Note critique

Le moment républicain du Bas-CanadaGilles Laporte, Brève Histoire des patriotes, Québec, Septentrion, 2015, 361 p.Gustave Papineau : une tête forte méconnue : correspondance, conférences, articles dans l’Avenir, texte établi avec introduction et notes par Georges Aubin et Yvan Lamonde, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2014, 297 p.[Record]

  • Louis-Georges Harvey

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L’importance des Rébellions de 1837-1838 pour l’histoire du Québec n’est plus à prouver et elles sont fréquemment l’objet de livres et d’articles dus autant à des historiens de profession qu’à des amateurs et romancier/ères passionné/es par le sujet. De tous ceux qui se spécialisent dans cette période, Gilles Laporte aura le plus contribué à populariser l’histoire des Patriotes par ses nombreux écrits, son site Internet, ses conférences et ses activités associées à la promotion de la Journée nationale des Patriotes. Nous lui devons aussi un ouvrage sur le sujet, Patriotes et Loyaux, publié chez Septentrion en 2004 (Laporte, 2004). Résultat des enquêtes menées par Jean-Paul Bernard et son Groupe de recherche au Département d’histoire de l’UQAM au milieu des années 1980 sur les participants, patriotes et loyaux, aux évènements politiques et militaires s’échelonnant entre 1834 et 1838, ce livre permettait de découvrir la dimension locale de la mobilisation politique qui agite les campagnes bas-canadiennes lors de ces années charnières. En 2015, Laporte publiait chez le même éditeur sa Brève histoire des Patriotes (Laporte, 2015). D’entrée de jeu, l’on comprend que l’auteur cherche surtout à faire connaître le mouvement à un public plus large que celui visé par sa première étude. En fait, sa plus récente publication reprend essentiellement les mêmes brèves analyses des situations locales qui forment son premier ouvrage, y ajoutant une présentation sommaire du « Mouvement patriote », du « Québec en 1837 », de même qu’un chapitre sur l’évolution du contexte colonial bas-canadien intitulé « Quarante ans de luttes politiques ». Par cette Brève histoire, l’auteur cherche à populariser la connaissance du mouvement patriote, des insurrections et de la mobilisation politique sur la scène locale. Le livre cible donc un public non spécialiste. La Brève histoire des patriotes de Gilles Laporte a le mérite de reproduire des résultats de recherche qu’il avait déjà diffusés dans Patriotes et Loyaux en 2004. Or, les épisodes de mobilisation dans les comtés dont il fait état dans ces deux ouvrages constituent une forte période de sociabilité politique qui a transformé les campagnes. Comme le montre Laporte, les élites politiques locales entrent en jeu de façon déterminante au cours des années 1830 et se dressent contre les vieilles élites seigneuriales et cléricales. Grâce à leurs affinités avec les populations rurales, ces nouvelles élites font preuve d’une redoutable efficacité dans le recrutement d’effectifs et dans la mobilisation de ces derniers à l’appui des campagnes politiques du mouvement. Le projet des Patriotes comprend également des initiatives de gestion locale, notamment dans les cas des écoles des syndics qui tentent de stimuler la participation citoyenne. Malgré la critique que Bruce Curtis a formulée contre le fonctionnement de ce système, qui ne fut en opération que sept ans, faut-il le rappeler, les élections de syndics tentent de reproduire la vie politique locale telle qu’elle existait dans certains états américains (Curtis, 2012). La fébrilité politique qui secoue les campagnes entre 1834 et 1838 ne disparait pas complètement avec la répression politique et militaire imposée dans la foulée de la défaite du mouvement insurrectionnel. Vers la fin des années 1840, des comtés particulièrement actifs dans la mouvance patriote renouent avec les mouvements politiques radicaux. L’étude classique de Jean-Paul Bernard montre bien la concordance entre les zones d’appui au mouvement insurrectionnel et celles qui seront favorables à l’éclosion d’un parti républicain, démocrate, anticlérical et antiseigneurial à la fin des années 1840 (Bernard, 1971). En effet, le parti Rouge profite d’appuis non négligeables dans la région de Montréal et dans la vallée du Richelieu, et comme le mouvement patriote, il ne peut …

Appendices