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Selon la définition la plus répandue de la haute qualification, celle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (1995), la haute qualification réside dans des secteurs associés à la haute technologie et aux technologies de l’information et des communications (TIC), ou les emplois requérant une formation postsecondaire[2]. Des banques de données nationales et internationales mesurent les fluctuations de cette « haute qualification » à partir des métiers associés à ces critères. On y analyse ainsi l’évolution, le taux d’activité, la répartition par secteurs, les départs à la retraite, etc. L’objectif de cet article est de montrer que cette définition et l’analyse qui en découle faussent le portrait des travailleurs hautement qualifiés, à plusieurs égards.

En effet, cette définition de la haute qualification fait abstraction des processus sociaux, historiques et culturels dont elle dépend (Knorr-Cetina, 1998). Notre propos consiste à montrer que cette définition induit une double erreur, soit celle d’exclure d’importantes catégories de travailleurs hautement qualifiés, et celle d’inclure des travailleurs qui ne sont pas hautement qualifiés. Nous nous concentrerons ici sur le premier aspect de ce problème de définition en montrant, à l’aide d’une enquête de terrain, que plusieurs travailleurs hautement qualifiés ne sont pas reconnus comme tels. Nous souhaitons ainsi participer au débat sur le recadrage de la notion de qualification en tenant compte des mutations contemporaines du monde du travail, de sa complexité et de sa diversification.

Pour ce faire, nous considérons la haute qualification comme la résultante de compétences à plusieurs dimensions, situées dans un contexte d’entreprise, combinant des savoirs d’ordres différents[3], et évoluant dans le temps. Notre perspective ethnographique nous amènera à voir comment la haute qualification prend forme dans l’exercice de divers métiers et dans quel contexte elle s’inscrit.

Nous reviendrons d’abord brièvement sur la notion de qualification et les logiques qui sous-tendent ses différentes définitions. Nous préciserons alors certains concepts qui lui sont rattachés, tels que types de savoirs et compétences. Notre analyse portera ensuite sur des études de cas de six métiers, chacune étant constituée d’entrevues semi-dirigées et d’observations en entreprises, avec des travailleurs et des superviseurs ou cadres, ainsi que des responsables d’organismes publics de soutien sectoriel au développement de la main-d’oeuvre. L’analyse s’appuie sur la notion des mondes de production (Salais et Storper, 1993), qui nous servira de cadre pour proposer une nouvelle définition de la haute qualification, davantage arrimée aux contextes de travail.

La notion de qualification, une question de définition

La notion de qualification est particulièrement difficile à définir conceptuellement et empiriquement (Lallement, 2007 ; Mounier, 2004 ; Oiry, 2005 ; Oiry et Iribarne, 2001). Ce flou découle de débats théoriques à propos des liens entre les notions de qualification et de compétence, de variations selon différents modes d’organisations et d’activités professionnelles, ainsi que de l’insertion de la haute qualification dans le discours sur l’économie du savoir. Les usages dominants des notions de qualification, d’économie du savoir ou de compétence consacrent, d’une part, l’exclusion de certaines catégories de travailleurs, non associés aux critères retenus dans ces usages dominants, et d’autre part, l’inclusion parfois abusive de catégories de travailleurs, essentiellement à cause de leur recours à de hautes technologies. La haute qualification de ces catégories de travailleurs, tout comme leur association à « l’économie du savoir », devrait être remise en question. Toutefois, comme mentionné plus haut, nous laisserons de côté ces catégories de travailleurs considérées à tort comme étant hautement qualifiés, pour nous concentrer sur les catégories exclues.

Le discours dominant sur l’économie du savoir[4], illustré notamment par des travaux de l’OCDE (1995, 2001a, 2001b), fait l’impasse sur des aspects importants et souvent négligés de la qualification (Shalla et Clement, 2007 ; Grugulis, Warhurst et Keep, 2004)[5]. Les processus associés aux transformations contemporaines des mondes de production (Salais et Storper, 1993) bouleversent les contextes de travail, les qualifications requises et l’importance de l’apprentissage continu. En effet, on constate l’existence d’une diversité de modes d’apprentissage et de formes de savoirs appliqués en milieu de travail, dont certains ne sont pas associés à l’économie du savoir, telle que présentée par ce discours dominant. Il en résulte dans certains cas une surestimation de l’utilisation du savoir et ailleurs, une sous-utilisation de l’application des savoirs détenus par les travailleurs, de par leur formation initiale ou en cours d’emploi. La section qui suit décrit plus précisément cette double erreur.

