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J’indique, parce qu’il va beaucoup en être question, que la notion d’identité (avec sa version dynamique, la « construction identitaire ») est ici prise comme catégorie de pratique et non comme catégorie d’analyse (Brubaker, 2001)[2]. Précaution rhétorique, mais aussi précision théorique sur laquelle je reviendrai car, au-delà du cas spécifique envisagé, la présente contribution poursuit deux objectifs. D’une part, sur le terrain, de contribuer à un certain adoucissement du débat identitaire en Acadie. Et d’autre part, de participer sur un plan plus abstrait aux travaux qui invitent à voir « au-delà de l’identité », selon la proposition de Brubaker et Cooper qui, à l’orée du 21e siècle, ont lancé aux chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales le défi de penser « beyond identity » (2000).

Que l’école ait joué et continue à jouer un rôle important dans la construction du sentiment national est un fait bien documenté, que ce soit historiquement (Thiesse, 1997) ou actuellement, au Canada (Heller, 1994) comme ailleurs dans le monde (Ferro, 1983). Plusieurs recherches ont illustré cette action de l’école : sa forme, ses raisons d’être, ses modalités, ses écueils (comme l’a montré Gaïti, 2001, à partir d’une étude sur les manuels scolaires). De façon générale, ces études se fondent sur des documents produits par les pouvoirs publics pour l’institution scolaire (directives et autres énoncés de politiques, matériel pédagogique). L’institution scolaire produit également ses propres documents et matériaux et promeut diverses activités pouvant étayer la construction identitaire – selon l’expression consacrée – des élèves qui lui sont confiés. C’est particulièrement vrai dans un système très décentralisé et offrant une large autonomie aux instances locales, comme c’est le cas au Canada avec l’aménagement par district. Au Nouveau-Brunswick, les trois districts scolaires francophones misent tous sur la construction identitaire de leur public mais selon des stratégies partiellement différentes (bien que largement inspirées les unes des autres). Véritable mission, c’est d’ailleurs ainsi qu’il en est parlé[3], l’axe de la construction identitaire structure l’activité scolaire et participe de la raison d’être de l’école francophone en milieu minoritaire (LeBlanc, 2012; Labrie, 2010).

Ces dernières années, un certain nombre de documents directeurs sur l’école en français en milieu minoritaire canadien ont été produits. Ces documents permettent d’observer ce qui est promu en matière de construction identitaire (et incidemment ce que l’on entend par là), selon quelles modalités, avec quelles attentes et quelles conséquences et, aussi, en soulevant quelles tensions et contradictions. Je reviens brièvement plus bas sur cette mission de l’école, les raisons spécifiquement avancées par les acteurs et actrices scolaires pour tenir cette mission pour impérative, les moyens que l’école se donne pour y parvenir. Ce rôle est bien connu et la rhétorique scolaire qui s’y rapporte a déjà donné lieu à quelques études dont je tirerai profit pour mon analyse, notamment celle de Violette (2016), qui s’inscrit dans un paradigme qui est aussi le mien, à savoir celui de la sociolinguistique critique.

Toutefois, l’originalité du contexte étudié ici et donc de l’analyse que je propose tient à ce que le document soumis à l’analyse n’est pas un écrit rédigé par l’institution scolaire ni même par un organisme apparenté (association de parents d’élèves, association du corps enseignant, par exemple). Il s’agit d’un texte élaboré par une instance associative, communautaire, le Comité organisateur du congrès mondial acadien (COCMA), organisme et événement que je présenterai plus loin. Une telle démarche, où la société civile prend part, ou du moins se propose de prendre part à l’édification de la jeunesse, est à mettre en lien avec le concept de communauté éducative que je présenterai aussi brièvement.

Ainsi, avant de débuter l’analyse proprement dite et afin de donner des éléments de compréhension du document étudié, on trouvera ci-dessous trois brèves sections. La première présentera la mission de l’école en milieu minoritaire au Canada. Bien que le cas principalement envisagé ici, en lien avec la thématique de ma contribution, concerne l’école francophone au Nouveau-Brunswick et plus largement acadienne (comprenant l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse), ce qui est avancé est largement pertinent pour les autres minorités linguistiques canadiennes. On peut aussi opérer des rapprochements avec d’autres situations éducatives en milieu linguistique minoritaire. Une deuxième section traitera du concept de communauté éducative, particulièrement promu ces dernières années par le système d’éducation francophone néo-brunswickois et s’inspirant largement d’autres initiatives du genre, notamment québécoises. Enfin, dans un but de précision méthodologique et théorique, la troisième section présentera les grandes lignes de mon approche critique. Je justifierai alors la pertinence de cette approche pour mon objet d’étude. Je précise que ce travail préalable à l’étude proprement dite n’est pas seulement une occasion de planter le décor : c’est déjà un travail analytique dans la mesure où ce qui m’intéresse est de montrer pourquoi et comment un discours est rendu possible. Dans la mesure où un discours particulier ne prend jamais place dans un vacuum, quelles sont les conditions qui rendent possibles la production, la diffusion et la réception de ce discours? Ici, l’accent est mis sur les conditions de possibilité de production du discours étudié.

La section proprement consacrée au guide sera donc éclairée par les sections préalables. La lecture critique que je propose du guide pédagogique En préparation pour le prochain CMA sera divisée en trois sous-sections. Une première sous-section portera sur le terrain même où le discours analysé a pris forme, le Congrès mondial acadien. Il s’agit d’une activité à grand déploiement, misant sur l’identité acadienne et pour cette raison, à l’instar de l’école, le CMA se présente comme un site de production de discours sur l’identité. Une présentation matérielle du document suivra en guise de deuxième sous-section. Enfin, une troisième sous-section s’attaquera aux réponses apportées à la question posée par le guide : « Qui sommes-nous? » Je montrerai que le guide oscille entre assignation et construction identitaires[4] et retient divers critères définitoires (que d’aucuns tiendraient pour incompatibles). Enfin, dans la mesure où il est désormais aisé pour l’analyste de faire ressortir les tensions inhérentes de tout discours identitaire, c’est moins la mise au jour de ces tensions qui m’intéressera (elles sont aisées à épingler) que leur raison d’être et la conciliation ici opérée.

Mission de l’école en milieu minoritaire

Depuis 1964 au Nouveau-Brunswick, mais seulement en 2000 à l’Île-du-Prince-Édouard et à partir de 2000-2001 en Nouvelle-Écosse, et à la faveur de luttes parfois épiques (luttes juridiques mais aussi luttes internes au groupe, voir pour la Nouvelle-Écosse LeBlanc [2012, p. 112-164]), les communautés acadiennes de ces trois provinces ont obtenu, selon un calendrier et des modalités diverses, la gestion de la question scolaire dans leur langue. Brièvement, il s’agit d’un réseau d’écoles unilingues francophones, gérées en français et à destination des ayants droit à l’éducation dans leur langue officielle en milieu minoritaire. Un tel système scolaire par et pour la minorité linguistique est garanti constitutionnellement par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et des libertés. Ainsi, une telle politique s’applique d’un océan à l’autre, aux anglophones minoritaires au Québec et, partout ailleurs, aux francophones minoritaires.

