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L’ouvrage de quelque 500 pages se veut une contribution majeure à l’avancement des connaissances sur l’histoire de la francophonie dans la capitale fédérale. L’ouvrage de 14 chapitres est une synthèse de travaux menés par une vingtaine de chercheur(e)s dans le cadre du Chantier Ottawa.
Il découle notamment du fait que l’histoire « officielle » d’Ottawa a généralement souffert de cécité en ce qui a trait à la prise en compte de la présence francophone dans ce milieu de vie. Le fil conducteur est donc de « raconter l’histoire des transformations d’Ottawa en tant que lieu de vie français » en mettant l’accent sur les acteurs, individus et organismes, des changements qui ont marqué la francophonie ottavienne au fil du temps. Les contributions sont ainsi regroupées sous trois grands axes : les gens et les lieux; la communauté et ses institutions; et la politique et les mobilisations.
Plusieurs chapitres sont particulièrement intéressants, tant par leur ampleur que par la richesse de leur contenu. C’est notamment le cas de ceux portant sur l’histoire de la résistance et des mobilisations au sein de la Basse-Ville, celui, remarquable, intitulé « Ottawa, ‘métropole’ de l’Ontario français? », qui met en lumière les « transformations institutionnelles et référentielles de l’Ontario français et du Canada français » et de leurs conséquences sur Ottawa, et enfin ceux traitant de la politique de bilinguisme de la Ville et des services en français ainsi que la synthèse très éclairante sur les enjeux juridiques complexes entourant son statut de ville officiellement bilingue.
La riche trame historique cache toutefois quelques angles morts. Alors que l’ouvrage présente les métamorphoses du passé et leurs conséquences sur la francophonie ottavienne d’aujourd’hui, il demeure discret, voire peu ambitieux, sur au moins quatre dimensions.
D’abord, l’introduction mentionne explicitement que « la présence du gouvernement fédéral a contribué à donner à la francophonie d’Ottawa un dynamisme inégalé au pays ». Or, peu ou prou d’information sur le rôle et la contribution de la fonction publique fédérale et du bilinguisme de ses employé(e)s francophones et francophiles des deux côtés de la rivière, à la création et à l’évolution de ce « lieu de vie français ». En dépit de la dominance de l’anglais dans la fonction publique fédérale, comment ces utilisateurs du français contribuent-ils au dynamisme de la francophonie? D’une position de sous-représentation par rapport à leur poids démographique au sein de la fonction publique à une position de surreprésentation, quel rôle ces employés utilisateurs du français ont-ils joué et continuent-ils de jouer dans la vitalité francophone de la ville et de l’évolution de la vitalité du français?
Cette absence d’analyse sur les espaces francophones au sein de la fonction publique fédérale est également associée à un second angle mort : celui du rôle des francophones de la rive gatinoise à l’espace francophone ottavien. Il y a là une opportunité manquée d’aborder la dynamique complexe des migrations quotidiennes bidirectionnelles entre les deux côtés de la rivière des Outaouais et de leur influence sur le maintien d’espaces francophones.
Parce que l’ouvrage porte principalement sur l’histoire d’une population d’origine canadienne-française ou de langue maternelle française, il fait également l’économie d’une analyse de l’évolution des différents marqueurs de la francophonie sur ce territoire. Par exemple, dans la division de recensement d’Ottawa, l’on comptait, en 2016, près de 17 000 personnes dont le français est la première langue officielle parlée qui n’ont pas le français comme langue maternelle. Même le chapitre sur l’immigration francophone, qui parle bien des enjeux d’exclusion et d’intégration de ces immigrants, ne soulignent pas que moins de la moitié des immigrants francophones d’Ottawa n’ont pas le français comme langue première. De plus, il y aurait eu lieu de mettre davantage en lumière le fait que de nombreux immigrants francophones ont peu de contacts quotidiens avec les francophones de la région nés au Canada, notamment en raison d’une occupation résidentielle différente de l’espace chez les deux groupes.
Finalement, l’évolution des marqueurs identitaires des francophones, peu importe le critère de définition, est telle qu’il aurait été fort utile de mettre en lumières les diverses réalités qu’ont entraînées la croissance importante des unions linguistiquement mixtes, celle encore plus impressionnante des programmes d’immersion en français à Ottawa au fil des ans, ainsi que les transformations identitaires multiples et complexes de cette jeunesse issue de couples exogames et de programmes éducatifs en français.
Ces angles morts, bien que regrettables, ne doivent toutefois pas nous faire bouder le plaisir d’être exposé à une fascinante leçon d’histoire des francophones et de la francophonie d’Ottawa à travers le temps et les espaces, et contribue à préserver la mémoire collective de cette communauté.