Surestimation des titres et sous-utilisation de l’application des savoirs

La haute qualification est présente dans plusieurs secteurs même si elle n’est pas toujours sanctionnée par un diplôme postsecondaire et n’implique pas toujours l’utilisation de technologies de l’information et de la communication (TIC). Étant donné les définitions courantes de la haute qualification, ces formes de haute qualification ne sont donc pas nécessairement reconnues. Les écrits sur la gestion des savoirs (knowledge management) – l’organisation et la gestion flexible – ont contribué à ce manque de reconnaissance (Livingstone et Scholtz, 2007 ; Thompson, Warhurst et Callaghan, 2001 ; Oiry, 2005 ; Lloyd et Payne, 2004). D’un côté, ils surestiment l’ampleur de l’utilisation du savoir associé à un diplôme ; d’un autre côté, il y a simultanément une sous-utilisation de l’application des savoirs, du fait que des personnes très qualifiées sont sous-employées (Livingstone, 2001 ; Livingstone et Scholtz, 2007 ; The Economist, 2010). Au Québec en 2007, un travailleur sur quatre (27,2 %) occupait un emploi pour lequel il était surqualifié (Gagnon, 2008).

Les deux processus, soit la surestimation de l’utilisation du savoir et la sous-utilisation de l’application des savoirs (équivalant à une surqualification des travailleurs), s’expliquent de plusieurs manières. D’abord, dans l’économie du savoir, la notion même de savoir est problématique, car il n’y a pas de définition claire de l’usage et de la définition du savoir dans les entreprises, malgré des efforts de systématisation (Nonaka et Takeuchi, 1997). Du reste, une telle systématisation a des limites, particulièrement en ce qui concerne la formalisation des savoirs tacites (Balconi, 2002 ; Lejeune, 2005). Le discours sur l’économie du savoir soutient que l’importance accrue des secteurs de service et des technologies de l’information et des communications (TIC) se traduirait par une augmentation des besoins en « travailleurs du savoir » (Thompson, Warhurst et Callaghan, 2001 ; Grugulis, Warhurst et Keep, 2004). Cette équation – expansion des services = TIC = expansion des savoirs – bien que fondée dans certains cas, n’est pas généralisable. Les secteurs des services font souvent appel à des gens peu qualifiés pour des tâches routinières. Il faut donc nuancer ces propos quant au rôle des savoirs dans l’économie, qui gomment d’importantes variations par secteurs d’activités (Keep, Mayhew et Payne, 2006 ; Thompson, Warhurst et Callaghan, 2001 ; Warhurst et Thompson, 2006). Cette surestimation de l’utilisation du savoir, doublée d’une sous-utilisation de son application, est d’ailleurs un des éléments que nous tentons d’illustrer à travers notre travail de terrain. Tournons-nous maintenant vers les modes d’apprentissage en milieu de travail et les savoirs utilisés dans ces contextes, afin d’illustrer le problème que pose le discours dominant sur la haute qualification.

Pluralité des modes d’apprentissages et des formes de savoirs

Il existe plusieurs modes d’apprentissages (Livingstone, 2001 ; Mounier, 2004 ; Lejeune, 2005) et formes de savoirs (formels, informels formalisables et informels tacites) (Lejeune, 2005 ; Hart, Gamache et Lejeune, 2005), appliqués dans différents lieux et contextes de travail, selon la capacité d’action stratégique des acteurs et l’importance de leurs positions stratégiques dans les organisations. C’est ce que met en évidence la sociologie du travail et des organisations, qui a également alimenté de nombreux travaux portant sur les reconfigurations du monde du travail depuis les années 1990 (Benner, 2002 ; David et Foray, 2002 ; Dubé et Mercure, 1999 ; Foray, 2009 ; Stehr, 2000).

Les caractéristiques centrales du travail dans l’économie du savoir découlent d’un corpus de savoirs théoriques (spécialisés et abstraits) utilisés pour innover tant du côté des produits que des processus (Warhurst et Thompson, 2006). Si ces définitions sont utiles pour décrire des travailleurs dans des secteurs bien circonscrits, elles n’englobent qu’une minorité des personnes impliquées dans l’économie en général et dans le discours de l’économie du savoir en particulier. Ainsi, les secteurs clés de croissance des services ne seraient pas liés aux « travailleurs du savoir », mais plutôt à des emplois requérant peu de compétences et de savoirs (Thompson, Warhurst et Callaghan, 2001 ; Keep et Mayhew, 1999).