On parle parfois d’écoles homogènes de langue française par opposition aux écoles bilingues, seule forme d’enseignement possible pour les francophones pendant longtemps. Aux mêmes dates, les anglophones bénéficiaient d’un enseignement complet unilingue dans leur langue. Les écoles bilingues ont été tenues pour responsables de l’assimilation linguistique de la minorité et l’accès aux écoles unilingues a été un long combat de la minorité francophone partout au pays (Couturier,LeBlanc, Godin et Renaud, 1993). Certainement cette lutte peut être mal comprise dans la mesure où actuellement, en plusieurs points du monde, on voit des revendications pour un plurilinguisme accru. Toutefois, comme le souligne Hambye (2009), à propos de la Belgique, minoritaires et majoritaires n’entretiennent pas le même rapport aux langues « étrangères ». Rapports « étranges » selon son mot, dans la mesure où « [l]es minorités linguistiques sont (…) souvent des minorités plurilingues qui s’effraient de leur propre plurilinguisme, tandis que les majorités linguistiques témoignent de discours très favorables au bilinguisme, tout en restant irrémédiablement monolingues » (Hambye, 2009, p. 30). Ainsi, si la volonté d’obtenir puis de maintenir des milieux scolaires unilingues peut sembler en porte-à-faux avec un certain discours dominant qui, dans une économie mondialisée, pose les langues comme des ressources langagières – des compétences au même titre que d’autres, favorisant l’employabilité et permettant la mobilité sociale –, il faut bien saisir le contexte francophone minoritaire au Canada pour comprendre les politiques scolaires actuelles. Comme le décrit LeBlanc (2012) :

Les francophones en situation minoritaires au Canada ont été complètement dominés par les anglophones, et ce, depuis plus de 200 ans. Il y a donc eu une volonté de sortir de cette domination, et l’une des façons d’y arriver fut de mettre en place un réseau d’institutions francophones, dont des écoles, qui devenaient des lieux de reproduction de la langue et de la culture.

L’accès à l’école de langue française et la gestion des systèmes d’enseignement de la minorité francophone ont été depuis longtemps l’un des principaux chevaux de bataille des francophones (…). [De plus,] [u]n statut particulier est réservé à l’école française en milieu minoritaire en raison de son rôle de vecteur de socialisation à la culture française, de transmission de la langue aux enfants et du maintien des acquis dans cette langue. (…) [L]’idée était de créer un espace francophone qui permette à la communauté acadienne de sortir de l’exclusion.

LeBlanc, 2012, p. 113-114

Dans les lignes qui suivent, c’est surtout du discours sur l’école en français au Nouveau-Brunswick qu’il va être question car c’est celui que je connais le mieux. En raison du poids des francophones dans la province (aux alentours de 37 %), l’activité discursive y est des plus intenses. Les idées que j’avance restent toutefois dans leurs grandes lignes assez valides pour les autres provinces.

Dans le discours (institutionnel, militant, mais aussi dans le discours commun), l’école de langue française au Nouveau-Brunswick se présente comme particulière, spécifique, différente d’une école à destination de la majorité, et ce, en raison de « sa double mission » : favoriser la réussite scolaire de l’élève, certes, mais également assurer chez l’élève une construction identitaire solide. Cette mission est tenue pour d’autant plus cruciale que c’est de sa réussite que dépendrait le maintien, le développement, la pérennité de la communauté acadienne. De fait, en tant qu’institution vouée à la formation et surtout à la socialisation de la jeunesse, l’école est conçue et se conçoit comme le lieu névralgique de la reproduction sociale et culturelle de la communauté. Selon une rhétorique bien rodée, l’école de langue française en milieu minoritaire veille à la sauvegarde de la langue et de la culture, elle est l’agent de la reproduction culturelle et identitaire par excellence, le levier compensatoire (Landry et Allard, 1990), voire la pierre angulaire d’un édifice socio-éducatif dans un contexte où les autres facteurs de consolidation (famille, milieu…) sont parfois perçus comme déficients.

Pour réaliser cette partie de sa mission (oeuvrer à la construction identitaire du jeune), l’école produit nombre de discours, énoncés de politiques et de stratégies diverses. Le travail n’est pas que discursif et l’institution scolaire réalise également des actions nombreuses et variées pour appuyer cette construction : la Semaine de la fierté française (voir Bérubé, 2010) qui revient annuellement, la promotion active des activités et des services offerts en français dans les communautés que le district dessert, les programmes de jumelage « Une école, un artiste », ou encore « La grande visite », sont des exemples parmi d’autres d’actions concertées dans le but déclaré d’assoir l’identité du jeune. Plus largement, pour l’un des exemples les plus récents de cette stratégie éducative, on peut citer la Politique d’aménagement linguistique et culturel (PALC) lancée en grande pompe en 2014.

Enfin, pour mener à bien sa mission, l’institution scolaire peut aussi compter sur l’appui d’autres institutions : ainsi, par exemple, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, la Commission nationale des parents francophones et l’Association canadienne de l’éducation de langue française, qui ont uni leurs efforts pour produire, en 2010, la brochure Voir Grand à l’adolescence - Guide de dialogue en construction identitaire. C’est dans cette lignée que le COCMA a réalisé sa propre brochure, En préparation pour le prochain CMA.

Je précise encore que cette mission de l’école de construire le jeune Acadien comme acadien ne me parait pas spécifique à l’Acadie ni même aux milieux minoritaires. Depuis l’avènement du nationalisme moderne (qui coïncide en outre peu ou prou dans bien des pays avec la mise en place de l’instruction universelle), le rôle de l’école dans la construction du petit Français, Américain, Canadien est prépondérant (Chevrel, 2006). Au rang des attributs nationaux, une langue et une identité homogènes sont largement mises en avant par les systèmes scolaires. C’est même précisément cette idéologie nationale et monolingue qui a longtemps desservi les minorités, linguistiques et autres, priées ou plus ou moins forcées à se fondre, à travers l’école, dans le moule de la communauté majoritaire en acceptant ses codes, ses valeurs, sa langue, son identité. Comme le rappellent Labrie et Lamoureux dans l’avant-propos d’un double numéro de la Revue canadienne de l’éducation, les questions de langue et d’identité sont au coeur des politiques éducatives et ne sont pas l’apanage des seuls milieux linguistiques minoritaires. « Au Canada, comme dans beaucoup d’autres endroits au monde, les langues et les identités figurent au premier plan dans les débats sur l’éducation et lors de l’élaboration de politiques aux divers niveaux de gouvernance. » (Labrie et Lamoureux, 2010, p. 473)

Ainsi, ma lecture d’En préparation pour le prochain CMA a été alimentée par des études menées dans des contextes scolaires aussi bien minoritaires que majoritaires, bien que les premiers aient plus retenu mon attention. Mais c’est surtout la lecture de la PALC proposée par ma collègue Isabelle Violette (2016) qui m’a inspirée. Comme le note cette dernière, une lecture croisée de documents institutionnels proposés par des instances éducatives en divers milieux minoritaires (Codo et Nussbaum [2007] sur la Catalogne, Labrie [2010] sur l’Ontario français), mise en regard avec le discours acadien,

frapp[e] par la forte concordance entre celle-ci [la PALC] et les textes institutionnels analysés dans les deux autres contextes, concordance en termes des rapports construits entre langues, individus et groupes; concordance aussi en termes de positionnements idéologiques tenus à l’égard de l’identité qui servent justement à donner sens et à justifier le curriculum élaboré et défendu dans ces milieux scolaires.

