Note critique

Panorama de la vie intellectuelle au QuébecYvan Lamonde, Marie-Andrée Bergeron, Michel Lacroix et Jonathan Livernois, Les intellectuel.les au Québec. Une brève histoire, Montréal, Del Busso, 2015,159 p.Yvan Lamonde, Marie-Andrée Bergeron, Michel Lacroix et Jonathan Livernois (dir.), Dictionnaire des intellectuel.les au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2017, 345 p.[Record]

  • Andrée Fortin

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Yvan Lamonde, Marie-Andrée Bergeron, Michel Lacroix et Jonathan Livernois ont récemment offert un panorama de la vie intellectuelle au Québec. Ils proposent deux entrées, la première historique et la seconde alphabétique, pour tracer ce portrait. Les deux livres renvoient implicitement l’un à l’autre, la Brève histoire ayant sans doute présidé au choix des personnes à inclure dans le Dictionnaire et servant à mieux situer les susmentionnées personnes dans une trajectoire historique, alors que le Dictionnaire se focalise sur les idées et les actions de plus d’une centaine de figures emblématiques. La Brève histoire va à l’essentiel, et tous ceux et celles qui figurent dans le Dictionnaire méritent d’y être. Ces travaux sont riches d’enseignements sur les intellectuel.les, bien sûr, mais aussi sur le Québec en général, sur son histoire et sur la situation actuelle. C’est ce que je vais essayer de montrer ici. Si la rédaction de Recherches sociographiques m’a confié la lecture de ces ouvrages, c’est parce que je me suis déjà penchée sur l’histoire des intellectuel.les au Québec, autrement, il y a déjà 25 ans (Passage de la modernité. Les intellectuels québécois et leurs revues, 1993). J’ai ainsi lu les deux livres avec grand intérêt, avec plaisir même, mais aussi avec plusieurs questions en tête, liées non tant à mon propre livre susmentionné, qu’à mon genre, à mon âge (plus jeune que Lamonde, je suis aussi plus âgée que ses collaborateurs) et à ma formation de sociologue (Lamonde étant historien et ses trois collaborateurs, spécialistes de la littérature). Commençons par le commencement. Qu’est-ce donc que l’intellectuel.le ? L’orthographe inclusive indique déjà qu’il peut s’agir d’hommes ou de femmes. La Brève histoire pose au départ la définition suivante : « homme et femme de discours critique, médiatisé et porteur d’idées nouvelles » (p. 8), ce qui ne préjuge pas si les idées nouvelles seront « de gauche » ou conservatrices; la conclusion débouche sur des éléments caractérisant l’action intellectuelle, synthétisés comme suit dans le Dictionnaire : il ou elle C’est ainsi que le Dictionnaire comprend 137 entrées, dont quelques-unes portent sur des périodiques et des institutions; en arrondissant un peu, il y a quelque 90 hommes, un peu plus de 20 femmes, 15 revues, trois associations essentiellement masculines : l’Institut canadien de Montréal, le Centre catholique des intellectuels canadiens et l’École de Montréal (école historique), et deux regroupements de femmes : les « femmes du XIXe siècle » et les suffragistes. Il y a enfin une entrée sur l’anti-intellectualisme. Plusieurs ont eu recours, surtout au XIXe siècle et au début du XXe, à des pseudonymes pour défendre leurs positions face aux foudres de la censure ou de l’opinion publique; c’est ainsi que des femmes ont utilisé des noms masculins pour que leur parole, portant sur d’autres thèmes que la condition des femmes, soit entendue. Par ailleurs quand Robertine Barry, dans les années 1890, signe Françoise et Anne-Marie Gleason-Huguenin, à partir de 1900, signe Madeleine, ces noms de plume ne leur servent pas à se cacher. Un des derniers à avoir eu recours à un pseudonyme ou nom de plume est Jean Basile qui, dans Mainmise, au début des années 1970, signe Pénélope. Certains intellectuels ont oeuvré dans la sphère universitaire, comme Michel Freitag ou Jocelyn Létourneau, alors que d’autres, comme Michel Chartrand, sont essentiellement connus comme orateurs. Nombre d’entre eux sont polygraphes, c’est-à-dire ont pratiqué plusieurs formes d’écriture : romans, poésie, essais, articles de journaux, chroniques; si cela était plus répandu au XIXe siècle, c’est encore le cas au XXe, notamment chez les femmes, pensons seulement à Nicole Brossard …

Appendices