Abstracts
Résumé
La Chine, premier importateur mondial de matières premières depuis le début du 21e siècle, est attentive au potentiel minier de l’Arctique. Des investissements directs à l’étranger (IDE) chinois dans des projets miniers dans l’Arctique canadien, le Grand Nord québécois et au Groenland ont contribué à faire naître une certaine sinophobie, en raison notamment de la méconnaissance des facteurs qui déterminent le choix de cette région pour ces investissements. Les résultats démontrent que ces territoires sont attrayants en raison de la stabilité politique et du climat compétitif des affaires qui les caractérisent, ainsi que de la qualité de leurs ressources physiques. En revanche, le manque d’infrastructures dans l’Arctique et le coût et la disponibilité de la main-d’oeuvre constituent des facteurs limitatifs.
Mots-clés :
- industrie minière,
- Arctique canadien,
- Québec,
- Groenland,
- Chine,
- entreprises,
- investissements
Abstract
China, the world’s largest importer of raw materials since the beginning of the 21st century, is keeping a watchful eye on the mining potential of the Arctic. Chinese foreign direct investment (FDI) in mining projects in the Canadian Arctic, Northern Quebec and Greenland have contributed to a certain sinophobia, due in part to a lack of understanding of the factors determining the choice of this region for these investments. The results show that these territories are attractive because of their political stability and competitive business climate as well as the quality of their physical resources. Nonetheless, this attractiveness is diminished by a lack of infrastructure in the Arctic as well as the high cost and reduced availability of labour.
Keywords:
- mining,
- Canadian Arctic,
- Quebec,
- Greenland,
- China,
- companies,
- investments
Article body
Poussée par une croissance économique rapide ces trente dernières années, la demande chinoise en matières premières a considérablement augmenté depuis le début du 21e siècle. Les matières premières que recèle son sous-sol et sa capacité d’extraction de certaines d’entre elles apparaissent somme toute insuffisantes pour permettre à la Chine de satisfaire une importante demande domestique liée à son développement économique rapide et à l’émergence d’une classe moyenne avide d’habitation, de vacances, d’infrastructures de transport, et de produits de consommation. Dans cette perspective, la littérature scientifique, comme de nombreuses publications médiatiques grand public ou spécialisées, souligne l’importance pour Pékin de sécuriser ses approvisionnements en matières premières et l’urgence d’investir à l’étranger afin d’y parvenir. En effet, la sécurité des approvisionnements en matières premières joue un rôle important dans le développement social (Jianget al., 2013) et l’économie, et elle est profondément liée à la sécurité nationale et aux besoins de la défense (Zhang et Wang, 2003; Dungry, Fry-McKibbin et Linehan, 2013). Une rupture majeure des stocks et des approvisionnements de certains minéraux (cuivre, manganèse, cobalt, platine, zinc) aurait de graves conséquences sur la production industrielle et agricole et sur le développement économique en Chine (Zhang et Wang, 2003). De nombreux auteurs (Zhang et Wang, 2003; Li, 2006; Robert et Rush, 2012; Ayodele et Sotola, 2014; Li, Song et Liu, 2014) soulignent le besoin urgent, pour la Chine, de garantir l’accès à ces ressources minérales importantes et d’en constituer des réserves (Zhang et Wang, 2003; Peng, 2004; Chen, 2005), au moyen notamment des investissements directs à l’étranger (IDE). Les IDE chinois commencent réellement avec l’acquisition de droits d’exploitation et la création de sociétés mixtes en 2005 (Têtu, Moffet et Lasserre, 2015). Ces IDE ont suscité maints débats et engendré de nombreuses spéculations dans les médias et le public des États concernés, de même que dans la communauté scientifique (Krzepkowski et Mintz, 2010; Gongalez-Vincente, 2012; Jakobson et Peng, 2012; Chen, 2013; Deng, 2013; Lau, 2013; Zhao, 2013). Au Canada, dans un contexte de débats et d’inquiétudes sur les questions de souveraineté dans l’archipel arctique canadien, un sondage récent mené par l’Asia Pacific Foundation of Canada (Globe and Mail, 2015) révélait que 76 % de la population canadienne était hostile à l’acquisition d’entreprises canadiennes par des entreprises étatiques chinoises dans le secteur extractif. Ailleurs dans l’Arctique, au Groenland par exemple, la perspective d’opérations minières dirigées par des entreprises chinoises a provoqué l’ire des médias danois et groenlandais. Alors que certains dénoncent une stratégie géopolitique chinoise plus large dans cette région du monde, d’autres mettent l’accent sur les implications de la venue de nombreux travailleurs chinois, de même que sur les piètres performances chinoises en matière de respect de l’environnement (Boersma et Foley, 2014, p. 44).
La Chine, qui n’est pas un État côtier de l’Arctique, semble attentive au potentiel économique de la région (Ebinger et Zambetakis, 2009; Holslag, 2009; Spears, 2009; Lasserre, 2010a; Xing et Clark, 2010; Kapyla et Mikkola, 2013; Arnarssonet al., 2014; Alexeevaet al., 2015), et plus particulièrement à l’exploitation de ses gisements miniers (Lasserre, 2010a, 2010b, 2010c, 2010d; Alexeeva et Lasserre, 2013; Wright, 2013; Têtu, Pelletier et Lasserre, 2015; Têtu, Moffet et Lasserre, 2015). À cet effet, de nombreux chercheurs soulignent que l’allongement de la période de fonte de la banquise estivale arctique, conforme à bon nombre de modèles climatiques, rend plus accessibles les routes et sites d’exploration miniers de la région, notamment dans l’Arctique canadien et au Groenland, mais également en Russie et en Scandinavie (Lasserre, 2010b, 2011; Arnarssonet al., 2014, p. 88-104; Lasserre, 2014; Têtu, Pelletier et Lasserre, 2015; Lasserre et Têtu, 2016). Dans ce contexte d’ouverture relative des accès maritimes et du fait de l’importante demande domestique chinoise en matières premières, on souligne également que les entreprises chinoises du secteur extractif seraient en mesure d’effectuer des économies sur les coûts de transport maritime, et pourraient plus aisément accéder aux gisements miniers du Groenland et de l’Arctique canadien (Ebinger et Zambetakis, 2009; Chircop, 2011; Conleyet al. 2013; Alexeeva et Lasserre, 2013; Huang et Lasserre, 2013; Lasserre et Têtu, 2014; Alexeeva, Lasserre et Têtu, 2015; Hansenet al., 2016). Or peu d’études, à notre connaissance, documentent les projets chinois dans le secteur extractif, spécifiquement dans l’Arctique, et aucune n’interroge directement les acteurs chinois sur leurs perspectives d’investissements dans le secteur minier de cette région, leurs stratégies opérationnelles et les facteurs motivant leurs investissements, ce qui limite notre compréhension du phénomène (Li, 2013; Luet al., 2014). Ainsi, pour les acteurs chinois oeuvrant dans le secteur extractif dans l’Arctique, comment les facteurs qui déterminent leur choix des sites et la décision de les exploiter se traduisent-ils dans le Grand Nord québécois, dans le reste de l’Arctique canadien (Territoires-du-Nord-Ouest, Nunavut, Yukon) et au Groenland? S’agit-il de régions prioritaires pour les investisseurs chinois? Quels sont les principaux défis vécus ou perçus par ces acteurs pour chacun de ces territoires?