Violette, 2016, texte non paginé

Violette ajoute que finalement l’école conçue par et pour les minorités manifeste les mêmes tensions que l’école de la majorité (à laquelle elle a voulu échapper en créant son propre système) puisqu’elle puise ses valeurs, ses façons de faire et la conception de son rôle comme agent de construction nationale aux mêmes sources du nationalisme politique moderne que tout État-nation dûment constitué. En fait, toute école s’avère un lieu en tension dans la mesure où elle doit concilier son « rôle d’agent de construction de citoyens pour la nation unifiée et démocratique avec la diversité réelle de sa population scolaire » (Heller, 2004, p. 74). En préparation pour le prochain CMA n’échappe pas à cette tension, comme nous le verrons dans la section analytique.

Le concept de communauté éducative

En préparation pour le prochain CMA émane d’une volonté des organisateurs et organisatrices du Congrès de proposer un discours à l’usage d’un public scolaire. Une telle initiative peut certainement être mise au compte de la volonté, de la part de ceux-ci et celles-ci, de légitimer l’existence et la pertinence de l’événement CMA, qui sont remises en cause à chacune de ses éditions (voir pour l'édition de 2014, Arrighi, Gauvin et Violette [2018] et Bruce [2018]), contribuant par cette initiative à la mission de renforcement de l’identité ethnoculturelle et linguistique de la communauté acadienne. Rappelons que cet objectif transversal à bien des institutions acadiennes est, en premier lieu, dévolu à l’institution scolaire chargée de produire et reproduire l’identité du groupe. Pour mener à bien sa mission, l’école acadienne reconnait et promeut « le rôle fondamental de la communauté dans la réalisation de sa double mission », tel qu’on le trouve énoncé dans la PALC (2014, p. 23). Cette approche s’inscrit dans le cadre d’un axe de partenariat école, famille, communauté, fort bien décrit dans le document présentant la PALC et dont je reprends les grandes lignes et quelques extraits ci-dessous.

Selon un vieil adage sénégalais, « ça prend tout un village pour élever un enfant ». Cela est d’autant plus vrai pour les communautés linguistiques en contexte minoritaire qui, pour assurer leur pérennité et leur épanouissement, doivent susciter l’engagement de l’ensemble de leurs citoyens quant à l’appropriation de la culture et la transmission de la langue aux enfants tout en stimulant, chez ces derniers et dernières, le désir de contribuer au devenir de leur communauté, tant locale que globale. À l’image de ce proverbe, l’axe Partenariat école, famille, communauté invite tous les partenaires en éducation à se mobiliser et à agir de façon solidaire et concertée afin que les jeunes Acadiens, Acadiennes et francophones de la province puissent s’épanouir dans toutes les facettes de leur vie.

PALC, 2014 p. 39

Selon ses instigateurs (notamment la chercheuse québécoise en éducation Rollande Leslandes, à laquelle se réfère le document de la PALC), ce partenariat entre école, famille et communauté soutient et favorise, par l’engagement des écoles, des familles, des individus, des organismes et des entreprises de la communauté, la réussite scolaire de l’élève ainsi que son développement social, émotionnel, physique et intellectuel; mais encore, « il contribue également à l’instauration de conditions favorisant la construction de l’identité » (PALC, 2014, p. 40). La volonté de s’engager dans cette voie a été très clairement exprimée dans le Rapport de la commission sur l’école francophone (2009), en particulier dans l’énoncé de ses objectifs. L’un des objectifs, intitulé « Un mécanisme de concertation et de collaboration pour communautariser la Dualité », propose

de mieux intégrer la communauté dans l’élaboration et la mise en oeuvre de nouvelles mesures et initiatives. Ce mécanisme de partenariat permettr[a] également de mieux définir le rôle de la communauté éducative acadienne dans la gouverne de son système et ouvrirait la porte plus explicitement à l’input des acteurs de la communauté dans l’élaboration de la vision, des paramètres et des cadres de gestion du système éducatif. C’est ce que la Commission appelle « la communautarisation de la dualité.

LeBlanc, 2009, p. 24-25

Un autre objectif (« Une architecture communautaire pour toutes les écoles acadiennes et francophones au Nouveau-Brunswick ») promeut « [l’]idée simple, mais essentielle [que] les écoles acadiennes et francophones doivent être le reflet de leur communauté. Concrètement, la communauté doit accompagner l’école pour donner sens aux apprentissages et constituer l’un des partenaires clés du projet éducatif » (LeBlanc, 2009, p. 25). Au moins depuis cette Commission mais souvent antérieurement, les districts scolaires francophones du Nouveau-Brunswick adhérent tous peu ou prou à cette conception d’une école au coeur de la communauté et d’une communauté au centre de l’école. Les sites Internet des trois districts francophones de la province en font mention. Les pédagogues et chercheurs et chercheuses en éducation de l’Université de Moncton plébiscitent également un tel partenariat, et ce, de longue date (Landry, 2003; Cormier, 2006).

C’est dans ce cadre qu’En préparation pour le prochain CMA, discours proposé par une instance qui n’est ni scolaire ni même éducative au sens large, prend place. Il conviendra dans l’analyse de garder en tête cette spécificité de l’émetteur du discours. Quelques mots maintenant de l’approche analytique mobilisée ici.

Une approche critique des discours institutionnels

L’approche privilégiée ici est une approche critique. En ce sens, ma contribution s’inscrit dans la désormais longue lignée des travaux sur les francophonies canadiennes ayant adopté une telle démarche et ayant pu en démontrer toute la portée heuristique. Une approche critique appréhende « les discours comme des pratiques sociales, situées historiquement, permettant la construction d’une certaine réalité sociale et révélant le positionnement face au changement (social et linguistique) du sujet parlant » (Duchêne, 2009, p. 136). Posant la langue comme partie inhérente des pratiques sociales (Boutet et Heller, 2007), il s’agit de comprendre pourquoi tel discours sur une langue, un groupe, une identité s’actualise à tel moment, dans tel espace, en ayant soin également d’historiciser ce discours. Le discours étudié laisse alors « entrevoir les processus de catégorisation sociale basés sur la langue, et le pouvoir d’exclusion ou d’inclusion opéré par cette catégorisation » (Boudreau, 2016, p. 146). On comprend bien tout l’intérêt de cette approche face au type de discours que j’étudie, type de discours tout à fait propice à construire, renforcer, véhiculer des catégorisations sociales fondées notamment sur la langue.

La sociolinguistique critique a surtout opéré, en particulier à ses débuts, sur des discours oraux (des pratiques en interaction). Toutefois, le recueil et l’analyse de divers documents (textes officiels, pamphlets militants, documentations touristiques, textes de presse, …) provenant de sources diverses (gouvernements, associations, organismes et autres institutions) a toujours été préconisé par cette école..C’est précisément sur un document écrit de type institutionnel que la présente analyse se fonde.