Plusieurs auteurs soulignent une inflation des termes ou une transformation des titres (Bourdieu et Boltanski, 1975 ; Bourdieu, 1994 ; Reich, 1993) et une inflation correspondante des qualifications (Frenkelet al., 1999). Ainsi, l’augmentation des taux de « travailleurs du savoir » repose en partie sur cette accumulation de diplômes (credentialism). Par exemple en Angleterre, Purcellet al. (2003) ont montré que dans les statistiques sur l’évolution de la main-d’oeuvre hautement qualifiée, les indicateurs surestiment la croissance de cette main-d’oeuvre. Ce phénomène s’est également traduit par l’occupation d’emplois par des jeunes gradués, plutôt que des emplois pour jeunes gradués (Purcell, Wilton et Elias, 2003). Ce sont là les distorsions qu’engendrent de grands indicateurs qui prétendent suivre l’évolution de la « haute » qualification (OCDE 1995, repris par exemple par Statistique Canada – voir McKenzie, 2007). Par exemple, l’exercice de métiers manufacturiers demande souvent de plus en plus de qualification, les tâches s’étant complexifiées dans le cadre du « juste à temps », à travers l’importance accrue des relations directes avec le client, la production à haute valeur ajoutée, le travail en cellules ou en modules, etc. Cependant, ces métiers sont exclus des compilations servant à construire les indicateurs qui servent de barèmes aux indicateurs sur la haute qualification. La mise en place de dispositifs nationaux de qualification tels que les National vocational qualifications (NVQ) au Royaume-Uni (Grugulis, 2000) vise justement à donner une seconde chance à ces exclus de la haute qualification « officielle », délaissés parce que « hors technologies » ou « hors diplômes postsecondaires ».

Pour conclure, les paramètres utilisés pour définir la haute qualification ne tiennent pas compte des nombreux problèmes découlant de catégories trop larges et de contextes très variés. De plus, d’importantes variations associées aux réalités irréductiblement hétérogènes des savoirs, des compétences et des qualifications sont oubliées. La notion de haute qualification ne concerne qu’une partie des travailleurs hautement qualifiés, celle associée à sa définition classique (sanctionnée par le diplôme) ; de plus elle inclut des travailleurs dont la haute qualification est discutable. Il faut donc proposer des critères plus clairs de la haute qualification, tenant compte des contextes de travail.

La qualification en tant que processus multidimensionnel

La qualification se définit à partir de deux angles d’approches[6] (Mounier, 2003, 2004 ; Berton, 2006 ; Charlieret al., 2003), qui ont été à la source d’innombrables débats en sociologie du travail, les approches substantiviste et subjectiviste des qualifications.

Or, ces deux définitions ne sont pas incompatibles, comme l’a illustré Berton (2006), soulignant les dimensions organisationnelles de l’approche subjectiviste et les dimensions individuelles de l’approche substantiviste. En s’interrogeant sur la production sociale des frontières de la qualification, Charlieret al. (2003) soulignent que la qualification exprime « un certain rapport entre qualités des personnes, situations de travail et formes d’emplois ». Ceci nous amène à souligner, en suivant Mounier (2003, 2004), trois composantes subsumées par la notion de qualification. Voyons les trois logiques traversant les débats sur la qualification.

La logique technique « relative à l’organisation technologique du procès de travail (processus, machines et outils, nature du service) » (Mounier, 2004, p. 4) relève souvent du point de vue de l’employeur sur la conception du poste de travail et le cahier des charges, ainsi que parfois sur les qualités requises. C’est à partir de cette logique technique que les discussions ont porté sur les modes de production et leur impact sur la main-d’oeuvre, en particulier le « juste à temps » et les procédés d’amélioration continue.

La logique comportementale peut être décrite en trois points. D’abord, elle exprime « la nature du travail par la transformation de la structure sectorielle des activités » (Mounier, 2004, p. 5). Ensuite, elle reflète les questions de l’organisation du travail. Enfin, et c’est un point important, la logique comportementale est au fondement d’une surenchère des qualifications qui s’est « traduite par un glissement sémantique du terme qualification […] vers celui de compétence qui désigne les attributs personnels des qualifications » (Mounier, 2004, p. 5). Un métier situé dans une chaîne de montage demande généralement moins de qualifications découlant de cette composante comportementale que, par exemple, celui d’un employé dans un secteur des services, ayant à promouvoir le produit ou le service offert auprès d’une clientèle. Ces distinctions sont cependant moins marquées aujourd’hui ; la production lean, le « juste à temps » et les plus petites commandes ont fait « descendre » dans les unités de production un souci de s’adapter aux demandes des clients. Cette attention était moins présente lorsque les entreprises opéraient selon le mode de production fordiste.

La logique cognitive découle du niveau et du type d’éducation et de formation, donc des savoirs acquis en milieu scolaire, en formation continue ou par une combinaison des deux. Cette logique est particulièrement importante car elle permet de mieux saisir les liens entre qualification et compétence d’une part et entre compétences et types de savoirs d’autre part. La logique cognitive « reflète les formes d’acquisition des savoir-faire […] des qualités techniques et comportementales requises dans un poste de travail » (Mounier, 2004, p. 5). Cette logique cognitive permet de renforcer les deux précédentes grâce à :

l’apprentissage du raisonnement et des méthodes de résolution de problèmes, et la transmission d’une culture scientifique, technique, économique et sociale. Il est clair que l’acquisition par l’éducation de ces savoirs facilite l’acquisition des composantes techniques et comportementales des qualifications dans la mesure où la compréhension et le sens donné aux règles et aux procédures, aux tenants et aboutissants des technologies et de l’organisation de la production facilitent leur apprentissage et le cas échéant leur adaptation à des modifications de contexte (Mounier, 2004, p. 6).

