Note critique

Le Canada français au prisme de l’histoire et du politiqueJean-François Caron et Marcel Martel (dir.) , Le Canada français et la Confédération. Fondements et bilan critique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2016, 188 p.Jean-François Laniel et Joseph Yvon Thériault (dir.) , Retour sur les États généraux du Canada français. Continuités et ruptures d’un projet national, Québec, « Politeia », Presses de l’Université du Québec, 2016, 428 p.[Record]

  • Frédéric Boily

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Aux yeux de plusieurs, le Canada français demeure synonyme de catholicisme traditionnel et de survivance culturelle, c’est-à-dire qu'il donne l’exemple « d’une société traditionnelle appauvrie », pour reprendre les termes de Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot qui s’insurgeaient contre l’interprétation voulant que le Québec canadien-français d’avant 1960 était en retard sur la modernité (Paquet et Wallot, 2007, p. 678). Les deux ouvrages ici analysés, et qui regroupent des chercheurs parvenus à différents stades de leur carrière, montrent pourtant qu’il y a un intérêt, qui n’est pas seulement historique, à examiner le Canada français d’un regard moins négatif et en dépassant la dichotomie entre société traditionnelle et société moderne. L’examen du Canada français peut s’effectuer à partir d’un angle historique, mais aussi démographique et sociologique, ou encore en mettant l’accent sur le moment de passage où le Canada français se métamorphose ‒ ou se décompose, diront d’autres ‒ en autant de francophonies qu’il y a de provinces, avec une grande importance accordée à la dimension juridique des luttes pour la langue et la reconnaissance des écoles. Précisons cependant que, dans les deux collectifs ici analysés, des facettes ont été laissées dans l’ombre, notamment celle de l’économie. En fait, la tonalité générale des deux ouvrages est celle de l’histoire des idées plutôt que de l’histoire sociale ou économique. Le collectif dirigé par Jean-François Caron et Marcel Martel, résultat d’un colloque tenu à l’Université de Moncton, regroupe des contributions qui examinent principalement, quoique pas exclusivement, le Canada français à l’époque de la confédération. Quant au collectif de Jean-François Laniel et de Joseph Yvon Thériault, il se situe en aval du premier puisqu’il s’intéresse aux États généraux qui sont venus clore l’expérience canadienne-française, encore que les auteurs ne s’entendent pas toujours sur la nature de ce moment, nous y reviendrons. À eux deux, ces ouvrages offrent donc une vue d’ensemble de ces cent ans où on parlait du Canada français, en n’excluant pas de s’interroger sur les années post-1967. De notre lecture des deux ouvrages ressortent les dimensions de la nation et du politique ainsi que du rapport avec le Québec, permettant ainsi d’examiner ensemble la grande majorité des textes composant les deux collectifs. Toute la question consiste à savoir si le Canada français possédait vraiment ce principe d’unité nationale qui lui était prêté ou s’il ne s’agissait pas, au fond, d’une commodité de langage qui, pour le bénéfice de l’élite cléricale, désignait un ensemble de francophones n’ayant pas vraiment conscience de lui-même et qui ne formera une communauté imaginée, au sens où l’entendait un théoricien du nationalisme (Anderson, 1996), qu’après 1867. D’ailleurs, quelle était la place des francophones hors Québec au sein de la confédération? Mineure, répond l’historien Marcel Martel, puisque les constituants étaient peu préoccupés par le sort des francophones en milieu minoritaire (p. 63). En fait, « le Canada français, c’est avant tout le Québec » (p. 66), ce dernier étant le véritable horizon de la référence nationale, pour emprunter au vocabulaire de Fernand Dumont. Dans son chapitre du Canada français et la confédération, Marcel Martel avance que si les Canadiens français n’étaient pas absents des débats, ils n’en demeuraient pas moins en périphérie, éclipsés par les questions politiques ou économiques qui accaparaient les fondateurs. En effet, les Pères de la confédération discutaient surtout du régime à adopter et des États-Unis lorsqu’ils parlaient de minorités, celles-ci étaient comprises en un sens plutôt étroit, c’est-à-dire religieux (catholiques et protestants). On pourrait cependant rétorquer que si la dimension religieuse prédominait, celles de la culture et de la langue permettaient tout de même de parler d’un ensemble national. Or, …

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