L’objectif général de cet article est de déterminer comment le Grand Nord québécois, l’Arctique canadien et le Groenland sont perçus dans le contexte des stratégies globales des entreprises minières chinoises. Plus spécifiquement, l’étude vise à déterminer, à la lumière des facteurs expliquant les décisions des entreprises chinoises d’investir dans le secteur minier dans ces territoires, si elles ont développé, ou non, une représentation spécifique des occasions d’affaires dans ces régions. Il s’agit en outre de préciser si ces entreprises font l’objet de pressions ou d’incitatifs de la part du gouvernement chinois, orientant leurs choix d’investissement, ce qui indiquerait l’existence d’une politique arctique chinoise spécifique dans le secteur extractif.
Méthode d'enquête
Identification des projets miniers visés par des intérêts chinois et les acteurs concernés
Les projets miniers visés par des intérêts chinois au Groenland, au-delà du 49e parallèle canadien, et dans le Grand Nord québécois − ce dernier territoire étant défini comme les terres arctiques du Québec (Hamelin, 1996) et correspondant au territoire du Plan Nord, ce vaste programme de développement durable du Nord québécois (Société du Plan Nord, 2015) − ont été identifiés à partir des bases de données des différents départements miniers des territoires visés ici. Les données ont ensuite été validées à partir de travaux récents (Lasserre et Têtu, 2014; Têtu, Pelletier, Lasserre, 2015; Têtu, Moffet, Lasserre, 2015; Lajeunesse et Lackenbauer, 2016; Lasserre et Têtu, à paraître). Ensuite, par des recherches simples et avancées sur le World Wide Web, les entreprises chinoises mères et leurs filiales, chinoises ou étrangères, ont été identifiées, à partir principalement des sites Internet des investisseurs chinois et, le cas échéant, de leurs partenaires. Par la suite, l’ensemble des entreprises minières d’État sous la tutelle de la State-Owned Assets Supervision and Administration Commission of the State Council de la République Populaire de Chine (SASAC, 2011) qui n’ont pas d’investissements dans l’Arctique ont été intégrées à la base de données. L’échantillon d’entreprises a été complété par des entreprises chinoises oeuvrant dans le secteur extractif et enregistrées (listed) sur les principaux marchés mondiaux des ressources de la planète en date de l’automne 2013 (Têtu, 2016, p. 56). Enfin, la base de données a été complétée par une liste d’acteurs étatiques chinois comme le Ministère des Affaires étrangères, le Ministère chinois des Terres et des Ressources (Ministry of Land and Resources), le Ministère du Commerce (MOFCOM), l’Association minière chinoise (China Mining Association), les ambassades chinoises au Canada et au Danemark, la China Banking Regulatory Commission, l’Industrial and Commercial Bank of China (ICBC), l’Export-Import Bank of China (China EXIM Bank), et les gouvernements des provinces d’où proviennent les entreprises. Ainsi, un échantillon de près de 253 entreprises chinoises dans le secteur minier a été constitué à partir de ces différentes sources secondaires, officielles et privées.
Stratégie d’enquête auprès des entreprises chinoises à partir d’entretiens semi-dirigés
La stratégie d’enquête, échelonnée de mai 2014 à décembre 2015, a consisté en entrevues semi-dirigées auprès des représentants d’entreprises chinoises, une méthode qui a fait ses preuves par le passé (Beveridgeet al., 2016; Lasserreet al., 2016). La question centrale de recherche a été soumise aux entreprises en anglais et en mandarin, grâce au travail de Madame Linyan Huang, doctorante chinoise en sciences géographiques à l’Université Laval. Notre présence à l’Assemblée générale du Conseil de l’Arctique du 16 au 19 octobre 2015 à Reykjavik a permis dans un premier temps d’effectuer des entrevues semi-dirigées avec des acteurs chinois oeuvrant dans le secteur minier dans l’Arctique. Par la suite, avec l’aide d’un collègue canadien travaillant à Hong Kong et parlant couramment le mandarin, des entretiens semi-dirigés ont été effectués du 20 au 23 octobre 2015 avec des investisseurs, actuels et potentiels, à l’annuel China Mining Congress & Expo à Tianjin, en Chine. Les acteurs chinois étaient invités à répondre aux deux questions suivantes : « Le territoire arctique canadien, le Grand Nord québécois ou le Groenland sont-ils des régions prioritaires pour votre entreprise? », et « Quels sont les facteurs, actuels et futurs, internes et externes, logistiques, politiques, économiques et diplomatiques, qui guident vos investissements dans cette région, et les défis vécus ou anticipés? » Au total, 36 réponses ont été reçues et exploitées[1] (Tableau 1).
La barrière de la langue et les habitudes culturelles du milieu chinois des affaires rendent la réalisation d’une enquête de ce type difficile, ce qui se traduit notamment par un faible taux de réponse dans les demandes d’entrevues auprès des entreprises (voir par exemple Lasserre et Pelletier, 2011; Huang et Lasserre, 2013; Beveridgeet al., 2016). De plus, le petit nombre d’acteurs dans notre échantillon (36 sur un peu plus de 250) limite considérablement toute analyse quantitative dans le traitement des données et l’oriente plutôt vers l’analyse qualitative. Il n’en demeure pas moins que l’ensemble des acteurs chinois ayant des investissements ou des participations dans des projets miniers dans l’Arctique canadien ou au Groenland ont été sondés et ont participé à la recherche, à l’exception de la grande entreprise étatique China Nonferrous Metal Industry’s Foreign Engineering and Construction Co. Ltd. (NFC) au Groenland, de l’entreprise provinciale Jilin Jien Nickel dans le Grand Nord québécois, et d’une entreprise liée à l’armée chinoise, Xinxing Ductile Iron and Pipe, au Nunavut (Canada). À ces trois entreprises qui n’ont pas participé à l’étude, s’ajoute un grand nombre d’entreprises chinoises qui n’ayant pas d’investissements dans l’Arctique, se sont abstenues. Pour des raisons de confidentialité, le statut et la fonction des répondants ne sont pas explicités, à moins d’indications contraires de leur part.
De plus, la question de l’autonomie des entreprises chinoises du secteur minier, qui sont souvent, mais pas toujours propriété de l’armée ou du gouvernement central ou des provinces, pose la question de la latitude d’expression dont disposent les répondants. Si le gouvernement chinois peut jouer un rôle plus important que ce que les répondants à cette enquête sont prêts à admettre, les investisseurs chinois jouissent d’un certain degré d’autonomie. En revanche, la recherche auprès d’acteurs chinois soulignera toujours l’importance fondamentale du guanxi[2] (关系).
En raison de la petitesse de notre échantillon, nous avons opté pour une méthode d’analyse qualitative basée sur la codification d’entretiens semi-dirigés. Les réponses notées lors de ces entretiens effectués de vive voix ou reçus par voie électronique ont été méticuleusement retranscrites dans des documents Word Office. En dépit de la rigueur d’exécution dans le processus de collecte des données, certaines erreurs ont pu se glisser dans la traduction des déclarations des participants du mandarin vers l’anglais, ou de l’anglais vers le français. L’analyse de contenu est définie comme un ensemble de techniques de recherche permettant de décrire tout contenu de communication en vue de l’interpréter. Elle repose sur le principe de l’inférence : on part du discours et on en induit de manière logique des connaissances sur l’émetteur du message ou sur l’environnement.
