Comptes rendus

Solange Lefebvre, Céline Béraud et É.-Martin Meunier (dir.), Catholicisme et cultures. Regards croisés Québec-France, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2015, 466 p. (Coll. « Sciences religieuses »); Rennes, Les Presses universitaires de Rennes, 2015, 375 p. (Coll. « Sciences des religions »)[Record]

  • Kevin J. Christiano

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  • Kevin J. Christiano
    Département de sociologie, University of Notre Dame
    kevin.j.christiano.1@nd.edu

  • Traduction :
    Lauriane Guihard
    Université Rennes II Haute-Bretagne, Rennes, France

Cette collection d’essais est le fruit d’un travail en tous points original et directement intelligible pour le lecteur. Dirigée par trois auteurs réputés, elle réunit une liste de contributeurs qui compte certains des universitaires les plus compétents en matière de religion des deux côtés de l’Atlantique. L’ouvrage consiste en une introduction et dix-huit chapitres portant sur une grande variété de sujets. Les auteurs se concentrent sur l’Église catholique romaine au Québec et en France, et sur la « reconfiguration » religieuse au travers de laquelle cette foi croît, disparaît et se reconstitue à travers le temps en deux lieux qui, bien qu’indéniablement marqués par l’histoire du catholicisme, ont longtemps été considérés bien en-deça de la voie de la sécularisation totale. Certaines sections sont explicitement comparatives dans leur approche, tandis que d’autres se focalisent sur l’une ou l’autre des sociétés. Ces études indépendantes sont cependant présentées de telle sorte que le lecteur attentif puisse conduire sa propre comparaison entre ces deux systèmes francophones de la pratique et de la foi catholiques, en Europe et en Amérique du Nord. Résumer le contenu d’une si riche palette d’articles en un bref compte rendu s’avère particulièrement difficile. C’est pourquoi je mettrai plutôt l’accent sur certaines analyses et conclusions qui semblent les plus essentielles. Pour commencer, É.-Martin Meunier, l’un des directeurs de l’ouvrage, se livre à une minutieuse analyse, étayée par des éléments historiques, de la notion d’« exculturation » religieuse. Dans l’emploi initial qu’en a fait la sociologue Danièle Hervieu-Léger, ce terme renvoie à la manière dont la religion s’est détachée des autres éléments de culture, les faisant devenir encore plus séculiers, et limitant la portée de l’influence résiduelle de la religion (p. 23-24). S’appropriant les meilleures idées et données d’une littérature de plus en plus abondante sur ce sujet, Meunier explique qu’une telle vision pourrait être fragilisée. Sans pour autant abandonner entièrement la religion, le Québec a conservé au catholicisme sa position culturellement privilégiée. Certes, il y a « à la fois des signes de persistance et des signes de déclin progressif » (p. 33); pourtant, pendant tout ce temps « un catholicisme culturel » est resté en suspens (p. 34-35). Les résultats d’une recherche par sondage au Québec « nous fournissent un portrait plutôt bigarré », note Meunier, « suggérant tantôt une certaine permanence de la religion culturelle, tantôt une exculturation de plus en plus prononcée » (p. 36). Du côté français, Yvon Tranvouez montre que les catholiques pratiquants sont proportionnellement moins nombreux qu’au Québec (p. 46-47). Ses analyses statistiques rigoureuses fondées sur des sondages, son interprétation des enquêtes et sa lecture de la presse journalistique confortent toutes l’idée d’un mécontentement vis-à-vis de l’institution de l’Église en France. Jacques Palard étudie de près les rapports de l’Église et de l’État dans l’école française, en analysant la situation de plus de huit mille écoles catholiques du pays, soit approximativement deux millions d’élèves, ce qui représente environ un huitième de l’effectif total de l’école primaire nationale et un cinquième de l’effectif du niveau secondaire (p. 249). Palard examine en détail la politique complexe du système éducatif en France, où l’administration de ces institutions est considérée comme privée, mais dont l’enseignement qu’elles dispensent relève d’une fonction publique, qui oblige à « donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience » (p. 253). Jean-François Laniel nous offre un survol judicieux, bien intégré et très éclairant de plusieurs significations et implications du concept de « religion culturelle » en Europe et en Amérique du Nord. Solange Lefebvre, aussi co-directrice de l’ouvrage, s’intéresse au même thème, dans une analyse pertinente de la « …