Comptes rendus

Robert Bernier (dir.), Les défis québécois. Conjonctures et transitions, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2014, 543 p.[Record]

  • Jacques Palard

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Dix ans après son « grand frère » – L’État québécois au XXIe siècle, déjà dirigé et publié chez le même éditeur, en 2004, par Robert Bernier –, l’ouvrage invite à nouveau à inventorier quelques-unes des politiques publiques conçues et mises en oeuvre par l’institution centrale de la société québécoise. Il y a une décennie, la question qui donnait le ton à la majeure partie des contributions était commandée par la recherche des effets que le changement de siècle, et même de millénaire, était censé exercer sur l’instance étatique, considérée dans ses modes d’action comme dans ses relations avec les citoyens. Aujourd’hui, ce qui se trouve plutôt en jeu, c’est le difficile inventaire de l’héritage de la Révolution tranquille, un peu plus d’un demi-siècle après l’arrivée au pouvoir de « l’équipe du tonnerre » de Jean Lesage. Cela conduit en toute logique à la mise sous examen du « modèle québécois ». L’introduction de Nelson Michaud, directeur général de l’École nationale d’administration publique (ENAP), parle à cet égard de « croisée des chemins » (p. VIII); l’auteur souhaite donner corps au besoin d’accueillir « un contexte nouveau dans l’esprit de ce qui a prévalu au moment de la Révolution tranquille » (p. X), faute sans doute de pouvoir en initier ou en imaginer une nouvelle… Le mot d’ordre devient dès lors celui d’innovation, mission qui est précisément impartie en priorité à un ouvrage collectif qui présente les mêmes qualités intrinsèques que celui de 2004, mais qui ne va pas sans inspirer les mêmes réserves. Les mêmes qualités, dans la mesure où il est fait appel à des spécialistes avérés des questions traitées et qui se tournent volontiers vers l’analyse historique et l’approche comparative, que celle-ci soit à visée internationale ou intra-canadienne. Il faut aussi relever le soin apporté à la présentation : la clarté de l’écriture, la précision de la table des matières, qui occupe onze pages et qui se poursuit par la liste de 59 figures et de 77 tableaux. Les réserves ont trait à nouveau à la composition de l’ouvrage, à commencer par l’absence de problématique générale. On peut aussi noter la quasi-absence de contributeurs extra-québécois. À ce plan du casting, il n’est évidemment pas illégitime d’avoir sollicité pour près de la moitié d’entre eux – 32 au total – des auteurs qui ont un lien étroit avec l’ENAP, mais la forte représentation de cette institution aurait sans doute mérité qu’une place soit accordée à l’analyse de son rôle quasi magistériel. Deux questionnements transversaux se dégagent des contributions : existe-t-il un modèle québécois et, si oui, qu’est-il devenu? Et quels sont les vecteurs – réels ou potentiels – du renouvellement de la gouverne politique? Chacun de ces deux fils directeurs se nourrit des nombreuses questions qui émaillent la plupart des chapitres et qui se trouvent frappées du sceau d’une forte mais vertueuse incertitude. Celle-ci naît de la perception des contradictions que porte en elle la société québécoise et que résume N. Michaud lorsqu’il énonce qu’« il n’est pas faux d’affirmer que notre société, que l’on dit progressiste à maints égards, est en fait extrêmement conservatrice » (p. IX). La mesure des effectifs de l’emploi public représente l’un des indicateurs emblématiques du modèle québécois : l’ampleur des interventions de l’État est en effet l’objet de débats polémiques, les uns défendant une cure de minceur lorsque d’autres plaident contre un risque de démantèlement. La comparaison avec l’Ontario est tout naturellement convoquée à titre de possible contre-modèle. Pierre Cliche et Mathieu Carrier soutiennent que l’emploi public au Québec, tout en étant « un peu particulier » (p. 27), …