Projets chinois dans le secteur minier dans l’Arctique
La présence en Arctique d’entreprises chinoises oeuvrant dans le secteur minier à titre de gérant de travaux demeure limitée. Jilin Jien Nickel Industry Co. Ltd., une filiale de l’entreprise d’État provincial Jilin Horoc Nonferrous Metal Group Co. Ltd., par l’acquisition de Canadian Royalties Inc. en 2010, a investi près de 800 millions de dollars en 2012 dans un projet d’extraction de nickel (Nunavik Nickel) dans le Grand Nord québécois (Figure 1). Dans l’Arctique canadien, plus précisément dans les Territoires du Nord-Ouest, MMG Ltd., détenue à près de 74 % par China Minmetals Nonferrous Metals Co. Ltd., une filiale de l’entreprise d’État centrale China Minmetals Corp. (Minmetals), envisageait en 2012 d’ouvrir deux mines de zinc et cuivre au Nunavut (Corridor d’Izok), mais on prévoyait, en 2013, un délai d’un an avant le début des travaux (Nunatsiaq News, 2013). Au Yukon, d’une part, Jinduicheng Molybdenum Group, une filiale du Shaanxi Nonferrous Metals Holding Group Co. Ltd. (Youser Group), en partenariat avec Northwest Nonferrous International Investment Company Ltd., une filiale de Northwest Mining and Geological Exploration Bureau for Nonferrous Metals, et Fosun Gold Holdings Ltd., une filiale de Fosun International Ltd., ont fait l’acquisition en 2008 de l’entreprise canadienne Yukon Zinc (Lasserre, 2010a; Alexeeva et Lasserre, 2013; Industrie Québec, 2013), qui détient la mine Wolverine actuellement en maintenance, en raison de la chute du prix des métaux, tel qu’indiqué sur le site Internet de Yukon Zinc.
D’autre part, l’entreprise chinoise Yunnan Chihong Zinc & Germanium, une filiale de l’entreprise d’état provincial Yunnan Metallurgical Group Co. Ltd. (YMGCO), a acquis l’entreprise canadienne Selwyn Zinc, qui développe le projet de la Passe d’Howard. Au Groenland, l’entreprise chinoise privée General Nice Group a racheté l’entreprise britannique London Mining Plc suite à la faillite de cette dernière, et projette de développer, en partenariat avec la China Communications Construction Company Ltd. (CCCC) et le Tianjin Materials & Equipment Group Corp. (Tewoo), la mine de fer d’Isua (Jakobson et Peng, 2012; Conleyet al., 2013) dans le sud-ouest groenlandais près de sa capitale Nuuk. Finalement, le Bureau of Minerals and Petroleum du Groenland indique également que la China-Nordic Mining Company Ltd. explore des gisements d’or et de cuivre dans le sud-est groenlandais, près d’Ittoqortoormiit. Selon un expert chinois travaillant pour la firme d’avocat danoise Bech-Bruun, il est difficile de déterminer l’identité exacte de l’investisseur du projet d’Ittoqortoormiit : en 2009 Jiangxi Copper, le premier producteur chinois de cuivre, était impliqué dans le projet; en 2011 Jiangxi Union Mining, une entreprise enregistrée dans la zone franche de Hong Kong a repris le projet (Conleyet al., 2013; Lasserre et Têtu, 2014), puis plus récemment, en 2016, Jiangxi Zhongrun Mining constituait le principal intéressé (Têtu, 2016).
Dans les autres cas, les intérêts chinois dans l’Arctique se limitent à une participation dans le capital-actions de sociétés, canadiennes notamment. Dans le Grand Nord québécois, l’aciériste chinois Wuhan Iron & Steel Group Co. Ltd. (WISCO), une entreprise sous la tutelle de l’État central, a investi 120 millions de dollars en 2011 dans la canadienne Adriana Resources, qui développe le projet de mine de fer du lac Otelnuk (Têtu, Mottet et Lasserre, 2015). WISCO possédait 20 % de la production de la mine de fer du Lac Bloom, mais Cliff Natural Resources, le propriétaire, a fermé sa division canadienne en 2015. Au début de l’année 2016, le gouvernement du Québec indiquait cependant que la mine était rachetée par l’entreprise canadienne Champion Iron Ltd. On indique, sur le site Internet de l’entreprise, des investissements du groupe chinois Baotou Iron and Steel (Group) Co., Ltd. (Baogang). L’entreprise chinoise WISCO et sa partenaire Minmetals détiennent respectivement 25 % et 5 % de l’entreprise canadienne Century Iron Mines, qui développe les projets de Joyce Lake, Duncan Lake et Hayot Lake, dans la fosse du Labrador au Québec. En plus des 25 % d’intérêts que détient WISCO dans Century, le contrat prévoit une possibilité pour WISCO d’acquérir 40 % des parts de l’entreprise en retour d’investissements de 40 millions de dollars, et il est prévu que WISCO achète 60 % de la production des trois projets. Minmetals a un contrat qui lui accordera 10 % de la production du projet de Duncan Lake. Finalement, dans le Grand Nord québécois, l’aciériste chinois Hesteel Group, anciennement connu sous le nom d’Hebei Iron and Steel Group Corp. Ltd. (HBIS), une entreprise d’État provincial (Têtu, Mottet et Lasserre, 2015), détient 25 % du projet de mine de fer Kami détenu par la canadienne Alderon Iron Ore, et l’entreprise chinoise s’est engagée à investir 400 millions de dollars dans le projet, qui est estimé à 1,3 milliard de dollars. Au Nunavut, l’entreprise chinoise Xinxing Ductile Iron Pipes Co. Ltd, filiale de Xinxing Cathay International Group Co. Ltd., associée à l’armée chinoise selon un expert chinois travaillant pour la firme d’avocat danoise Bech-Bruun, et Shandong Fulun Steel Co. Ltd., filiale de Shandong Jiuyang Enterprise Group, possèdent 14 % des actifs du projet, et 19 % de la production résultante du projet de Roche Bay, détenu par la canadienne Advanced Explorations Inc. On prévoit que Xinxing Ductile Iron Pipes Co. Ltd. fournira près d’un milliard de dollars en capital pour la construction des infrastructures du projet. Finalement, dans les Territoires du Nord-Ouest au Canada, Zhongrun International Mining Co., Ltd, une filiale de Shandong Zhongrun Resources Investment Corp, a investi 10 millions de dollars dans l’entreprise Canadian Zinc Corp qui possède la mine de Prairie Creek.
Au Groenland, China Nonferrous Metal Industry’s Foreign engineering and Construction Co. Ltd. (NFC), une filiale de l’entreprise d’État central China Nonferrous Metal Mining Group Co. Ltd. (CNMC), a signé un protocole d’entente non contraignant avec l’australienne Ironbark Zinc Ltd, qui explore des gisements de métaux précieux et industriels dans le nord du Groenland, projet connu sous le nom de Citronen Fjord. L’entreprise chinoise NFC s’est engagée à financer le projet qui en est actuellement à un stade embryonnaire. Enfin, la même China Nonferrous Metal Industry’s Foreign engineering and Construction Co. Ltd. (NFC) a également signé un protocole d’entente non contraignant avec Greenland Minerals and energy A/S, qui explore des gisements de terres rares dans le sud de l’île, projet connu sous le nom de Kvanefjeld (Bjorst, 2016; Hansen et al., 2016). L’Union européenne est partenaire financier du projet, dans le cadre du programme européen Eurare (Eurare, 2016).