La combinaison de ces trois logiques contribue à structurer la définition, à un moment et un endroit donnés, de ce qu’est une qualification. La qualification demande un temps d’apprentissage : « une expérience ou une connaissance théorique doit toujours être forgée à nouveau dans le contexte chaque fois singulier d’un travail » (Mounier, 2004, p. 8). C’est dans cette démarche que se forgent les « qualifications utiles » (Hétu, 1991) ; aussi les analyses de la qualification comportent une faille majeure lorsqu’elles n’intègrent pas la variable temporelle (Livingstone et Scholtz, 2007). L’acquisition d’une qualification dépend à la fois du milieu de travail, du temps d’apprentissage et du degré de complexité des savoirs. Cela signifie aussi généralement que plus la main-d’oeuvre est flexible, dans un contexte de changements technologiques rapides, plus le temps de reconversion dans un nouveau poste ou une nouvelle fonction s’accroît (Mounier, 2004).

Ces dimensions de la qualification suggèrent la pertinence de considérer la haute qualification comme un processus spécifique au milieu de travail, qui se fonde sur les modes d’apprentissage et d’acquisition de compétence ayant cours en entreprise.

On assiste, à partir des années 1980, au déplacement de la notion de qualification vers celle de compétence (Zarifian, 2001 ; Oiry et d’Iribarne, 2001 ; Lallement, 2007). Reflet de changements sociaux et politiques touchant notamment les univers de travail, le terme compétence est venu complexifier les débats sur la qualification (Oiry, 2005). Il s’agit du « retour du travail dans le travailleur » (Zarifian, 2006, p. 1) : « La qualification bascule du côté des personnes et le travail est alors la réalisation, ou la maîtrise, ou la mise en oeuvre d’une compétence. On est compétent par rapport à une situation » (Zarifian, 2006, p. 2). Autrement dit, la distinction entre le travailleur et le poste de travail n’a plus lieu d’être. Ce retour vers l’individu semble important dans les écrits sur la compétence ; la haute qualification s’y traduit (entre autres) par les compétences individuelles ou une combinatoire de compétences (Le Boterf, 2003), où l’événement et l’expérience (Zarifian, 2006) jouent un rôle prépondérant. L’événement fait référence à des incidents qui surgissent dans le processus de travail (contrôle de qualité, panne, etc.), faisant appel à l’initiative et à la prise en compte du contexte. Il met donc en oeuvre une forme d’autonomie dans le processus de décision par rapport à la tâche. Quant à l’expérience, deux points importants la distinguent : 1) l’expérience de métier, concernant « le transfert des savoir-faire au sein d’un milieu de métier, c’est-à-dire la transmission et l’acquisition par la pratique du savoir-faire du métier » ; 2) le retour sur l’initiative, où « l’expérience est alors une sorte de retour à travers un certain nombre d’initiatives (éventuellement d’échecs), et à partir desquelles je réfléchis sur une meilleure façon de travailler, de m’y prendre » (Zarifian, 2006, p. 1). Cette expérience est étroitement reliée à l’événement.

Les conceptualisations de la qualification en font ressortir la multi-dimensionnalité, que l’on parle d’un triangle de la qualification (Charlier et al., 2003), des trois logiques de la qualification (Mounier 2003, 2004) ou d’une combinatoire événements-expériences chez Zarifian (2006). En retenant à la suite de ces auteurs l’idée d’une nécessaire pluralité des savoirs et de compétences constitutifs à la haute qualification, nous parlerons donc d’une combinaison de savoirs d’ordres différents (formels, informels formalisables, tacites) et dynamique, comme d’un facteur crucial permettant de cerner des travailleurs hautement qualifiés, et dont les qualifications sont en lien avec leur contexte de travail. La présence de divers registres de savoirs montre donc les ramifications de la haute qualification, ses liens avec le contexte de travail et sa construction sociohistorique, des éléments que nous avons identifiés comme étant au coeur de la notion de qualification.

Nous pouvons donc appréhender la haute qualification comme un processus dynamique qui s’appuie sur trois logiques : technique, comportementale et cognitive, comme mentionné plus haut (Mounier, 2003 et 2004). Le terme de « logique » véhicule une approche dynamique qui peut inclure plusieurs dimensions de la haute qualification. Deuxièmement, la notion de processus rappelle que la haute qualification n’est pas figée dans le temps et relève d’un apprentissage constant (Livingstone et Scholtz, 2007, p. 134).

