports du corps biologique – et sa dynamique temporelle – aux autres temps sociaux. Cet agenda de recherche semble fort prometteur, il aurait toutefois été intéressant de l’exemplifier à l’aide de certaines recherches présentées dans le livre afin de faire à la fois la synthèse de la réflexion autour de ce collectif.

Le livre offre donc un apport certain dans le champ de la socio-anthropologie de la famille et des parcours de vie, même si les contributions sont inégales. On peut toutefois s’interroger sur la pertinence du titre. Pourquoi parler de génération, alors que seulement deux ou trois textes abordent les relations intergénérationnelles ? Pourquoi parler de cycle de vie, alors que les textes font davantage référence aux temporalités, aux parcours de vie, mais plus encore aux mises en récit des sujets ?