La caractérisation du texte En préparation pour le prochain CMA a représenté pour moi un certain défi. Je propose que puisque son émetteur, la SNA, est une institution, le texte peut être tenu pour un discours institutionnel, et que sa diffusion par le réseau scolaire lui confère aussi une dimension institutionnelle. Longhi et Sarfati, en introduction d’un ouvrage consacré aux discours institutionnels en confrontation, proposent que l’idée de « discours institutionnel se laisse diversement interpréter, selon que l’on considère la provenance de certains faits de discours, ou que l’on s’attache aux processus qui président à la diffusion de ces mêmes faits » (Longhi et Sarfati, 2014, p. 5). En ce qui a trait au document étudié, le qualificatif d’institutionnel apposé au mot discours peut autant se justifier que l’on emprunte l’une ou l’autre voie. Non seulement l’écrit a vocation à se diffuser en milieu scolaire, institution s’il en est, mais encore il émane d’une instance, la SNA, qui en Acadie, en l’absence d’autonomie politique, peut être considérée comme l’institution phare. Selon le site de la Société, « [l] a Société Nationale de l’Acadie a pour mission de promouvoir les intérêts du peuple acadien, particulièrement de l’Atlantique ». Toujours, selon le site de la SNA :

La Société Nationale de l’Acadie accomplit sa mission en assumant le mandat suivant: /Représenter le peuple acadien de l’Atlantique aux niveaux atlantique, national et international; /Valoriser l’identité, les réalisations et les succès du peuple acadien, particulièrement de l’Atlantique; /Favoriser la concertation et le réseautage des organismes acadiens de l’Atlantique; /Assurer l’organisation d’activités et de manifestations d’envergure du peuple acadien. (voir https://snacadie.org/a-propos/mandat)

Rappelons que la SNA délègue l’organisation du CMA à un comité ad hoc, le COCMA, constitué pour chaque édition[5]. Ce comité est le premier, je le rappelle, à produire un tel guide pédagogique à l’usage du monde scolaire.

En préparation pour le prochain CMA : contexte de production, contenu et attendus

L’analyse d’En préparation pour le prochain CMA que je propose est, comme indiqué ci-dessus, une analyse de type critique. Fondée sur l’étude d’un discours, elle relève intrinsèquement de l’analyse de discours. Toutefois, face à la multiplicité des déclinaisons possibles de l’analyse de discours, je précise que le mode d’analyse pratiqué ici est de type interprétatif. Je cherche à replacer le discours appréhendé dans un contexte social, politique, idéologique, contexte lui-même discursif (d’où les diverses sections ci-dessus, où les éléments fournis le sont en vue de l’analyse). Ceci étant, je m’arrête peu aux formes langagières en tant que telles (bien que j’accorde une certaine importance aux choix de quelques mots) et porte mon attention aux conditions qui rendent possibles la production, la diffusion et la réception du discours envisagé. Pour le dire avec les mots de Duchêne (2006), il ne s’agit pas 

[d’]analyser les particularités formelles d’un produit, mais plus [de] comprendre pourquoi ce produit existe et prend cette forme spécifique. Les éléments d’explication se doivent donc de faire appel à des dimensions qui dépassent le discours en tant que tel, mais qui, et c’est bien là tout l’intérêt de l’analyse des discours, trouvent une manifestation dans les discours eux-mêmes. »

Duchêne 2006, [En ligne], non paginé

Pour mener à bien une telle analyse, je commencerai par présenter le CMA comme un site de production de discours sur l’identité particulièrement prolifique. Que ce soit durant l’activité comme telle ou lors de tous les préparatifs qu’elle nécessite et au moment des divers bilans qu’elle suscite une fois finie, les occasions de discourir ne manquent pas. C’est d’ailleurs cette prolifération de discours sur bien des enjeux qui conduit plusieurs chercheurs et chercheuses en sciences humaines, dont moi-même, à s’intéresser de manière répétée à cette activité. La présente contribution s’inscrit d’ailleurs dans un projet de recherche collectif plus large dont je suis partie prenante et que je présenterai brièvement. Je m’attarderai, dans un deuxième temps, à la matérialité du document étudié, à travers une analyse de sa composition formelle et graphique, ainsi qu’aux choix opérés quant au contenu à présenter. Enfin, en un troisième temps, c’est le contenu discursif comme tel d’En préparation pour le prochain CMA qui sera étudié, en le rattachant notamment à une histoire discursive rémanente de la question de l’identité des Acadiens et Acadiennes.

L’évènement CMA comme site de production de discours sur l’identité

C’est désormais une tradition, et le mot a une importance, tous les cinq ans depuis 1999 se tient un congrès mondial acadien. Cet événement se veut avant tout une occasion de retrouvailles entre Acadiens et Acadiennes de la diaspora[6] et des Maritimes. Il s’agit de célébrer une identité acadienne qui passe par une histoire dramatique partagée, celle du Grand dérangement (événement en partie à l’origine de la configuration diasporique de l’acadianité[7]) et des ancêtres communs. En témoigne encore le nom de famille, nom permettant de s’inscrire à une réunion de famille, activité phare du CMA (l’une des plus fortement décriées), où l’on rencontre des « cousins, cousines » vivant depuis bien longtemps aux États-Unis pour la plupart, anglophones, citoyens américains, touristes en Acadie.

Le CMA est aussi saisi par l’instance qui chapeaute désormais ce congrès, la SNA, comme une occasion de travailler à la construction identitaire localement. Cette mission, qui consiste à épauler la construction identitaire, n’est pas propre uniquement au CMA comme activité collective. En plusieurs endroits du monde, nombre de festivals, grands rassemblements, manifestations culturelles diverses, mettent en avant une identité et entendent la célébrer, la mettre en valeur (Jaeger et Mykletun, 2013[8]). On peut ajouter que cette mission n’était pas au coeur du projet CMA, du moins à ses débuts, et qu’une initiative comme celle analysée répond peut-être à un double reproche que l’on fait régulièrement au CMA : celui de miser sur les « Acadiens de l’extérieur[9] » et sur les retombées économiques à court terme que leur visite apporte. En préparation pour le prochain CMA serait alors une façon de mettre plus l’accent sur les retombées sociétales à long terme pour les « Acadiens de l’intérieur », et en particulier pour la jeunesse[10]. Je le précise encore : que ce reproche soit récurrent est un fait, qu’il soit justifié en est un autre, nettement moins établi (voir notamment Leclerc, 2012; Landry, 2015; Bruce, 2018). Sur un autre plan, je rappelle qu’en Acadie des Maritimes, la mission de construction identitaire est tenue pour cruciale et la société civile acadienne et son école l’ont mise au coeur de leur projet de société. Que le CMA contribue à cette mission me parait avéré. En 20 ans d’existence et cinq éditions, cet événement s’avère une occasion de stimuler la fierté de la population, surtout en des lieux où l’acadianité ou la francophonie seraient plus fragiles. Ainsi, la 5e édition en territoire brayon visait à stimuler l’acadianité dans cette région dissidente (et force est de constater que ça a marché, voir Arrighi, Gauvin et Violette [2018]), alors que la 3e édition dans la municipalité de Clare en Nouvelle-Écosse a été l’occasion de travailler à l’augmentation des services en français (Bruce, 2018, p. 109).