Ce qui nous amène, troisièmement, à penser la haute qualification à partir de l’expérience, donc de capacités réflexives (Le Boterf, 2003) et de l’événement (Zarifian, 2001). Quatrièmement, les combinatoires de compétences déclinées en termes de savoir en action (Le Boterf, 2003) sont importantes et nous permettent de mettre en évidence, notamment dans les enquêtes de terrain, les différentes combinaisons de savoir, en particulier les savoirs tacites, qui se traduisent souvent par des métaphores (Lejeune, 2005) et les savoirs être qui se traduisent en termes de disposition. Cinquièmement, la conception de la haute qualification en tant que processus dynamique nous permet de prendre en compte la dimension organisationnelle de la haute qualification et les logiques de production. Nous devons aussi tenir compte de ce que le savoir et les compétences se forment dans des contextes sociaux plus larges. Autrement dit, il faut incorporer dans la définition de la haute qualification une vision critique qui inclut à la fois l’économie politique et des enquêtes de terrain, minutieuses, sur les pratiques en entreprise. Une telle approche contribuerait à combler les lacunes et contourner les problèmes posés par la définition de la haute qualification retenue par l’OCDE (1995) et reprise, comme nous l’avons mentionné, par Statistique Canada (McKenzie, 2007).

Chimistes, géologues, tisserands… : mondes de production et haute qualification

Nous présentons ici six études de cas exploratoires, menées dans le cadre d’une recherche sur la haute qualification en contexte de travail au Québec, en 2007-2008[7]. Les métiers ont été retenus en fonction des critères suivants : a) des métiers de secteurs manufacturiers de production ou de transport ; b) des métiers marqués par un vieillissement et donc, une rareté[8] au moins appréhendée, sinon avérée ; c) l’ensemble des métiers devait présenter une diversité entre ceux avec ou sans formation initiale postsecondaire ; d) des métiers présents en PME, et e) des métiers relativement importants, c’est-à-dire ni marginaux ni en voie de disparition. Dans le cadre de cet article, nous examinons les six métiers suivants : chimiste, géologue, mineur, peintre automobile, débosseleur et tisserand. Nos données ont été recueillies lors de 27 entrevues semi-dirigées, d’abord avec des informateurs clés (11 entrevues) puis dans six PME québécoises, avec des travailleurs (10 entrevues) et leurs superviseurs (6 entrevues). Des informations complémentaires ont été colligées par la consultation de documents de l’entreprise (sur papiers, site Internet) et l’observation des lieux et de l’organisation du travail.

Notre analyse s’inspire de l’étude de Salais et Storper (1993) sur les mondes de production, qui insiste sur l’importance du contexte de travail, de l’entreprise et du secteur économique dans lequel elle s’insère. Ce cadre permet d’articuler, dans l’analyse de l’activité économique, l’identité du producteur et du demandeur du produit, et l’activité économique y apparaît comme le fruit d’une coordination, aux dimensions implicites et explicites, autour d’un certain niveau de qualité, composant avec certaines règles et normes de production et de consommation, ces niveaux de qualité, règles et normes variant selon la nature et la fonction du produit (Salais et Storper, 1993). Essentiellement, ce sont les caractéristiques du produit qui structurent les mondes de production, où prédominent divers types de produits (génériques ou spécialisés) faits à partir de ressources standardisées ou spécialisées et répondant aux demandes de divers types de « clients ». Afin de réduire les incertitudes, les acteurs économiques adoptent, de façon tacite, un cadre commun d’interprétation, ou « monde de production », adapté aux caractéristiques du produit, des travailleurs et des secteurs du marché concernés. Cette approche amène Salais et Storper (1993) à proposer une typologie à quatre cases, croisant différents schèmes de coordination entre producteurs et demandeurs du produit. Nous avons repris et adapté cette typologie pour décrire les métiers analysés par le croisement de deux conventions de qualité (optimale ou maximale) avec trois types de normes de qualité (pour les travailleurs surtout, pour les travailleurs et le public, pour le public surtout), ce qui mène au tableau 1.

Tableau 1

Distribution de la haute qualification en fonction des mondes de production

Distribution de la haute qualification en fonction des mondes de production

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La trame de plus en plus foncée vers le bas et la droite du tableau reflète le plus grand nombre de dimensions et la complexité croissante entrant en jeu dans la haute qualification. La distinction entre qualité optimale et maximale peut être associée à l’importance de la sécurité du public dans la nature du produit. C’est pourquoi on ne retrouve aucun métier dans le quadrant supérieur droit. Ailleurs, le facteur discriminant sera l’organisation de la production.

