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Prendre sa place. Parcours et trajectoires identitaires en Ontario français propose un point de départ pour une discussion sur la construction identitaire en milieu minoritaire francophone en Ontario. Sylvie Lamoureux et Megan Cotman annoncent clairement cet objectif dans leur introduction. Il s’agit pour elles d’entamer un dialogue avec un public élargi (élèves du secondaire, responsables de l’éducation, chercheurs, étudiants et autres acteurs de la francophonie minoritaire) sur le rapport à l’identité linguistique et plus largement sur la construction identitaire.

Pour ce faire, le livre est composé de deux types de contributions. On y retrouve cinq récits présentant des parcours et des trajectoires « francophones » variés illustrant la diversité et la complexité de la communauté franco-ontarienne. Entre ces récits, sont intercalés des articles à caractère scientifique reprenant des travaux de jeunes chercheurs sur différents aspects de la construction identitaire – essentiellement en contexte scolaire (les rôles des enseignants, entre transmission de connaissance et acteurs de construction identitaire ; les parcours scolaires des immigrants francophones ou encore la question du « décrochage linguistique » à travers le choix d’un enseignement en anglais au secondaire).

Entremêler ainsi des récits identitaires et des articles scientifiques a deux avantages. Le premier est d’assurer le dialogue voulu par les directrices de l’ouvrage. Le second est d’insérer la parole des Franco-Ontariens au coeur même de la réflexion. Une parole qui n’est pas retravaillée par une analyse scientifique, mais qui alimente cette dernière. Or, comme Diane Gérin-Lajoie le rappelle en postface, « tout processus de construction identitaire ne peut être véritablement examiné que dans le cadre d’une analyse qui donne la parole aux individus » (p. 152). Il nous apparaît aussi que la parole n’est pas donnée aux seuls témoins. Les auteurs des articles scientifiques inscrivent leurs travaux dans leur propre cheminement ou expérience identitaire. Ainsi le dialogue entre les textes s’installe au fil de la lecture. Tous alimentent une réflexion qui s’éloigne de facto d’une conception à la fois essentialiste et homogène de l’identité franco-ontarienne.

Les faiblesses du livre se situent dans ses forces : il ne s’agit pas d’un ouvrage théorique, qui permettrait de baliser la part du système scolaire dans la construction identitaire. De fait, la focale linguistique met implicitement de côté les autres caractéristiques socioculturelles des individus. Or, comme le montre par exemple l’article de Cotman, le choix d’une école secondaire anglaise relève aussi de considérations sociales et culturelles (valorisation des activités extracurriculaires comme la musique ou inscription dans trajectoires familiales et professionnelles des métiers du droit).

L’ouvrage remplit néanmoins son double pari. Il offre des textes variés permettant d’amorcer la discussion avec et dans son public cible. Il réussit aussi à « créer un imaginaire postsecondaire grâce aux modèles variés présentés dans ce recueil : modèles de trajectoires de la francophonie et d’individus, mais aussi des trajectoires de possibilités de parcours au niveau des études supérieures » (p. 12). De fait, dans son ensemble, l’ouvrage illustre la pertinence de s’intéresser à la question identitaire francophone en Ontario comme « objet de recherche », mais surtout, il témoigne de l’existence d’une communauté franco-ontarienne de chercheurs qui s’y intéresse.