On note également la présence d’entreprises chinoises dans le secteur minier en Russie, mais les projets se situent principalement dans l’extrême sud-est du pays, près de la frontière avec la Chine. Par exemple, en 2009, la China National Machinery Industry Corporation (Sinomach) a investi plus d’un milliard de dollars dans le développement du projet de mine de fer Kimkan, détenu par Petropavlovs PLC, dans la région de Nizhneleninsko, dans l’extrême est de la Russie. On prévoit, dans ce cas-ci, le transport du minerai vers la Chine à travers un pont construit au-dessus du fleuve Amour, qui fait office de frontière entre la Chine et la Russie. La construction d’un tel pont, qui à l’heure actuelle n’est achevée que du côté chinois de la rivière, permettrait de réduire de moitié les coûts de transport vers la Chine. D’autre part, la China Metallurgical Group Corporation (MCC) a investi 240 millions de dollars dans l’entreprise russe MKK en 2011, et, en 2013, l’entreprise China Nonferrous Metal Industry’s Foreign engineering and Construction Co. Ltd. (NFC), en partenariat avec la Banque chinoise de Développement, a investi 750 millions de dollars (50 % du projet) dans l’entreprise russe East Siberian Metals, qui développe le projet de mine de fer d’Ozernoe dans la République de Bouriatie. En 2015, l’entreprise chinoise Highland Fund a investi 100 millions de dollars dans un projet de développement de mine de nickel (mine Bystrinsko) de l’entreprise LLC GRK Bystrinskoye, une filiale du géant de nickel Norilsk Nickel, dans la région de Chita. Ailleurs dans l’Arctique, en Scandinavie par exemple, en dépit d’un potentiel minier important (Lasserre et Têtu, à paraître), il n’y avait, en mars 2016, aucun investissement chinois dans le secteur minier.
L’Arctique, une région prioritaire pour les investisseurs chinois?
L’Arctique canadien, le Grand Nord québécois, et le Groenland, du point de vue des investisseurs chinois sondés, ne sont pas des territoires prioritaires dans leurs stratégies d’investissements; cela est vrai des entreprises oeuvrant dans le secteur du fer et de l’acier et du nickel, mais aussi de celles évoluant dans le secteur des métaux de base et industriels (Têtu, Mottet et Lasserre, 2015; Têtu et Lasserre, à paraître). Interrogés sur les principales raisons qui poussent ces entreprises à investir outre-mer – faire venir le minerai en Chine pour satisfaire les besoins industriels chinois ou investir dans la perspective de dégager des profits économiques –, la grande majorité des investisseurs sondés adoptent un discours en termes d’opportunités et de rentabilité économique. En ce qui concerne les investisseurs dans l’Arctique canadien, 12 acteurs font état d’une stratégie globale centrée sur la maximisation des profits, comme c’est le cas pour 10 acteurs investissant au Groenland (Tableau 2). Dans le Grand Nord québécois, en revanche, deux acteurs se sont dits davantage intéressés par l’acheminement du minerai en Chine.
La stabilité de l’environnement politique et le climat des affaires
L’analyse des raisons invoquées par les investisseurs chinois,pour investir dans le Grand Nord québécois, dans l’Arctique canadien et au Groenland, fait ressortir, dans un premier temps, la stabilité de l’environnement politique et le climat d’affaires compétitif dans ces trois territoires (Figure 2A, 2B, 2C). L’entreprise Sinomine Resource Exploration Co. Ltd., une filiale de la grande entreprise d’État central China Nonferrous Metals Mining Group Co. Ltd. (CNMC), précise que le marché canadien [traduction] « est considéré comme sûr et croissant ». Cet acteur chinois fait référence à la croissance continue de l’industrie canadienne et des occasions économiques (Association minière canadienne, 2013).
On observe le même cas de figure du côté de Minmetals Exploration and Development Co. Ltd., une filiale de l’entreprise d’État central China Minmetals Corporation (Minmetals), de Shandong Gold Group Co. Ltd., une entreprise d’État provincial sous la tutelle du gouvernement de la province de Shandong, et de China Aluminum Corporation of China (CHINALCO), une entreprise d’État sous la tutelle de l’État central, qui soulignent toutes elles aussi que le Canada [traduction] « est perçu comme très sûr et stable ». Finalement, China SD, un groupe de consultants chinois dans le secteur minier, tout comme ChinaMinmetals Corp., indiquent que leurs clients [traduction] « considèrent souvent que le Canada est similaire à l’Australie, c’est-à-dire un environnement sain et une qualité de minerai supérieure ».
Dans le Grand Nord québécois, deux acteurs ont également fait mention de la stabilité politique et du climat compétitif des affaires, qui sont pour eux le 4e facteur le plus important. L’entreprise Hesteel, une entreprise d’État provincial, souligne aussi que les relations politiques et économiques entre le Canada et la Chine, et plus particulièrement l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) Canada-Chine entré en vigueur le 1er octobre 2014, constituent des facteurs importants.
Dans la perspective où de nombreux investissements chinois ont échoué dans des régions instables du monde ces dernières années (Têtu, Mottet et Lasserre, 2015), l’environnement politique stable du Groenland rend ce territoire attrayant du point de vue des investisseurs chinois. Selon un responsable du Ministère chinois des Terres et des Ressources, [traduction] « le principal avantage du Groenland est la situation politique stable », ce qui rejoint les propos d’un analyste de l’Association minière chinoise, qui déclare que [traduction] « le risque politique est relativement faible. Le Groenland fait partie du Danemark, lequel a un système politique stable et opère toujours à l’intérieur des lois ». Même son de cloche du côté d’un représentant d’une très grande entreprise chinoise privée, qui considère que [traduction] « tous les gisements miniers appartiennent à l’État groenlandais, et non pas aux peuples indigènes. Cela fait en sorte que le Groenland est une option d’investissement beaucoup plus intéressante que ces pays/régions où nous devons jongler avec plusieurs intervenants à différents niveaux ».
La réglementation qui favorise les IDE au Groenland a également été identifiée par deux investisseurs comme un facteur important, et des investisseurs dans le Grand Nord québécois et dans l’Arctique canadien ont signalé le même avantage. Ce facteur n’a cependant été mentionné par aucun des acteurs pour ce qui est du Groenland.
La qualité des ressources minières, un facteur d’attrait
La qualité des ressources physiques est un facteur qui a également été mentionné par de nombreux acteurs investissant dans l’Arctique canadien, le Grand Nord québécois et le Groenland. Il s’agit, pour l’Arctique canadien, du deuxième facteur le plus souvent cité derrière la stabilité politique et le climat d’affaires compétitif. Le Ministère chinois des Terres et des Ressources indique que [traduction] « les compagnies minières chinoises sont en quête des bénéfices que les nombreuses richesses du sous-sol minier canadien représentent l’opportunité de réaliser ». Au Groenland, il s’agit du troisième facteur explicatif en importance. Un directeur de l’entreprise chinoise privée General Nice Group, avance que
[traduction] le potentiel à long terme du Groenland est très important, eu égard notamment aux circonstances économiques actuelles. Nous avons choisi d’investir au Groenland parce que nous croyons que cette région est riche de potentiel pour le futur. Peut-être que cela prendra plusieurs années avant que ce potentiel soit pleinement réalisé, mais pour nous il est logique de venir tôt, et ainsi d’apprendre comment opérer dans de telles conditions.
Le même constat s’observe du côté d’un représentant de l’Association minière chinoise qui souligne :
[traduction] Il y a très probablement d’importants gisements jamais explorés dans la région. Le niveau de l’exploration minière actuel au Groenland est faible du fait que l’aire totale des licences d’exploration ne dépasse pas deux kilomètres carrés. Par conséquent, le potentiel de prospection est très important.
