Comptes rendus

Sarra-Bournet, M. (dir.), Les grands commis et les grandes missions de l’État dans l’histoire du Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2016, 292 p. (Coll. Administration publique et gouvernance)[Record]

  • Jacques Bourgault

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Le lecteur appréciera cette recension à la lumière du fait que mes travaux y sont cités et que je puis ainsi donner l’impression de manquer de neutralité. Il s’agit d’un ouvrage intéressant et utile qui servira de tremplin à d’autres publications sur cette période cruciale de notre histoire. Il n’est jamais facile de tracer une ligne de cohérence à travers les productions diversifiées d’un colloque, comme c’est le cas pour celui (tenu en 2013) dont cet ouvrage résulte, et surtout de couvrir un sujet sans émettre trop de réserves. Les dix chapitres sont regroupés en cinq parties selon une division chronologique qu’a souhaitée M. Marcel Masse, ex-haut fonctionnaire et ministre important à son époque. Chaque section fait l’objet de commentaires personnels et d’ajouts de la part de hauts fonctionnaires de premier plan. C’est une décision judicieuse d’avoir confié l’introduction de l’ouvrage à James Iain Gow, auteur de la fondamentale Histoire de l’administration publique (P.U.M., 1986)et de moult articles et ouvrages sur la période post-1970. Les commentaires de Gow sur les origines modestes de l’histoire administrative en général et de celle du Québec en particulier témoignent de son érudition. Le néo-institutionnalisme historique illustre qu’il n’y a pas de rationalité dans les décisions mais plutôt des programmes et pratiques à la recherche de problèmes à résoudre. Gow fait une excellente présentation-synthèse de l’histoire administrative du Canada et de l’histoire contemporaine de la fonction publique du Québec. Son propos faisant coïncider l’avènement du managérialisme au Québec avec le programme électoral du Parti québécois (PQ) de 1976 étonne cependant. La première partie de l’ouvrage porte sur la Nouvelle-France. Marie-Ève Ouellet présente judicieusement l’intendant du Canada, numéro deux de l’administration coloniale après le gouverneur, informateur principal du Secrétaire d’État à la marine et conseiller d’État du Roi, comme un grand commis. L’intendant exerce les missions de justice, de police et d’administration des finances. Il initie peu : son rôle de récepteur des requêtes pour dédommagements le fait réagir au moyen d’ordonnances qui ont aussi une fonction régulatrice sur des questions locales, et dont l’impact est assez faible vu leur accumulation et la faiblesse des moyens de contrainte pour leur application. Le chapitre, fort utile, situe bien le contexte historique et opérationnel et présente des éléments peu connus des observateurs contemporains. Le chapitre de Geneviève Tellier propose un survol sélectif mais instructif de la gestion des finances. Elle revient sur les « échecs » (terme restant à définir) du Planning Programming Budget System, de la rationalisation des choix budgétaires et se montre peu optimiste au sujet de la gestion axée sur les résultats. S’il est vrai que les recettes précises n’ont pas survécu, la culture en a durablement marqué les gestionnaires publics. Commentant la première partie, Yves Martin met à profit son expérience en rappelant la distinction entre l’intendant et le gouverneur, et suggère qu’au fil des ans la distance s’est creusée entre hauts fonctionnaires et ministres. Il note une coloration politique importante des départs et arrivées à la haute fonction publique depuis 1970. M. Martin semble redouter une possible symbiose toxique entre la crainte et la complaisance car chacun, ministre et haut fonctionnaire, a un rôle distinct à tenir. Placée dans la deuxième partie de l’ouvrage, qui porte sur les grands commis, la contribution de Claude Couture traite surtout de l’homme public Étienne Parent et de ses idées politiques. De son rôle de grand commis au Québec ou au Canada, il n’est que peu question car il aurait laissé peu de réalisations dans le cadre de ses fonctions. Le chapitre suit longuement les pistes de la généalogie, des fratries et des réseaux politiques, …

Appendices