Une autre critique récurrente envers l’initiative du CMA est la potentielle exclusion de la fête des francophones des Maritimes d’origine non acadienne. À chaque édition, le blâme revient. Au fur et à mesure des éditions, les organisateurs et organisatrices du CMA déclarent aussi vouloir susciter ou stimuler une certaine adhésion des francophones d’origine non acadienne vivant dans ces mêmes provinces – immigrants récents ou plus anciens venus de l’Europe ou de l’Afrique francophones, essentiellement. L’édition de 2014 comportait même une publicité officielle à cet effet[11]. Le défi consisterait à concilier des référents identitaires et nationaux presque contradictoires : histoire, origine, famille, liens de sang et autres critères généalogiques, d’une part; inclusion, lieu de vie, citoyenneté et autres critères administratifs, d’autre part. Et, à chaque congrès, la question « Qui est Acadien, Acadienne? » se pose. De fait, pour l’Acadie comme pour d’autres communautés sans territoire juridique ni statut politique (mais cela reste valide in fine pour toute communauté), la recherche d’une définition de soi mène presque toujours à des prises de position qui se révèlent dans le discours. Cela ne manque pas d’ailleurs de se produire à chaque édition du congrès (Arrighi, Gauvin et Violette, 2018; Bruce, 2018; Keppie 2016, Lefebvre, 2012; McLaughlin et LeBlanc, 2009), mais aussi en bien d’autres occasions.

Dans la mesure où j’étudie ici un discours produit par le COCMA à l’intention du public scolaire et dont l’objectif déclaré est précisément de proposer à la nouvelle génération une définition de ce qu’être Acadien veut dire, En préparation pour le prochain CMA va permettre de mettre au jour comment les débats identitaires sont appréhendés et, finalement, les positions conciliées. Le CMA jongle en effet avec plusieurs critères d’identification quand il en vient à définir l’acadianité. Il jongle aussi avec plusieurs irritants. Quelle est la place et la légitimité des Acadiens de l’extérieur? Qui sont-ils? Les descendants de déportés ou ceux qui sont partis vivre ailleurs? Les deux catégories bénéficient-elles de la même légitimité? Qui sont les Acadiens actuels? Faut-il avoir une famille acadienne, parler français, vivre dans les Maritimes? Quelle place pour les néo-acadiens ? Sont-ils exclus de la fête? Ce sont autant de questions « brassées » à chaque édition, autant de questions qui forment l’arrière-plan discursif de toute prise de position sur l’identité acadienne. Dans ce « terrain miné » comment En préparation pour le prochain CMA tire, ou non, son épingle du jeu?

Pour l’édition 2019, le comité organisateur, désireux de présenter aux « jeunes générations une vision de l’Acadie traditionnelle et contemporaine » (p. 3), a mis en circulation ce guide pédagogique destiné aux enseignants et enseignantes de la région hôtesse (Île-du-Prince-Édouard et Sud-Est du Nouveau-Brunswick) afin qu’il soit utilisé dans les écoles. Si ce guide est le premier, à ma connaissance, conçu pour le public scolaire dans un but d’édification identitaire de la population des régions hôtesses, cet objectif a pris, me semble-t-il, de plus en plus de visibilité aux cours des CMA successifs. Et ce, en dépit des moues de ses détracteurs et des critiques auxquelles l’événement a fait face en raison de l’une de ses activités phares (les réunions de famille), accusée de privilégier un « projet ethniciste » plutôt qu’un « projet sociopolitique » (selon des expressions empruntées à Landry [2015, p. 119]). D’emblée ce qui ressort de la lecture du document démontre moins un parti pris pour une définition ethnique de l’identité acadienne, ou au contraire pour l’autre, mais plutôt une conciliation, parfois fragile, entre les deux termes de cette alternative définitoire acadienne. Cette tension manifeste dans le discours concernant « une identité acadienne par filiation et non par socialisation » (toujours selon des expressions empruntées à Landry [2015, p. 122]) est tangible dans de nombreuses sociétés. Elle reste l’un des enjeux de tout nationalisme[12]. En Acadie, la petitesse du milieu, le fait aussi que le CMA, événement hautement médiatisé, remette tous les cinq ans la même discussion sur le devant de la scène, rendent peut-être cette concurrence définitoire plus palpable, mais elle est loin d’être propre à l’Acadie. Surtout, et c’est ce qui rend le document analysé et les contradictions de son discours particulièrement intéressants, cette concurrence définitoire est présente au sein d’un seul et même discours. Je veux dire par là qu’Enpréparation pour le prochain CMA porte l’une et l’autre définition en même temps. Landry avait remarqué, à propos des tensions suscitées sur le même thème lors des différentes éditions de l’événement, que « les projets et les discours [ethniques vs sociopolitiques] [étaient] portés par les mêmes acteurs » (Landry 2015, p. 119). En préparation… me permettra d’illustrer cette tension mais aussi une forme de conciliation.

En tant que contribution à la vie des débats en Acadie, le présent travail est l’occasion de sortir de cette tension mise de l’avant essentiellement par (une partie de) l’élite qui prend position lors des différentes éditions du congrès, et mise en lumière par certaines analyses insistant sur le caractère irréconciliable des positions[13]. Finalement, la division n’est peut-être que de surface et En préparation pour le prochain CMA mêle sans complexe (mais parfois un peu maladroitement) des définitions identitaires concurrentes. Je chercherai à comprendre ce double discours en l’inscrivant dans une réflexion sur la notion même d’identité.

Je précise encore que c’est précisément d’une tension au sujet du sens et de la valeur du CMA, notamment du contenu identitaire qu’il véhiculerait qu’est née la présente recherche. En prenant pour terrain la 6e édition du Congrès qui s’est tenue en août 2019, il s’agit, à partir d’angles divers, d’interroger en particulier le rôle du congrès comme lieu de construction et de négociation de l’identité individuelle (par les acteurs sociaux participant aux différents volets de l’événement) et collective (en analysant les discours circulant dans l’espace public et leur impact sur les politiques publiques des organismes impliqués). Il s’agit de mieux connaitre et comprendre le rôle de l’événement sur ces plans, besoin d’autant plus pressant que le CMA, qui mobilise des ressources humaines, matérielles et financières importantes, fait l’objet de remises en cause permanentes.

Notre façon d’aborder notre problématique a emprunté diverses avenues. En termes méthodologiques, plusieurs techniques de collecte ont été utilisées (veille documentaire et médiatique, observation participante lors des diverses activités de l’événement, sondages, entretiens…). La recherche documentaire préalable à l’événement avait notamment pour but de nous permettre de décrire la programmation, les objectifs poursuivis ainsi que les moyens mis en oeuvre par le comité organisateur.

Présentation du guide En préparation pour le prochain CMA

Ce document d’une cinquantaine de pages, qui fut disponible en version numérique sur le site officiel du CMA désormais fermé, se présente explicitement comme un guide pédagogique – cette mention est apposée sur sa page de garde. Matériellement, le livret débute par un mot de la présidente du CMA 2019 et une présentation du guide. Suivent 11 sections thématiques, une bibliographie et une grille d’appréciation pour les usagers du document. Sur le site où l’on pouvait le télécharger, on pouvait lire au-dessus de l’onglet de téléchargement :

Le Guide pédagogique du CMA 2019 est un outil destiné aux professionnels de l’éducation qui sert à faire connaître l’événement auprès des intervenants du secteur de l’éducation dans les régions hôtesses.