Finalement, dans le Grand Nord québécois, deux acteurs ont fait mention de la qualité des ressources physiques du territoire comme un facteur prépondérant dans leur décision de s’établir sur ce territoire. Un représentant d’une très grande entreprise d’État central a quant à lui indiqué ne pas considérer le Groenland comme une option d’investissement intéressante en raison des conditions climatiques sévères, un défi d’ailleurs mentionné par quatre acteurs au Groenland, dont une très grande entreprise centrale qui souligne que
[traduction] les mines sont plusieurs centaines de mètres sous la surface, ce qui fait en sorte qu’il faut beaucoup de temps pour atteindre le dépôt minier. Quand nous avons finalement foré à travers la glace, l’hiver arrive déjà. La température et les différences de saisons sont un défi important.
Des investisseurs chinois de plus en plus autonomes
Un facteur important dans la prise de décision par les entreprises chinoises d’investir dans des projets miniers dans les régions sous enquête est leur perception des grandes opportunités économiques. Les entreprises investissant dans le Grand Nord québécois sont également attentives au prix des ressources sur les marchés mondiaux, facteur le plus souvent cité. Du côté des acteurs investissant dans l’Arctique canadien et le Groenland, ce facteur est cité dans les deux cas par deux acteurs, qui le considèrent important. Par exemple, l’entreprise Chihong Canada Mining Ltd., une filiale de Yunnan Chihong Zinc & Germanium, une grande entreprise d’État centrale elle-même filiale du Yunnan Metallurgical Group Co. Ltd. (YMGCO), déclare que [traduction] « le prix des matières premières et les tendances sur le marché du zinc et du plomb seront critiques dans l’échéancier et la performance économique du projet ». Ainsi, en dépit des scénarios souvent avancés selon lesquels les entreprises chinoises raisonnent peu en terme de rentabilité économique et répondraient plutôt aux intérêts du gouvernement chinois (Campbell, 2012; Gonzalez-Vincente, 2012), les résultats de nos entretiens montrent clairement que les entreprises chinoises sont de plus en plus autonomes dans leur décision d’investir à l’étranger, et demeurent responsables des profits et des pertes qui peuvent en découler.
Comme le dit un dirigeant du Ministère du Commerce (MOFCOM) chinois :
[traduction] En décembre 2013, le gouvernement central de la Chine a publié une nouvelle circulaire qui modifie son rôle dans la réglementation des investissements à l’étranger. La majorité des investissements à l’étranger par les entreprises chinoises, privées et appartenant à l’État, vont maintenant essentiellement être soumis à une prise de décision autonome, et les entreprises seront responsables de leurs profits comme de leurs pertes. En outre, nous croyons qu’avec un niveau plus élevé de déréglementation, il sera plus facile pour nos entreprises d’investir à l’étranger. Selon les nouvelles règles, 99 % des investissements à l’étranger qui nécessitaient auparavant l’approbation au niveau central (excluant certains pays et industries sensibles), vont maintenant devoir se conformer à la simple exigence que les entreprises respectent les conditions des autorités locales.
De plus, comme le souligne un dirigeant d’un très grand conglomérat minier chinois sous la tutelle de l’État central :
[traduction] Nous avons été impliqués dans de nombreux projets à l’étranger, mais trop d’investissements ont échoué en raison de notre faible préparation. Nous étions probablement aussi trop confiants et trop désireux de participer à des projets d’ordre politique. Mais, maintenant, même le gouvernement souligne que les investissements étrangers devraient être conduits en fonction d’objectifs commercialement viables.
Ces déclarations en faveur d’une plus grande autonomie des entreprises chinoises dans leurs décisions d’affaires ne signifient cependant pas qu’il n’y a pas de relation entre les cadres des entreprises étatiques et le gouvernement central. En effet, selon un dirigeant du Jiangxi Geology and Mineral Resources Exploration Bureau, une entité sous la tutelle du Gouvernement de la province du Jiangxi :
[traduction] Vous devez avoir une relation forte avec les décideurs clés pour obtenir du financement. Dans le cas de l’investissement de Jiangxi Copper au Groenland, un haut fonctionnaire du gouvernement central a personnellement approuvé notre projet, ce qui a facilité l’obtention de financement par l’intermédiaire de notre administration locale. Voilà comment cela fonctionne.
Mais, en dépit d’une connexion avec les décideurs clés, l’entreprise ne considère pas le Groenland comme une destination d’investissement prioritaire, du fait que le [traduction] « Groenland est une destination relativement coûteuse pour les investissements chinois ».
Cette question du coût des affaires (dans le Nord) et la difficulté d’obtenir du financement de l’État central sont deux facteurs mentionnés, entre autres, par l’entreprise chinoise privée General Nice Group qui développe un projet de mine de fer au Groenland :
[traduction] Nous pensons qu’à ce niveau du projet, il est très difficile d’avancer. Nous sommes en train d’étudier la possibilité de coopérer ou de fusionner avec des entreprises d’État central pour atteindre un niveau supérieur. [Le] gouvernement et les banques chinoises sont prêts à soutenir les entreprises publiques, mais pas les entreprises privées.
Ces déclarations sur la difficulté d’obtenir du financement, du fait des réformes mises en place par le gouvernement chinois ces dernières années, sont également confirmées par un officiel au Ministère chinois des Terres et des Ressources, qui nous indique que [traduction] « c’est très difficile pour elles [les entreprises chinoises] d’obtenir un support financier de sources centrales ». En effet, comme le confirme un représentant d’une très grande entreprise minière chinoise privée :
[traduction] Dans le passé, les compagnies d’exploration chinoises pouvaient obtenir des subventions d’exploration allant jusqu’à 30-50 millions de yuan renminbis du gouvernement chinois, pour pallier les risques. Mais maintenant, ce type de soutien a été réduit de façon significative, ce qui fait en sorte que les sociétés d’exploration sont plus prudentes sur les marchés outre-mer qu’elles devraient prioriser.
Dans le Grand Nord québécois, Hesteel (anciennement Hebei Iron and Steel), qui développe un projet de mine de fer dans la fosse du Labrador, a indiqué [traduction] qu’« il n’y a pas d’incitatif [financier] à investir dans cette région du Canada ». Tel qu’évoqué par les acteurs chinois, le faible rôle du gouvernement central dans le financement des projets rend compte de l’autonomie croissante dont ils jouissent.
Défis que pose l’extraction minière sous les latitudes nordiques
La ventilation des réponses obtenues à la question « Quels sont les principaux défis vécus ou perçus pour chacun de ces territoires? » montre qu’au Groenland, les entreprises chinoises font face à des défis tels que leur manque d’expérience à l’échelle internationale, la sévérité des normes environnementales, celle des normes en matière de responsabilité sociale des entreprises dans chacun de ces pays d’accueil, le manque d’information sur les possibilités d’investissement dans ces régions nordiques, le manque d’infrastructures ou leur piètre qualité, le manque de financement du gouvernement central chinois, ou la difficulté des conditions climatiques. Dans l’Arctique canadien, les principaux défis évoqués incluent le coût élevé de la conduite d’affaires dans le Nord, la confusion dans les lois provinciales et fédérales, la sévérité des normes environnementales, l’impact des projets sur les communautés locales, et le coût et la disponibilité de la main-d’oeuvre. Enfin, dans le Grand Nord québécois, on mentionne comme principaux défis l’impact des projets sur les communautés locales et le coût de la main-d’oeuvre.