Examinons maintenant de plus près les particularités des six métiers (chimiste, géologue, mineur, peintre automobile, débosseleur et tisserand). En matière de qualification initiale, le métier de chimiste exige un diplôme universitaire. Toutefois, c’est en examinant les caractéristiques de ce monde de production que les principales dimensions de la haute qualification ressortent. Ces dimensions sont notamment reliées à l’expertise accumulée au fil des ans dans le cadre du métier et du secteur. Dans la conduite quotidienne de son travail, le chimiste doit respecter une grande diversité de normes. En plus de la santé et la sécurité au travail, ces normes visent surtout à assurer la sécurité du public. Dans une PME du secteur de la chimie fabriquant des produits naturels à partir de plantes, il est ainsi nécessaire de garantir l’innocuité des produits par l’absence d’erreur. À cet effet, un ensemble de règles imposées par Santé Canada doivent être respectées par les travailleurs. Le respect intégral de ces règles est absolument vital pour l’entreprise, régulièrement auditée à ce sujet. Conséquemment, l’obtention de contrats par l’entreprise est liée à cette certification, qui exige un suivi rigoureux dans tous les processus de travail. Ceci inclut l’assurance qu’en amont de l’entreprise, ses propres fournisseurs respectent eux aussi ces règles. Dans ce contexte, la haute qualification est non seulement associée aux compétences assurant le respect de ces règles, mais surtout à la maîtrise des processus nécessaires à cet égard. Cette maîtrise permet d’assurer cet aspect normatif de façon relativement simplifiée, de sorte que l’attention puisse être portée à l’essentiel des tâches qui, souvent, portent sur la résolution de problèmes faisant irruption dans les procédés de production. On retrouve ici les notions d’expérience et d’événement : l’expérience permet de centrer l’attention sur les événements dont l’occurrence vient en retour nourrir l’expérience, etc. Il y a un apprentissage continu des processus spécifiques à la nature du produit fabriqué, au créneau de l’entreprise et à ses relations avec ses clients (plus ou moins diversifiés, des commandes plus « en vrac » versus des commandes plus réduites, etc.). Ce respect constant des normes de sécurité, garantissant l’absence d’erreurs, auxquels s’ajoute l’expérience du métier qui permet de résoudre rapidement des problèmes, assure le maintien du niveau de qualité maximale, nécessaire au travail de chimiste.

Tournons-nous vers les métiers de géologue, de mineur et de peintre automobile, que nous avons placés au niveau optimal de qualité. De par les caractéristiques de leurs mondes de production, ces travailleurs composent entre un idéal de qualité maximale et les impératifs de rentabilité et d’efficacité des opérations, afin de fournir un produit de qualité optimale, avec des moyens (relativement) limités. Le mineur voit principalement au respect de normes de sécurité pour lui-même et ses collègues. Ce respect est une dimension contraignante de sa productivité, qui par ailleurs est rétribuée par des primes au rendement. C’est pourquoi aussi le travail du mineur hautement qualifié correspond à une qualité optimale, car il optimise ses gains en composant entre ces primes de productivité et les exigences concernant sa sécurité et celle de son équipe de travail.

Le géologue hautement qualifié assure également sa sécurité et celle de ses collègues ; toutefois, l’optimisation de la qualité de son travail n’est pas autant associée à la sécurité physique que dans le cas du mineur. Ici, ressortent surtout les aspects liés au respect de règles que l’industrie minière s’est imposée pour garantir l’authenticité des informations à propos de la teneur en minerai dans les gisements miniers (voir plus bas). C’est le souci de la sécurité du public, avec ses conséquences juridiques et financières (pour l’entreprise comme pour le public, en particulier les investisseurs), qui inclut aussi une plus grande complexité inhérente à la tâche (interprétations croisées des cartes, des données géologiques et des résultats des carottes) que chez le mineur hautement qualifié. De plus, le géologue « pondère » la qualité de son travail avec les coûts ceux notamment reliés à l’exploration. Tous ces facteurs convergent pour structurer le caractère optimal de la qualité de son travail. Dans leurs activités d’exploration, les géologues effectuent des sondages par l’extraction, par des firmes externes, de carottes à des emplacements souterrains précis. Ces activités d’exploration sont menées en fonction des connaissances de plusieurs sources de savoir intégrées par le géologue, à partir de l’historique de minage à proximité et des résultats d’analyse géologique de couches souterraines environnantes. Ce qui est névralgique dans ces opérations, c’est qu’elles sont dispendieuses et doivent être menées en un temps limité. Sur la base des résultats, des décisions seront prises pour l’exploitation de nouvelles galeries. Les normes de sécurité dans le travail du géologue visent à la fois la santé et la sécurité au travail même, et la sécurité du public. Celle-ci porte principalement sur la fiabilité et l’absence de possibilité de falsification des résultats de l’exploration, par échantillons en double et inspections à intervalles réguliers. Ces critères se sont resserrés dans la foulée du scandale de la Bre-X à la fin des années 1990[9]. Ces mesures de sécurité, associées aux cours des métaux et à la valeur des actions des compagnies minières, visent donc à prévenir la manipulation de résultats à des fins de spéculation sur les marchés boursiers. Ainsi, par les contraintes spécifiques associées à la nature de son travail et au financement du secteur minier, le géologue vise un niveau de qualité qui n’est pas maximal. Les coûts qui y seraient associés forcent l’exploration à être plutôt d’un niveau de qualité optimale.