Le document, qui compte environ 45 pages, porte sur différents thèmes reliés à l’Acadie et au CMA, notamment l’identité culturelle, l’histoire, la langue, l’art et l’avenir de l’Acadie. Chaque section du guide propose des idées d’activités destinées aux élèves de la maternelle à la 12e année. Le but du guide est non seulement de donner des ressources aux enseignantes et enseignants afin de préparer le terrain pour la tenue du CMA 2019, mais de susciter une réflexion chez les élèves de tous les niveaux autour des divers sujets abordés.

La table des matières nous donne un premier aperçu du contenu (figure 1).

Figure 1

Table des matières du Guide pédagogique en préparation pour le Congrès mondial acadien 2019

Table des matières du Guide pédagogique en préparation pour le Congrès mondial acadien 2019

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On y voit se dérouler la check-list des emblèmes identitaires, sur laquelle je reviendrai. Avant de le faire, et pour continuer la présentation matérielle du document, quelques mots sur sa partie visuelle. Dans la mesure où « les approches symboliques du monde social ne se réduisent pas à l’étude de la dimension verbale » (Krieg-Planque, 2017, p. 10), le contenu graphique des documents institutionnels mérite également une certaine attention. En termes graphiques, au-delà du logo du CMA 2019 et de ceux des commanditaires sur la page de garde, En préparation pour le prochain CMA comprend 16 documents iconographiques : 13 photographies et trois cartes, dont deux sont situées à la page 20, dans la section « Notre territoire », et une à la page 23 dans la section « Qui sommes-nous? »

La figure 2 est une carte des trois provinces maritimes ainsi que de zones administrativement québécoises, la Gaspésie et les îles du Golfe du Saint-Laurent. La légende est difficile à interpréter dans la mesure où le code couleur censé distinguer « les régions acadiennes à majorité acadienne » et « les régions acadiennes anglicisées » semble avoir été choisi dans des nuances trop proches. Si on ne peut identifier ces régions, la légende pose quand même quelques questions : en l’absence de majorité acadienne, telle ou telle région est-elle pour autant anglicisée? Au-delà, qu’est-ce que veut dire une « région acadienne anglicisée »? Le marquage sur la carte précise aussi, entre parenthèses sous le nom de certaines municipalités, qu’elles sont « anglicisées ». On n’en saura pas plus. L’un des objectifs de la carte semble être, si on suit les exercices de réflexion et de conscientisation ensuite proposés, de montrer la dispersion de la population acadienne. La carte suivante (figure 3), issue de l’iconographie officielle de l’édition 2019 du CMA, présente les différentes municipalités hôtesses le long du Détroit de Northumberland. Ces illustrations sont censées, comme ce fut expliqué lors de plusieurs événements du CMA auxquels j’ai participé, marquer les liens entre les populations acadiennes des deux rives du détroit, surtout à une époque « où chaque famille acadienne de la côte avait une goélette » (Journée communautaire à Miscouche, le 14 août 2019). La troisième carte est la même que la deuxième en plus gros plan. Elle est en outre située dans l’espace plus large du nord-est de l’Amérique du Nord. Nous verrons plus loin que la question du territoire, comme dans tout discours national, est loin d’être anodine. Il s’agit au contraire non seulement d’un symbole fort, mais aussi d’un objet concret de luttes de pouvoir, moins désormais pour le détenir que pour le définir. Si savoir où planter le drapeau pose question, il flotte allégrement sur la tête des protagonistes de la page couverture et de la page de clôture, comme sur le chandail d’une petite fille (p. 27). Les autres photographies nous montrent « [d]es activités traditionnelles en Acadie » (6 clichés fournis par le Village historique acadien, p. 7), des mets acadiens (deux clichés, p. 36 et 37) ainsi que le podium illuminé d’un grand spectacle du 15 août (p. 38). Dans la check-list des emblèmes identitaires qui structurent le guide (cf. Figure 1, supra), la question de la cuisine acadienne ou des grands spectacles ne soulève pas les mêmes enjeux que celle du territoire ou de la langue. Abordons maintenant le discours qui porte sur chacun de ces paramètres identitaires, et surtout celui qui définit l’acadianité.

Figure 2

Trois provinces maritimes ainsi que de zones administrativement québécoises, la Gaspésie et les îles du Golfe du Saint-Laurent

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Figure 3

Différentes municipalités hôtesses le long du Détroit de Northumberland

Différentes municipalités hôtesses le long du Détroit de Northumberland

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Qui sommes-nous? À question ouverte, réponse finalement assez ouverte

Chaque entrée de la table des matières du guide est un article de la « check-list des emblèmes identitaires » (Löfgren, 1989; Avanza et Laferté, 2005)  : langue, drapeau, folklore, musique, gastronomie, auxquels s’ajoutent, dans la plus pure tradition du nation building, une histoire partagée, un territoire occupé de longue date, des ancêtres depuis longtemps établis. Toutefois, le constructivisme étant passé par là, le discours évite d’être trop monolithique ou trop impératif. Prenant acte des efforts savants, qui se sont largement diffusés dans la sphère publique, le discours proposé ici adopte par moments (mais pas toujours) la voie la plus commune quand il s’agit de contrer le risque de voir taxer son discours d’essentialisant : on inscrit l’identité dans un processus (Avanza et Laferté, 2005, p. 136), inscription qui est d’ailleurs centrale dans le concept de construction identitaire (mais qui est loin de résoudre toutes les apories de la notion d’identité, voir infra).

Qui sommes-nous? Comment savons-nous que nous appartenons à un groupe? Parfois, nous nous identifions par l’endroit où nous demeurons et d’autres fois, par la langue que nous parlons, la religion que nous pratiquons, les artistes qui nous renvoient notre image à travers les chansons, la musique en général, le théâtre, le cinéma, les arts visuels, les fêtes que nous célébrons, notre drapeau, notre cuisine, nos traditions communes, nos symboles communs, nos institutions, notre histoire, etc. Ces caractéristiques composent notre identité et nous unissent les uns aux autres ou nous distinguent des autres. Certains se reconnaîtront par les expressions linguistiques qu’ils utilisent quotidiennement. Pendant le Congrès mondial acadien 2019, avec tous les visiteurs qui se rendront dans les régions hôtesses, nous avons une belle occasion de tenter de définir qui nous sommes. Quels sont nos traits communs et nos caractéristiques; qu’est-ce qui nous différencie?