Le manque d’information sur les possibilités d’investissement au Groenland et le manque d’expérience à l’international
Les acteurs investissant au Groenland ont souligné que le manque d’expérience à l’échelle internationale et le manque d’information sur les projets possibles constituent les principaux défis rencontrés. Dans l’Arctique canadien et dans le Grand Nord québécois, ces défis n’ont été mentionnés par aucun acteur; près de la moitié d’entre eux disent avoir une bonne connaissance du fonctionnement de l’industrie minière canadienne. Cinq acteurs investissant en Arctique ont également souligné que le principal défi était la confusion (ou du moins le manque d’information) entre les niveaux provincial et fédéral des lois canadiennes.
Cinq acteurs investissant au Groenland mentionnent le manque d’expérience internationale en tant que défi à relever. Mais, comme le souligne un directeur général de China Gold Corp., une entreprise minière d’État central moyenne : [traduction] « Pour être franc, nous avons fait de nombreuses erreurs dans les investissements à l’étranger. Après plusieurs grands échecs, nous avons finalement appris à faire les choses de la bonne manière. Maintenant, nous avons mis en place un processus très systématique pour les décisions d’investissement, plutôt qu’une approche arbitraire ».
Le manque d’expérience internationale et le faible niveau de connaissances des acteurs chinois quant au potentiel minier du Groenland réduisent en effet les opportunités d’investissement. Un représentant d’un très grand conglomérat minier d’État central témoigne :
[traduction] À l’heure actuelle, il n’y a pas beaucoup d’entreprises chinoises qui connaissent les perspectives minières potentielles au Groenland. Ces entreprises ont besoin d’être mieux informées sur les facteurs tels que les politiques d’investissement, la culture locale, les opportunités et les risques, etc. avant qu’elles envisagent d’aller de l’avant. Dans les guides d’investissements officiels de la Chine, on trouve rarement quelque chose à propos du Groenland.
S’il apparaît que les grandes entreprises étatiques chinoises ne sont pas très bien informées des occasions d’affaires au Groenland, un expert chinois travaillant pour la firme d’avocat danoise Bech-Bruun déclare :
[traduction] Même si bon nombre des plus grandes sociétés minières chinoises pourraient ne pas être intéressées à investir au Groenland pour le moment, je pense que beaucoup de petites entreprises pourraient être intéressées. Mais, elles ne sont pas prêtes à prendre des risques : elles sont conscientes qu’elles ne peuvent rivaliser avec les grands acteurs dans les marchés les plus attractifs. Donc, une des principales priorités en ce moment devrait être de s’assurer que les petites et moyennes entreprises chinoises connaissent le potentiel du Groenland et les perspectives d’investissements.
Si l’on se fie à ces déclarations et à celles du Ministère chinois des Terres et des Ressources, comme quoi [traduction] « les entreprises chinoises sont normalement intéressées par de nouvelles destinations minières, parce que nouveau signifie gros potentiel », les entreprises chinoises « veulent d’abord entendre parler d’expériences qui ont réussi ». Des moyens ont été mis en oeuvre ces dernières années afin de diffuser des informations sur les possibilités d’investissement au Groenland, comme nous l’indique un expert de l’Association minière chinoise :
[traduction] En 2011, j’ai fait un discours à la China Mining Conference à Tianjin dans le but de présenter des faits sur les ressources naturelles du Groenland. Le marché mondial de l’exploitation minière était cependant alors en bien meilleure santé qu’aujourd’hui. De nombreuses entreprises ont été très intéressées par les opportunités du Groenland, et après mon discours j’ai été approché par un bon nombre d’investisseurs potentiels qui voulaient des informations détaillées sur le Groenland.
Un chercheur travaillant pour le Ministère chinois des Terres et des Ressources, qui publie un guide annuel sur les possibilités d’IDE largement distribué dans l’industrie minière chinoise, indique son intention de publier dans les prochaines années un guide insistant sur les occasions d’investissement au Groenland : [traduction] « Peut-être que nous pouvons le faire en 2015. En 2014, nous avons mis l’accent sur la Suède, et le Groenland pourrait être le prochain. Nous apprécierions le soutien du Danemark/Groenland dans la préparation de notre guide et de ses lignes directrices ». Dans le but de pallier le manque d’information sur les possibilités d’investissement au Groenland, les institutions du gouvernement chinois et d’autres intervenants publics travaillent activement sur cette composante, comme le laissent entendre les différents témoignages.
La sévérité des normes en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et des normes environnementales et le respect des communautés locales
Les entreprises chinoises ont de plus en plus d’autonomie dans leurs décisions, et les processus d’aide financière du gouvernement central chinois et des grandes banques ont été revus ces dernières années. En effet, depuis 2012, les banques chinoises sont moins enclines à financer des projets outre-mer. Pour obtenir de l’aide financière d’une de leurs banques, les investisseurs chinois doivent aujourd’hui fournir des études d’impact environnemental, ces institutions financières étant bien conscientes des nombreux risques liés aux impacts environnementaux des projets. Comme l’explique un dirigeant de la China Exim-Bank, une des trois principales institutions financières chinoises :
[traduction] Ma banque a été critiquée parce que nous ne portons pas suffisamment d’attention aux questions environnementales, et cela a eu un impact négatif pour nos affaires. En fait, nous ne sommes pas la seule banque à avoir rencontré ce genre de problème. Il semble que les préoccupations environnementales deviennent un défi majeur pour les investissements chinois à l’étranger. Il y a eu un impact négatif non seulement sur les entreprises et les organisations individuelles, mais aussi sur l’image de la Chine en tant que nation. Les situations de crises environnementales peuvent aussi causer des pertes commerciales sérieuses aux investisseurs.
Même constat du côté de la Banque chinoise de développement, qui indique :
[traduction] Au cours de notre processus d’évaluation des prêts, nous portons beaucoup d’attention aux considérations relatives aux questions environnementales, à la responsabilité sociale des entreprises, et à l’impact prévu d’un projet d’investissement sur les communautés locales ou autochtones. Nous ne finançons pas un projet sans évaluation des impacts environnementaux.
Ces mesures mises en place par les banques chinoises s’expliquent, en partie, par le fait que la China Banking Regulatory Commission a publié une politique de crédit vert (Green Credit Policy) en 2012 demandant aux banques de porter plus d’attention aux questions environnementales.
Quatre investisseurs au Groenland ont mentionné le défi que représentent les normes environnementales sévères sur ce territoire, défi le plus souvent cité après le manque d’expérience internationale. À ce propos, un représentant d’une très grande entreprise d’État central se dit peu intéressé par les perspectives qu’offre le Groenland, étant donné que [traduction] « les réglementations locales en matière de protection de l’environnement représentent un défi important pour les entreprises chinoises », mais il précise que « ce n’est pas unique au Groenland; les entreprises chinoises font face à des normes environnementales plus strictes qu’en Chine dans la plupart des projets à l’étranger ». Du côté des investisseurs en Arctique canadien, trois d’entre eux ont souligné que les normes environnementales sévères dans cette région constituaient un défi majeur, tout comme la mise en place de mesures d’atténuation des impacts des projets sur les communautés locales nordiques. De fait, un dirigeant de Chihong Canada Mining, qui développe un projet de zinc au Yukon, a souligné l’importance d’obtenir l’accord et le soutien des communautés des Premières Nations afin que le projet puisse aller de l’avant et se concrétiser. Même constat du côté du MOFCOM, qui considère l’importance pour les entreprises chinoises de répondre aux exigences des autorités locales. La Banque de développement chinoise va dans le même sens et souligne l’importance de mesurer les impacts des projets sur les communautés locales, d’identifier et mettre en place des mesures d’atténuation, en adoptant notamment des programmes de responsabilité sociale. Un investisseur au Canada considère comme un défi important la sévérité des normes en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Du côté des investisseurs dans le Grand Nord québécois, deux acteurs considèrent l’atténuation des impacts des projets sur les communautés comme un défi important.
