Comptes rendus

Lionel Meney, Le français québécois entre réalité et idéologie : Un autre regard sur la langue, étude sociolinguistique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2017, 635 p.[Record]

  • Monelle Guertin

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La préface d’Yves Laberge annonce les contours conceptuels de la notion d’idéologie exploitée dans l’ouvrage de Lionel Meney. Ici, l’idéologie se matérialise non seulement dans un point de vue subjectif qui ignore la distinction entre les faits, les intérêts et les opinions de l’observateur, mais aussi dans la croyance ou la certitude que le discours qui en découle est empreint d’objectivité et en tout point « conforme à la réalité » (p. xvi). Dans ce livre, Meney affirme que le choix d’inclure des traits endogènes dans l’élaboration d’une norme linguistique au Québec serait maladroitement et strictement idéologique. Une option selon lui portée par les linguistes endogénistes nationalistes « populistes », bannière sous laquelle il range notamment le linguiste Claude Poirier (p. 576), aveuglés par le concept de variation sociolinguistique (p. 379) et qui se contenteraient de calculer des pourcentages (p. 381). Il entend dès lors fournir au lecteur la preuve, irréfutable, basée sur une simple observation des faits, « sans a priori » (p. 381), que la norme du français québécois (FQ) est et doit être exogène. Les premiers chapitres fournissent une description qui se voudrait objective du FQ « typique » (phonétique, morphologie, syntaxe et lexique), mais qui, déjà, souffre de plusieurs maux. Le ton est donné, d’abord, par l’absence de toute référence à une quelconque base empirique pour les nombreuses déclarations dont l’ouvrage, page après page, est parsemé, soutenant que dans le FQ, « il n’est pas rare que… », « on observe souvent… », et « on exploite beaucoup… ». La méthode « to the best of my knowledge » (p. 6), admise par l’auteur, donne ce qu’elle peut. Ainsi, on lit que le FQ typique serait caractérisé par : « 1) des modifications de voyelles; 2) des apparitions de voyelles ou de consonnes intercalaires ou épenthétiques; 3) des chutes de voyelles ou de consonnes […] » (p. 13). Trois phénomènes phonétiques communs à toutes les variétés de français, sinon à toutes les langues et non exclusifs au FQ. Toutefois, sous les termes « modifications », « apparitions » et « chutes », qu’on aurait pu expliquer au lecteur avec le concours de théories linguistiques (articulatoires, phonologiques, sociohistoriques) mais qu’on passe sous silence, pointe une attitude puriste qui se confirme au fil de la lecture : l’orientation prise ici est celle de l’idée d’une contamination et d’une déformation par rapport à une langue idéalisée, écrite, représentée dans les étiquettes de français standard (FS), de référence (FR) ou international (FI), dont on découvrira sans peine, un peu plus loin, le véritable modèle. Un passage révélateur de la vision réductrice et du biais considérable dans lesquels l’auteur est engagé évoque le « décalage » que le FQ accuserait par rapport à l’évolution du français des provinces en France, lui-même en « retard » par rapport à celle de « la langue à Paris » (p. 44). Dans cette série de listes descriptives dont les catégories sont souvent problématiques, on se surprend, par exemple, d’une incompréhension complète du phénomène d’harmonie vocalique évoqué (p. 24) et d’une confusion entre les concepts d’épenthèse, de métathèse et de liaison (p. 30, p. 37). De plus, si certains traits indiqués comme « typiques » sont partagés avec le français hexagonal et ne s’avèrent donc pas spécifiques au FQ, notamment en syntaxe (par exemple, s’agit de, suffit que, reste que sans sujet exprimé, p. 149), la plupart des variantes présentées comme étant caractéristiques du FQ sont soit de registre populaire ou familier, soit des « fautes » par rapport au FR. Les exemples, sciemment sélectionnés, viennent confirmer cette propension : dans une majorité de cas, …

Appendices