p. 23

L’objectif déclaré d’En préparation pour le prochain CMA est de conduire les élèves à répondre à la question « Qui sommes-nous? ». Certainement le propos est orienté et la réponse est attendue. Toutefois, passée une première lecture où ce guide peut sembler grossièrement essentialiste, il apparait aussi faire la promotion d’une identité que d’aucuns diraient « fluide » et surtout consentie. On notera la formulation anaphorique de l’extrait ci-dessous : « Nous pouvons donc (…). Nous pouvons également (…). Nous pouvons aussi… ». Ces formules sont particulièrement bien choisies, pour la force sémantique du verbe pouvoir, sa force modale ainsi conjugué au présent de l’indicatif, et le choix du pronom de première personne du pluriel nous, pronom inclusif par excellence, mais aussi individualisant (par l’énallage qui en permet un usage au singulier). Le texte semble dire à son lecteur : « C’est ton choix »…

Nous pouvons donc, selon notre position, être Acadiens par généalogie, de par nos parents et nos ancêtres, soit par notre histoire où nous sommes la première colonie européenne en Amérique du Nord. Nous pouvons également être Acadiens parce que nous vivons à l’intérieur d’une région où la population vit majoritairement en français. Nous pouvons aussi être Acadiens parce que nous voulons unir nos forces comme francophones afin de prendre notre destin en main et nous réaliser. Donc, tout dépend de la position que l’on prend, ce qui rend si complexe la définition d’un Acadien.

p. 19

Cet extrait provient de la section « Territoire » et se veut une glose du travail du géographe Bérubé, qui « a proposé les quatre définitions les plus courantes de l’Acadie » (Bérubé, 1979, p. 19). Cette typologie, largement reprise par les réflexions savantes sur la question depuis lors (voir Massicotte, 2007), mais aussi dans le débat public, amène généralement le discoureur à trancher pour l’une ou l’autre forme d’acadianité et rejeter les autres (voir en particulier Thériault, 1982; Doucet, 1996).

Dans le débat identitaire en Acadie, alors que certains imposent leur définition, le guide les retient toutes. Entre ethnie, histoire, territoire, communauté d’ambition et d’intérêts, la formulation un peu maladroite laisse toutefois une possibilité d’identification aux personnes dont les ancêtres et l’histoire familiale ne peuvent revendiquer des origines acadiennes, sans exclure par ailleurs celles, d’origine ethnique acadienne, que des raisons historiques, économiques ou personnelles ont conduit hors du territoire acadien. Bref, tout le monde peut y trouver son compte.

Est-ce à dire que ce guide manifeste une vision décomplexée (et « déminée ») de l’acadianité? Plusieurs indices concourent à cette interprétation. Regardons d’abord le choix des ethnonymes et plus particulièrement l’utilisation des termes acadien et francophone. Dans le discours institutionnel en Acadie, ces termes alternent ou s’additionnent, la présence du terme francophone en ajout ou à la place d’acadien est tenue pour plus inclusive. Ainsi, dans le texte de la PALC déjà cité, l’ajout de francophone à côté de acadien est systématique dans tout le document; cela « a d’ailleurs été justifié durant le colloque [de présentation de cette politique] comme prise de position officielle en faveur de l’inclusion et de l’accueil de l’autre » (Violette, 2016). Ici, c’est précisément l’inverse, et toutes formes confondues (singulier, pluriel; féminin, masculin; avec ou sans majuscule), acadien domine de façon écrasante : 184 occurrences contre huit pour francophone. En tenant compte du fait que l’un des éléments qui fait grimper le taux d’utilisation du terme acadien est sa présence dans la locution « congrès mondial acadien » (90 fois), il reste 94 autres occurrences, dans 43 desquelles le terme est employé comme nom (ethnonyme) (plus 2 fois au féminin). Le terme francophone apparait quatre fois au singulier, toujours comme adjectif, et quatre fois au pluriel – trois fois comme adjectif, et une fois comme nom (précisément dans l’extrait ci-dessus, p. 19 : « Nous pouvons aussi être Acadiens parce que nous voulons unir nos forces comme francophones afin de prendre notre destin en main et nous réaliser »). Cela indique que pour les auteurs du guide acadien, le mot « acadien » peut désigner un grand nombre de personnes, y compris celles qui ne peuvent faire remonter leur lignée jusqu’au Grand Dérangement. C’est du moins l’interprétation que j’en tire, en reconnaissant ma part de subjectivité comme analyste du discours sur l’identité en Acadie. J’ai en effet toujours trouvé ambigu le syntagme « acadien et fancophone », comme si le francophone en Acadie n’était pas un Acadien comme les autres (comme s’il était l’Autre), et inversement.

Ce texte conserve néanmoins plusieurs ambiguïtés et maladresses que je soulignerai pour finir. Ces équivoques sont selon moi inhérentes à toute volonté de définition identitaire et se produiront tant qu’on croira à la notion d’identité.

Ambiguïtés et maladresses : tant qu’on croira en l’identité

En lien avec l’événement qui a impulsé la rédaction de ce guide, l’histoire, la généalogie, la famille sont assez présentes tout au long des pages. Le vocabulaire en atteste : ainsi les mots généalogie, ancêtres et famille apparaissent à eux trois 60  fois dans le document[14]. Une certaine importance est accordée à la question des noms (patronymes), comme marqueurs d’une notion de lignée . Plus inattendu, le choix du prénom est aussi commenté comme marque d’adhésion volontaire à la francophonie acadienne.

En lien avec une conception ethnique de l’identité, la question du nom de famille est plusieurs fois soulevée. En Acadie, le nom de famille revêt une importance particulière dans la mesure où c’est lui qui permet de dater l’ancienneté de l’établissement de la lignée. Les registres ayant été bien tenus et conservés, des généalogistes ont pu ainsi établir la liste des patronymes présents sur le territoire de l’Acadie coloniale avant la déportation. Notre fascicule, dans sa section « Nos cousins, nos cousines, la visite arrive! » (p. 27-29), débute en présentant le travail de « [l’] historienne Brenda Dunn, du Service canadien des parcs, [qui] a fait l’inventaire de tous les patronymes acadiens connus de familles qui habitaient l’Acadie continentale de 1702 à 1755 » (p. 27). Suivent un renvoi au site où se trouve le travail cité et un appel à aller visiter le site du CMA où se trouve «  la liste des familles qui se sont inscrites afin de se rassembler pendant la durée du Congrès » (p. 27). Sur le marché des identités, cette tendance forte à établir un rapport univoque entre patronyme et identité, fait du nom de famille un capital culturel ou symbolique, pour emprunter à Bourdieu des expressions qui me paraissent très pertinentes dans le contexte de cette étude.

Si le nom est porteur d’une certaine valeur, En préparation pour le prochain CMA propose aussi une vision du prénom comme bien tout aussi symbolique et plus négociable. Dans la section « L’Acadie contemporaine » (p. 40-42), nous trouvons en effet une activité de conscientisation pour les élèves de maternelle à 4e année fondée sur le prénom et sa valeur identitaire. Certainement, le choix du prénom peut être porteur d’un certain projet familial et parental; certainement le prénom peut faire écho à l’histoire familiale, voire à l’histoire collective (en Acadie, par exemple le choix des prénoms Gabriel et Évangéline). Toutefois l’exercice ne propose rien de moins que de classer les prénoms de la classe (voire de toute l’école) selon leur origine francophone, anglophone, autre, et, suite à la collecte et au classement, de « [f]aire une réflexion sur le futur de notre langue selon les prénoms » (p. 41). Dans la même série, une autre activité de réflexion établit le lien entre choix du prénom, vitalité ethnolinguistique et zones majoritaire ou minoritaire : « On peut faire remarquer aux élèves s’il y a plus de noms francophones, car on est dans une région francophone ou si l’on est fortement influencé par la culture anglophone ou américaine » (p. 41). Le fascicule propose encore d’autres données onomastiques à scruter comme marqueurs de la vitalité du groupe : celles fournies par la langue d’affichage commercial et plus largement par le choix du nom d’une entreprise.