Le coût et la rareté présumée de la main-d’oeuvre
Le coût et la disponibilité de la main-d’oeuvre dans l’Arctique canadien et au Groenland, dont la population totale s’élève au plus à 57 000 personnes, ont été cités comme défis majeurs par les investisseurs chinois. Dans l’Arctique, trois d’entre eux ont mentionné ces défis, contre trois acteurs au Groenland, et un acteur dans le Grand Nord québécois. Dans l’Arctique canadien, deux consultants chinois, Tianjin Intl. Mining Exchange et Canaan Gold Resources, précisent qu’il n’y a [traduction] « pas assez de main-d’oeuvre disponible et les ressources humaines sont aussi trop coûteuses ». En corollaire, six des investisseurs dans l’Arctique canadien ont souligné qu’il coûte cher de faire des affaires dans le Nord, souvent plus qu’ailleurs dans le monde.
En ce qui a trait au Groenland, un représentant de l’Association minière chinoise a indiqué les défis qu’y pose le manque de main-d’oeuvre qualifiée, tout en précisant que les changements dans la législation relative aux travailleurs étrangers (Parlement du Groenland, 2012) permettront de réduire les coûts dans l’avenir :
[traduction] La possibilité d’importer de la main-d’oeuvre chinoise s’est considérablement améliorée. Parce que la population du Groenland est seulement de 57 000 habitants, le pays est incapable de fournir un approvisionnement suffisant de travailleurs locaux pour le développement des projets miniers. Si les entreprises chinoises emploient la main-d’oeuvre de l’Amérique du Nord ou d’Europe, les travailleurs ont besoin de rentrer chez eux toutes les 2 à 3 semaines. Les vols à destination et en provenance du Groenland étant très coûteux, les coûts totaux seront excessivement élevés. Ainsi, le gouvernement du Groenland a approuvé une loi qui permet le recrutement de travailleurs chinois, ce qui signifie que le coût du travail pour les entreprises chinoises serait plus faible au Groenland que dans de nombreux autres pays. Je pense que cela pourrait être un argument de vente très fort pour les entreprises chinoises.
Signe que les entreprises chinoises souffrent d’un manque flagrant d’information sur les possibilités d’investissement dans ces territoires et sur la législation en vigueur, un représentant d’une très grande entreprise minière d’État central avance de manière erronée que [traduction] « en raison de la Loi sur la protection du travail stricte au Groenland, il sera difficile pour nous de licencier des travailleurs. Cela pourrait poser un gros problème si nous avons besoin d’ajuster les opérations au fil du temps ».
L’avantage d’infrastructures de calibre mondial dans le Grand Nord québécois
Trois investisseurs dans le Grand Nord québécois ont souligné la qualité des infrastructures sur le territoire, bien que l’un d’entre eux considère tout de même le manque d’infrastructures comme un défi important à relever. Dans l’Arctique canadien, deux investisseurs chinois déplorent le manque d’infrastructures qui augmente de facto le coût de la conduite d’affaires dans le Nord. En raison du manque d’infrastructures au Groenland, ce territoire demeure une destination relativement coûteuse pour les investissements chinois, et ce, même s’il leur apparaît comme un important marché de ressources. Comme le dit un dirigeant de l’entreprise d’État provincial Jiangxi Geology and Mineral Resources Exploration Bureau : [traduction] « Parce que les coûts de transport actuels sont très élevés, il est impossible de dégager des profits. Mais, il s’agit de nos premiers pas au Groenland donc au moins, nous avons l’occasion d’en savoir plus sur le travail dans cette région, ce qui sera utile pour les investissements dans l’avenir ». Même son de cloche du côté d’un dirigeant d’un grand conglomérat minier d’État pour qui le manque d’infrastructure augmente considérablement les coûts, car [traduction] « il n’y a pas d’infrastructures adéquates au Groenland, et nous devons donc construire des routes, des ports, des centrales électriques, etc. C’est très coûteux et prend beaucoup trop de temps ». À cette question de la mauvaise qualité des infrastructures au Groenland et dans l’Arctique canadien s’ajoute également celle des conditions climatiques extrêmes. Selon un responsable du Ministère chinois des Terres et des Ressources, [traduction] « le Groenland a de très intéressants dépôts miniers, mais de terribles infrastructures et la température est difficile pour les Chinois ». Des propos semblables sont tenus par le représentant de Jiangxi Geology and Mineral Resources Exploration Bureau, qui dit ne pas être familier avec les conditions locales, tout en mentionnant que [traduction] « le site du projet est proche d’une falaise, c’est très venteux et froid, et nos travailleurs chinois s’adaptent mal à ces températures extrêmes ». Il fait également mention du coût astronomique de la conduite des affaires dans le Nord, car l’absence de routes ou de moyens de transport rend nécessaire de transporter le matériel par hélicoptère. Le directeur général des investissements de China Minmetals Non-Ferrous Metals Holding Co., une très grande entreprise chinoise sous la tutelle de l’État central, indique, quant à lui : [traduction] « Notre analyse a déterminé qu’il n’est actuellement pas intéressant d’investir dans les ressources naturelles au Groenland. Les infrastructures sont trop déficientes et nous sommes également inquiets en ce qui a trait aux normes environnementales sévères, aux lacunes culturelles et à la pénurie de main-d’oeuvre ».
Un représentant de l’Association minière chinoise pense néanmoins que les coûts logistiques actuels pourraient être réduits dans le futur, grâce à l’ouverture des routes maritimes arctiques :
[traduction] La logistique et les options de transport pourraient atteindre un niveau acceptable dans un futur proche. La latitude de la pointe sud du Groenland est seulement de 59°, ce qui n’est pas très élevé. L’exploration s’effectue dans une étroite bande côtière de sorte que le modèle de base de transport est : mines — courte distance de transport — port. De plus, en raison du réchauffement global, les passages arctiques pourraient bientôt devenir une nouvelle route de navigation, ce qui réduirait considérablement les défis à relever pour les investisseurs chinois pour expédier le minerai vers la Chine.
Les facteurs logistiques pèsent de tout leur poids sur la décision des entreprises chinoises de s’implanter dans tel ou tel lieu, mais la question de la réduction du temps et des distances de transport grâce aux routes maritimes arctiques qui s’ouvriront dans l’avenir n’a été mentionnée que par un seul représentant, celui de l’Association minière chinoise, qui investit dans le Groenland. Dans l’Arctique canadien et dans le Grand Nord québécois, des travaux récents (Têtu, Pelletier et Lasserre, 2015; Lasserre et Têtu, à paraître; Beveridgeet al., 2016) concluent qu’à l’heure actuelle, peu de projets miniers, incluant les projets chinois, s’appuient sur les routes maritimes arctiques.
