Comptes rendus

Marc-André Houle, La reconversion économique des régions québécoises, Les expériences de Sorel-Tracy et Drummondville, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2021, 306 p.[Record]

  • Marc-Urbain Proulx

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Fort bienvenu, ce livre traite de l’évolution diachronique des structures industrielles territorialisées, sous l’angle conceptuel de la reconversion. Depuis quelques décennies, cet objet général de recherche reçoit l’attention scientifique selon diverses perspectives afin de saisir des processus variés de changement structurel. Il a gagné en pertinence sociale depuis que la politique économique des nations cible particulièrement les grappes industrielles spécialisées qui épousent des formes multiples. En contexte québécois, où l’industrialisation s’avère en retard général sur les États-Unis, cette stratégie nationale de structuration de spécialités territorialisées amorcée en 1992 intervient au sein d’un mouvement continental de désindustrialisation largement causé par l’émergence économique de l’Asie. Les apports théoriques sont réels dans la littérature. Mais leur intégration se bute à la multiplication des modèles concurrents inscrits sous différents libellés qui, dans l’ensemble, souffrent d’un manque de nomenclature. Le phénomène analysé est généralement considéré tel un changement de vocation économique au sein de lieux ou de zones jadis prospères mais devenus stagnants, déclinants ou abandonnés, avant leur rebondissement. Marc-André Houle désire pallier l’absence d’une théorie explicative en offrant « un modèle efficace pour reconvertir ». À la lecture de ce livre, on regrette d’emblée l’absence d’une véritable problématique qui puisse illustrer globalement le phénomène régional étudié. Outre l’Est de Montréal au Québec, des zones industrielles pertinentes pour l’observation sont présentes au sein de la vaste lisière métropolitaine comme à Joliette, Sorel-Tracy, Lachute, Valleyfield, Cowansville, mais aussi dans la frange plus éloignée, à Shawinigan, Drummondville, Grand-Mère, Montmagny et même Asbestos, sans oublier la périphérie avec Matane, Baie-Comeau, Saguenay, Chandler. La localisation particulière de chaque territoire à travers l’espace n’est aucunement neutre en contribuant à l’évolution plus ou moins avancée de la structure industrielle. Au Québec comme ailleurs, l’industrie est à bon escient sélective dans ses choix de sites pour localiser ses unités à travers l’espace. Désormais libéré en bonne partie de sa dépendance à l’égard des ports et des gares par la montée en importance du transport routier, le secteur manufacturier se concentre surtout au sud-est, près de la frontière américaine. Il apparait très présent en Montérégie, notamment aux abords des grands axes de transport. Peu attrayante par contre s’avère la zone semi-enclavée située entre les florissants territoires de l’Estrie, des Bois-Francs et de la Beauce. En outre, les manufactures ne s’établissent que très peu de l’autre côté du fleuve Saint-Laurent, à l’exception de quelques petites poches dans le sud de Lanaudière et de la Mauricie ainsi que dans la couronne nord de Montréal. Au-delà des montagnes Laurentides, les économies industrielles locales sont de fait largement basées sur les grandes entreprises extractives de ressources naturelles qui s’entourent d’équipementiers, de sous-traitants, de fournisseurs, de services spécialisés, mais de très peu de transformateurs. L’exception réside dans les activités agroalimentaires dispersées sur les territoires fertiles qui les font émerger. L’approche analytique retenue par l’auteur pour étudier en détail les cas de Drummondville et de Sorel-Tracy nous semble tout à fait appropriée. Pour élaborer sa thèse de doctorat qui représente largement le matériel utilisé dans ce livre, l’auteur se focalise particulièrement sur les forces endogènes considérées telle une réponse territoriale à la crise mondiale associée à la fin du fordisme. On traite en réalité de gouvernance territoriale selon une perspective institutionnelle et de régulation en considérant les normes, les habitudes, les conventions, les protocoles inhérents à la structure organisationnelle de la communauté. Signalons que pour enrichir le cadre d’analyse des reconversions territoriales ciblées, la prise en compte de certaines composantes de nature exogène aurait été souhaitable, tels le champ concurrentiel des spécialisations territoriales, les modalités de transport, la variable technologique. Ce sont ces facteurs exogènes qui généralement provoquent les …