Comptes rendus

Jacqueline Low et Gary Bowden (dir.), The Chicago School Diaspora. Epistemology and Substance, McGill-Queen’s University Press, 2013, 398 p.[Record]

  • François-Olivier Dorais

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Au premier regard, cet ouvrage collectif dirigé par Jacqueline Low et Gary Bowden donne l’impression d’aborder un terrain déjà bien connu. En effet, du grand récit des origines de la sociologie nord-américaine, l’École de Chicago demeure assurément le chapitre le plus complet et le mieux documenté. Pour autant, ce livre fait oeuvre utile en apportant un éclairage à la fois sociohistorique, épistémologique et méthodologique sur certains aspects négligés de ce grand courant de sociologie. En réunissant les textes d’universitaires canadiens et de quelques chercheurs internationaux dont les travaux relèvent d’une filiation directe ou indirecte avec l’École de Chicago, l’ouvrage donne à voir l’étendue de son héritage intellectuel et la persistance de son autorité dans l’horizon scientifique des sciences sociales aujourd’hui. Il met aussi en évidence le caractère dynamique de cette tradition sociologique, de même que les diverses manières dont la recherche a pu se l’approprier à travers le temps. Malgré ses qualités indéniables, on regrette profondément l’absence de contributeurs issus du Canada francophone, ou encore de chapitre s’intéressant à l’empreinte déterminante laissée par l’École de Chicago sur la pensée sociologique du Québec francophone. Cette lacune étonne d’autant plus qu’il s’agit d’un fait bien documenté dans l’histoire du développement des sciences sociales au Québec, et que l’ouvrage, édité sous les auspices d’une presse universitaire reconnue au Canada, revendique une spécificité canadienne. L’ambition des directeurs de ce livre s’inscrit dans le sillon d’une historiographie critique de la sociologie de Chicago. Ce sillon, creusé au fil des travaux pionniers de Martin Bulmer (1984), Andrew Abbott (1999) et Jean-Michel Chapoulie (2001), réévalue à bon droit les contours et la spécificité de cette « école », jusqu’à mettre en cause la pertinence d’un tel étiquetage pour la désigner. Dans leur introduction générale, les directeurs reprennent le fil de cette perspective analytique en proposant d’étudier l’École de Chicago non pas à l’aune de sa « nature substantive », ce qui aurait consisté à mettre en évidence sa cohérence interne, sa généalogie et son unité conceptuelle, mais plutôt en prenant acte de sa « diversité » et de sa « plasticité ». Autrement dit, il s’agit moins ici d’appréhender l’école sociologique comme un objet socio-structurel circonscrit dans l’espace et le temps que comme un objet culturel largement admis dans le discours scientifique et auquel se rattache un faisceau complexe et diversifié de significations et d’interprétations. Par l’introduction du concept de « diaspora », les auteurs espèrent ainsi élargir le champ de leur questionnement à l’ensemble des idées et des représentations symboliques associées au label « École de Chicago » tel que celui-ci a pu être diffusé puis repris à l’intérieur de la communauté scientifique. Cette problématisation, qui fait l’objet d’une longue et riche introduction, soulève plusieurs enjeux méthodologiques cruciaux dans le domaine de l’histoire des idées, tout particulièrement en ce qui a trait à l’étude du « travail collectif » en science, que celui-ci prenne le nom d’« école » ou de « paradigme ». Cinq sections comprenant chacune entre quatre et sept articles ponctuent les quelque quatre cents pages de l’ouvrage. Chacune d’entre elles contribue, à sa manière, à élargir les frontières de la célèbre école sociologique en montrant le caractère indéterminé de son épistémologie et de ses méthodes, la complexité de ses contextes d’énonciation, la variété de ses trajectoires intellectuelles et sa réception différenciée dans le champ scientifique. Il en ressort une vision moins unifiée et cohérente du groupe, dont la genèse et le legs suscitent toujours des désaccords. La première section regroupe une série d’études qui revisitent et réinterprètent certaines thématiques et idées-forces associées à la « jeune » École de Chicago (celle des …

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