⁂
Les objectifs de cet article étaient de déterminer si l’Arctique canadien, le Grand Nord québécois et le Groenland sont des régions prioritaires d’investissement pour les entreprises chinoises, d’identifier les facteurs prépondérants dans leur décision d’investir ou non sous ces latitudes nordiques, et d’identifier les défis auxquels elles font face. Les résultats de l’enquête montrent que les investisseurs chinois dans ces territoires arctiques font face à de multiples défis, et que les facteurs prépondérants dans leurs choix des sites sont multiples et variés.
Dans un premier temps, les résultats montrent bien que les territoires à l’étude ne constituent pas des régions prioritaires d’investissement dans les stratégies globales d’approvisionnement des entreprises chinoises oeuvrant dans le secteur extractif. Ainsi, s’il est vrai que l’Arctique canadien, le Grand Nord québécois et le Groenland suscitent un certain degré d’intérêt chez certaines entreprises chinoises, il apparaît que plusieurs autres régions du monde ont pour elles une priorité plus élevée. Les territoires arctiques intéressent néanmoins les investisseurs chinois, en raison notamment de la stabilité politique de leurs gouvernements, du climat compétitif des affaires qui y règne et de la qualité de leurs ressources physiques. Mais jusqu’à ce qu’un certain nombre de projets individuels aient été mis en oeuvre avec succès, il paraît peu probable que ces territoires arctiques deviennent des territoires prioritaires d’investissement.
Bien que ni le gouvernement central ni la plupart des principaux acteurs chinois dans le secteur minier ne considèrent les territoires à l’étude comme des régions prioritaires d’investissement, il n’en demeure pas moins que la région a un potentiel prometteur pour les entreprises chinoises. Plusieurs entreprises plus petites pourraient être disposées à investir dans le Grand Nord québécois, dans l’Arctique canadien et au Groenland si elles étaient plus au fait du potentiel minéral de ces territoires; les entreprises chinoises contrôlées par les gouvernements provinciaux seraient de ce point de vue des acteurs potentiels. Étant donné que les dépôts miniers en Chine se tarissent (Zhang et Wang, 2004; Robert et Rush, 2012), les gouvernements provinciaux encouragent fortement leurs entreprises à investir dans des projets d’approvisionnement à l’étranger. En ce qui a trait aux infrastructures, il y a en effet de nombreuses occasions d’investissement attrayantes dans l’Arctique canadien et notamment au Groenland. Dans le Grand Nord québécois, les projets miniers de la fosse du Labrador sont connectés au port de Sept-Îles par un important réseau ferroviaire et routier. Mais cette connexion se fait vers le Sud, et non vers le Nord. Dans l’Arctique canadien et plus particulièrement au Groenland, le manque d’infrastructures augmente considérablement le coût de toute entreprise commerciale ou industrielle.
Si le gouvernement central joue un rôle peut-être plus important que ce que les répondants à cette enquête sont prêts à admettre, les investisseurs chinois jouissent néanmoins d’un certain degré d’autonomie. Les nombreuses pertes d’investissement par des entreprises chinoises dues à de mauvais choix politiques au cours de la dernière décennie ont stimulé la déréglementation en Chine, et engendré des investissements dans le secteur minier dont les motivations sont davantage fondées sur un raisonnement économique, et ce, tant pour les entreprises publiques que privées. Cela renforce l’idée voulant que les entreprises étatiques chinoises raisonnent en termes de rentabilité économique et que les conditions économiques et politiques dans les États d’accueil importent.
Nos résultats montrent que les grands conglomérats chinois gérés par le gouvernement central ont un accès plus facile au capital pour les investissements à l’étranger. La situation est toute autre pour les petites entreprises étatiques et les entreprises privées. En raison de pertes financières essuyées par des entreprises chinoises outre-mer ces dernières années, les banques chinoises sont plus réticentes à prêter de l’argent. Par conséquent, de nombreuses entreprises chinoises engagées dans des projets miniers outre-mer s’appuient désormais sur du financement provenant des gouvernements locaux, et non pas de l’État central. Dans certains cas cependant, des relations personnelles avec des administrateurs influents permettent d’accéder à un financement important.
Les investisseurs chinois n’exigent pas de concessions législatives sur des facteurs tels que la protection de l’environnement, le respect des communautés locales et l’importation de main-d’oeuvre à bas salaire. Bien au contraire, ils reconnaissent explicitement l’importance pour eux de se conformer à la réglementation des États d’accueil. Le gouvernement central chinois s’assure d’ailleurs également de plus en plus que les considérations sociales et environnementales soient prises en compte par les entreprises qui investissent à l’étranger.
Les investisseurs chinois n’ont pas élaboré de représentations sociales spécifiques aux occasions d’affaires des régions arctiques. Leur raisonnement en termes de rentabilité économique souligne qu’en dépit des ressources physiques de grande qualité, de l’environnement politique stable et du climat d’affaires compétitif dans ces trois territoires arctiques, la chute actuelle des prix des ressources sur les marchés mondiaux augmente considérablement le coût de la conduite de leurs affaires dans le Nord.
Appendices
Annexe
Annexe 1 Liste des acteurs chinois ayant participés à l’enquête
Notes biographiques
Pierre-Louis Têtu est doctorant en sciences géographiques à l’Université Laval. Ses recherches portent principalement sur les aspects géopolitiques et géoéconomiques dans l’Arctique, mais il s’intéresse également aux enjeux sécuritaires, économiques, politiques et environnementaux internationaux. Membre étudiant du Conseil québécois d’études géopolitiques (CQEG) et de l’Institut Hydro-Québec en Environnement, Développement et Société (IEDS), il est détenteur d’une maîtrise de recherche en géographie de l’Université Laval. Il a publié quelques articles portant sur les stratégies d’approvisionnement en matières premières de la Chine, ainsi que sur l’activité extractive dans l’Arctique.
Frédéric Lasserre a travaillé comme consultant à l’Observatoire Européen de Géopolitique (OEG, Lyon) sur les transformations politiques et économiques de l’Europe Centrale et Orientale, puis comme conseiller en affaires internationales au ministère québécois de l’Industrie et du Commerce, puis au sein d’Investissement Québec. Il est professeur depuis 2001 au Département de géographie de l’Université Laval, et chercheur à l’Institut québécois des Hautes études internationales (HEI) ainsi qu’à l’Institut Hydro-Québec en Environnement, Développement et Société (IEDS). Il coordonne une équipe de recherche sur les impacts des changements climatiques sur la gouvernance de l’Arctique, en particulier en ce qui a trait à la navigation, aux ressources naturelles et aux disputes de souveraineté.
Notes
-
[1]
La liste des entreprises ayant participé à notre enquête se trouve en annexe 1. Dans l’Arctique canadien, excluant le Grand Nord québécois, il s’agit d’entreprises d’État central, de très grandes entreprises étatiques, d’entreprise d’État provincial, de banques, de représentants du gouvernement et de consultants. Dans le Grand Nord québécois, il s’agit exclusivement d’entreprises d’État central et d’entreprises d’État provincial. Au Groenland, ce sont les mêmes types d’investisseurs que dans l’Arctique canadien, à quoi s’ajoute au moins une entreprise privée.
-
[2]
Le guanxi (关系) est un réseau de relations qui se développe selon une codification très précise quand on mène une enquête sur des groupes d’acteurs chinois. Davies (1995) le définit comme « l’ensemble des interactions sociales entre les membres d’un réseau à la manière d’un jeu qui serait infiniment répété avec une série de gens qui se connaissent ».
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