Ainsi, la langue, dans toutes ses facettes, apparaît comme une ressource de poids pour témoigner de son identification à la cause acadienne. Cette vision et cette utilisation de la langue sont assez typiques du discours nationaliste acadien. Si on s’arrête sur la vision de la langue qui est véhiculée dans En préparation pour le prochain CMA, on note qu’elle est ici tout autre chose qu’un système de communication. Dans la plus pure tradition du discours nationaliste, elle est « l’âme du peuple », le reflet même de son identité. La section « Parlures de chez nous » s’ouvre ainsi :

Les régionalismes sont des mots et des expressions qui reflètent notre identité culturelle. Tu n’as qu’à penser à ta localité et tu trouveras certainement quelques expressions qui te sont propres et qui se retrouvent typiquement chez toi. Ce sont des caractéristiques qui différencient une communauté ou une région d’une autre et qui ajoutent à une culture et une identité culturelle.

p. 30

Dans ce petit laïus, comme dans les activités de conscientisation proposées, on comprend que les notions de spécificités, d’allocation des faits et de frontières linguistiques sont prises pour allant de soi. On propose à l’élève de « répertorier les expressions propres aux gens de l’Acadie » (p. 31), de faire « la différence entre acadianisme, québécisme, canadianisme » (ibid.). Pour les concepteurs et conceptrices d’En préparation pour le prochain CMA, c’est dans la différence qu’on se construit. Cela ressort très clairement dans l’introduction de la section « Qui sommes-nous? » (p. 23-25) qui ouvre cette sous-section.

Mélange des genres

Finalement, qu’est En préparation pour le prochain CMA? Quel discours propose-t-il? Quelles visions de l’identité véhicule-t-il? À la fin de ce travail, on peut poser qu’avec En préparation…, nous avons assurément affaire à un discours identitaire, un discours visant à persuader les personnes de se comprendre d’une certaine manière, de se représenter comme semblables, que ce soit dans leur façon de faire, de sentir, de penser, d’agir :

Lorsque les Acadiens se rassemblent, ils aiment chanter et faire la fête.

p. 16

Le fricot au poulet (…) est de loin le plus populaire en Acadie. Autrefois, on le faisait surtout à la poule. Le fricot était d’ailleurs le met (sic) des grandes occasions. Lorsque de la visite arrivait ou qu’il y avait une fête regroupant beaucoup de monde comme les frolics, les corvées, les veillées, on tuait toujours une poule pour faire un fricot. Aujourd’hui encore, presque toutes les familles acadiennes font le fricot à la poule ou au poulet.

p. 36

Ce genre de biscuits [les pets de soeur] se fait de partout en Acadie et depuis fort longtemps.

p. 37

La similitude est aussi plus immatérielle, à travers notamment des qualités partagées, des combats qui ont porté fruits : « Évidemment nous sommes habités aujourd’hui par la même résilience qui nous a permis de surmonter les épreuves, et qui nous permet aujourd’hui d’occuper l’espace public bien au-delà des tintamarres (p. 40) ». Le recours à l’histoire partagée, la souffrance surmontée, fait aussi partie des motifs mis en discours; l’exaltation du travail accompli, du chemin parcouru sont aussi des motifs bien présents. Ce passé à la fois glorieux et malheureux, ces luttes obligent les nouvelles générations. Ici, on semble être en pleine essentialisation de l’identité couplée à une définition des plus ethniques.

L’Acadie a une histoire chargée, pleine de moments tragiques et de grandes réussites, de grands personnages et de réalisations extraordinaires. Quoiqu’il soit essentiel pour un peuple de bien connaître son cheminement historique et encore plus de savoir l’interpréter, il importe aussi de se donner une définition contemporaine de l’Acadie.

Bien au-delà de la colonisation (17e siècle), de la Déportation (18e siècle) et de la Renaissance (19e et 20e siècles), il existe une Acadie bien ancrée dans le 21e siècle qui crée, qui vit, qui apprend et qui se redéfinit encore et toujours (…).

Au fil du temps, l’Acadie s’est dotée d’institutions dont elle peut être fière. Elle a gagné des droits essentiels à son épanouissement. Il est du devoir des Acadiens d’occuper cet espace, de se prévaloir de la richesse des services qui sont aujourd’hui accessibles et de continuer à s’épanouir.

p. 40

Or, à côté de la mention du passé partagé, de l’histoire commune, on note aussi une bonne dose de constructivisme, parfois certes mal ou peu digéré. Brubaker et Cooper (2000) soulèvent cette pose, ce cliché constructiviste qui émaille bien des discours contemporains. Pour poursuivre la réflexion entreprise par ces chercheurs sur la notion d’identité, on peut voir s’actualiser dans En préparation pour le prochain CMA les « dérives » (au sens conceptuel et non pas politique) de la notion d’identité, qui « a tendance à signifier trop (quand on l’entend au sens fort) [ou] trop peu (quand on l’entend au sens faible) » (Brubaker, 2001, p. 66). Pour Brubaker, les deux conceptions sont distinctes et son inventaire des emplois du terme “identité” a révélé

une forte opposition entre des positions qui veulent mettre en lumière l’existence d’une similitude fondamentale ou permanente et d’autres qui rejettent expressément la notion d’une similitude fondamentale. Les premières peuvent être désignées comme des conceptions fortes ou “dures” de l’identité, les secondes comme des conceptions faibles ou « molles” ».

Brubaker, 2001, p. 74

L’auteur fait une description assez détaillée des deux conceptions, dont je reprends ici quelques grandes lignes :

Les conceptions fortes de l’« identité » (…) [insistent] sur la similitude à travers le temps ou entre les personnes. Et elles s’accordent bien avec la manière dont le terme est employé dans la plupart des formes de politique identitaire. (…) La conception forte de l’identité collective implique une conception forte des liens qui relient les membres d’un groupe entre eux et de l’homogénéité du groupe. Inversement (…) [l]es conceptions faibles de l’« identité », (…) sont couramment accompagnées de qualificatifs indiquant que l’identité est multiple, instable, fluente, contingente, fragmentée, construite, négociée, etc. ».

Brubaker, 2001, p. 74

Ce qui fait l’intérêt d’En préparation pour le prochain CMA, c’est qu’il mélange allégrement conception forte et conception faible. La plus pure expression du nationalisme identitaire y côtoie l’acception fluide de l’identité et l’appel à l’adhésion volontaire. Avançant en terrain miné, le texte emprunte plusieurs directions consécutivement plutôt que d’en choisir une seule. Certainement ce mélange des genres a de quoi peiner les tenants « de l’identité de l’identité », si on me permet ce jeu de mots. Il éclaire à mon avis le caractère construit de l’identité tout autant comme catégorie de pratique que comme catégorie d’analyse.