Le mineur, quant à lui, compose principalement avec des normes de sécurité visant sa propre sécurité, étant donné les risques inhérents à son travail. La haute qualification issue de l’expérience du métier amène le mineur à un travail de qualité optimale, composant entre la qualité du travail accompli (creusage, déblayage…) et le respect des normes de sécurité. Celles-ci l’amènent à « éviter de tourner les coins ronds » (par l’attrait des primes au rendement) et « ne pas oublier de se garder une petite gêne », une inattention pouvant avoir des conséquences dramatiques. Il s’ensuit que son travail peut ne pas être aussi productif chez les mineurs plus âgés. Cette légère baisse de productivité liée à l’âge est compensée par la qualité, la fiabilité et la régularité du travail accompli, essentielles à sa haute qualification. À cela s’ajoute la capacité d’éviter les blessures dans un métier très physique. Enfin, le travail s’exerçant en milieu clos, le mineur hautement qualifié a appris à éviter les conflits interpersonnels ou à ne pas s’associer avec des travailleurs avec qui pourraient survenir des tensions.

Quant au peintre automobile, situé comme le géologue et le mineur dans la convention de qualité optimale, il complète le travail du débosseleur par la peinture du véhicule avec efficacité et un souci du détail, en intégrant des techniques de travail en amélioration continue. Il porte une attention particulière aux opérations de masquage et au contrôle des courants d’air, pour assurer un fini répondant aux exigences des assureurs, à travers lesquels l’entreprise obtient la plupart de ses clients. Le travail du débosseleur, d’un niveau de qualité maximale, offre un contraste intéressant avec celui du peintre automobile. Le niveau de qualité demandé au débosseleur est plus élevé, car la sécurité des passagers est en jeu. Si un véhicule n’est pas parfaitement réparé après un choc, il peut plier plus facilement lors d’un impact et est donc moins sécuritaire. Ainsi, à cause de leur travail respectif, l’un plus esthétique, l’autre davantage fonctionnel, la convention de qualité exigée est différente, d’autant plus que la fonctionnalité a ici des conséquences sur la sécurité humaine. Cette nuance illustre la frontière entre un niveau de qualité maximal et optimal. Dans le cas du peintre automobile, le rendement contribue également à l’appréciation de sa qualification. Étant donné que le niveau de qualité attendu est dicté par la compagnie d’assurances et que celle-ci exige une peinture relativement parfaite, il doit donc « optimiser » la qualité de son travail. S’il ne peut se résoudre à une moindre qualité pour faire baisser les coûts des travaux, il vise néanmoins la qualité optimale, composant avec cet impératif de productivité, d’une façon plus importante que son collègue hautement qualifié au débosselage. En effet, celui-ci devra bien sûr être performant mais d’abord, il montre une qualité dans son travail permettant d’assurer la sécurité des passagers de l’automobile réparée, d’où son inscription dans le niveau maximal de qualité.

Du côté du tisserand, la qualification initiale nécessaire à l’exercice du métier est généralement de niveau secondaire. L’organisation du travail place celui-ci au centre de la production dans l’entreprise, en termes logistiques ; tous les autres métiers dans l’entreprise accomplissent leurs tâches en amont et en aval du tisserand. De ce fait, celui-ci doit assurer une production de la plus haute qualité, avec la plus grande régularité et le moins d’interruptions possible. Ces interruptions découlent surtout de fils cassés ou mal placés ; plus le tisserand intervient rapidement après l’événement, plus le rétablissement de la production sera rapide, résorbant les bouchons en amont et les attentes en aval. Tout est affaire d’attention, notamment à des détails visuels et auditifs, dont l’interprétation juste découle d’années d’expérience. En matière de qualité, depuis la mondialisation, la moins bonne qualité est produite ailleurs qu’en Amérique du Nord. De plus, les commandes sont devenues plus petites et en conséquence, il faut ajuster plus souvent les métiers pour répondre aux caractéristiques variables d’une commande à l’autre. Une fois les paramètres réglés pour une commande donnée, le tisserand doit composer avec des tâches routinières pouvant favoriser une inattention et donc, une plus grande perte de temps lors du prochain incident qui, inévitablement, se produira et ralentira sa production. L’essentiel de cette qualité maximale réside donc dans la minimisation de ce délai, assurant un rythme de production maximal à l’entreprise, étant donné la position du tisserand au centre des procédés de travail dans l’entreprise.

