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Madame Audet, poète et essayiste, publie sous un format de missel (15 cm x 10 cm) un essai qui constitue une dénonciation tout azimut de la prostitution qu’elle définit comme l’essence même du patriarcat. Dans un premier chapitre, intitulé « des positions incompatibles », elle critique les positions théoriques et les politiques criminelles proposées par tous ceux et celles qui ne suivent pas scrupuleusement la voie féministe radicale. Dans les chapitres suivants, elle poursuit en dénonçant tour à tour les proxénètes et les clients. Elle offre ensuite un tour d’horizon de sa perception du marché de la prostitution qu’elle identifie essentiellement à une forme de violence sexuelle. Elle conclut en plaidant pour une société sans prostitution et appelle les féministes radicales à une mobilisation soutenue.

Ce petit essai, on a tôt fait de le constater, est d’abord et avant tout un réquisitoire contre la prostitution et n’obéit nullement à des critères de rigueur scientifique. L’auteure puise indifféremment à des publications académiques (parfois datées), à des énoncés de politiques d’ONG ou encore à des discours abolitionnistes sur la prostitution si bien que chaque paragraphe ou presque pourrait faire l’objet de commentaires. Nous nous contenterons ici de signaler quelques éléments.

D’abord, le sous-titre de l’ouvrage (perspectives féministes) nous laisse entendre que l’auteure présentera les différentes positions féministes sur la prostitution mais de fait elle expose uniquement la position féministe radicale qu’elle associe à la perspective féministe dans son ensemble. Du coup, elle réduit l’importante production féministe qui dans cette problématique comme bien d’autres se conjugue au pluriel et elle occulte de précieux outils de réflexion. Toute autre analyse, y compris celle des regroupements des travailleuses du sexe, est réduite à des intérêts individuels, proxénètes et sans éthique. Les témoignages des travailleuses du sexe elles-mêmes sont ravalés au statut de témoignages subjectifs, indicateurs de l’aliénation dont elles sont victimes. Madame Audet inclut dans sa critique les subventions accordées pour des programmes qui visent à protéger les droits des travailleurs et travailleuses du sexe y compris leurs droits à des services de santé et à la protection contre les infections transmises sexuellement (dont le sida). Pour elle, cela démontre une volonté de ne s’attaquer que « superficiellement » au problème et de protéger les « puissants lobbys de l’industrie du sexe » (qui sont-ils ?). En somme, si on poursuit sa logique, il vaudrait mieux injecter des budgets dans la répression et forcer les travailleuses à entrer encore plus dans la clandestinité sans autre moyen de protection. Nous espérons qu’à ce titre, tout au moins, les propos de l’auteure ont dépassé sa pensée.

On l’aura compris, ce petit texte ne constitue pas une introduction nuancée qui rend compte de la complexité des débats sur la prostitution et qui pourrait éclairer des citoyens sur les enjeux qui en découlent. C’est plutôt un réquisitoire passionné et, plus souvent qu’autrement, aveugle contre la prostitution.