La haute qualification du tisserand d’expérience s’articule surtout autour de la capacité de résolution efficace de problèmes et l’équilibre entre routinisation du travail et attention aux détails, en lien avec l’organisation du travail. Opérant simultanément une dizaine de métiers hautement performants pour la production de textiles, le tisserand n’a toutefois pas à structurer son travail pour assurer le respect de normes associées à la sécurité du public, comme on l’a vu dans le cas du chimiste, du mineur ou des deux métiers des services automobiles. Il y a bien sûr les normes assurant sa propre sécurité et celle de ses collègues de travail (SST). Cependant, l’essentiel de sa haute qualification est liée à deux dimensions. Il y a d’abord sa situation dans l’entreprise : le tisserand est central dans l’organisation du travail. La constance de sa productivité est assurée par une concentration envers les détails et la résolution efficace de problèmes interrompant régulièrement, mais de façon aléatoire, la bonne marche de la production. L’autre dimension découle de la mondialisation : les entreprises québécoises de ce secteur – à l’instar des autres secteurs manufacturiers – doivent dorénavant offrir la meilleure qualité pour leurs produits. Leurs clients – souvent des entreprises américaines – préfèrent encore leur produit à celui que peuvent offrir leurs concurrents asiatiques, dont la qualité est moindre. Conséquemment, les tisserands doivent assurer cette production de haute qualité, dans des délais serrés étant donné les commandes plus petites et variées qu’autrefois, ce qui de surcroît nécessite une plus longue période d’installation sur les métiers. Cette haute qualification prend donc forme à travers une grande attention aux détails. Cette minutie s’appuie sur l’expérience ayant permis d’accumuler des savoirs précis permettant une organisation du travail efficace, en dépit de l’aspect routinier de certaines tâches, favorisant un relâchement de l’attention. Il y a en effet une complémentarité paradoxale entre la routinisation de certaines tâches qui permet à son tour de se concentrer sur la résolution de problèmes (événements) affectant inévitablement la production, l’expérience ne pouvant tout prévenir. Ainsi, pour des raisons différentes des autres métiers, la haute qualification du tisserand est aussi issue d’un cumul d’expériences pour faire face à la grande diversité des situations à travers, dans son cas, la routinisation efficace de certaines tâches.

L’importance croissante de l’apprentissage tout au long de la vie reflète les mutations du monde du travail et le besoin, pour des travailleurs de tout âge, de se positionner sur un marché de l’emploi plus instable que dans le passé. C’est aussi pourquoi on voit se multiplier au Québec, à la suite de l’Europe, des dispositifs visant la reconnaissance de l’expérience. Les questions de transmission des savoirs et de leur formalisation acquièrent également une importance croissante, étant donné les nombreux départs à la retraite.

À la lumière des enquêtes de terrain menées auprès de travailleurs et leurs superviseurs, ainsi que d’informateurs clés, nous avons pu voir que la haute qualification correspond peu à la définition de l’OCDE qui insiste sur les TIC et sur le diplôme postsecondaire. Au contraire, la haute qualification prend plutôt une forme spécifique associée au contexte de travail, compris au sens large. Les exemples issus de nos études de cas montrent l’importance de multiples dimensions allant du contexte dans l’entreprise (organisation du travail, nature et complexité des tâches), au contexte plus large (normes propres au secteur, relations avec les clients, mondialisation…). À cet égard, la notion de mondes de production (Salais et Storper, 1993), associant l’identité des producteurs, du produit et du marché auquel il est destiné, permet d’articuler ces multiples dimensions, complexes, de la haute qualification. Cette conceptualisation de la haute qualification, basée sur des logiques et des dynamiques à l’oeuvre dans les univers de travail, permet de remédier aux principales apories de la notion de travailleur hautement qualifié véhiculée couramment (OCDE, 1995 ; McKenzie, 2007). Cette conceptualisation se structure par des critères reflétant ce qui est important et stratégique pour les univers de travail contemporains : la maîtrise de processus spécifiques, en particulier ceux engageant des savoirs tacites, la situation stratégique dans l’organisation du travail, la capacité de résolution de problèmes de façon rapide et efficace, la connaissance de l’environnement en aval et en amont de l’entreprise (fournisseurs et clients) et de leur influence sur la production, la nature dynamique des processus de travail, de même que la capacité réflexive d’améliorer son travail par l’expérience et la résolution de problèmes.

Bien entendu, notre recherche comporte des limites. En particulier, notre choix a été limité par l’accès à certains corps de métier et nous n’avons pas pu discuter tous les enjeux reliés à la haute qualification. Par exemple, il serait important dans une étude ultérieure d’examiner la transmission des savoirs et celle de la formation, afin d’analyser les rapports de pouvoir qui s’y exercent alors. Dans les cas qu’il nous a été possible d’observer, notamment celui de tisserand, le fait de transmettre son expertise n’était pas associé à une mise en position de vulnérabilité, voire une première étape vers la mise à la retraite. C’est ce qui rendait la transmission même beaucoup plus fluide, à tout le moins du côté du travailleur expérimenté.

Enfin, nous avons voulu montrer, alors que les mondes de production se transforment, qu’il y a des problèmes de définition autour de la notion de haute qualification dont les enjeux sont fondamentaux pour la définition des tâches et des conditions de travail, mais surtout pour la reconnaissance des travailleurs.