Comptes rendus

Pierre Lavoie, Mille après mille. Célébrité et migrations dans le Nord-Est américain, Québec, Boréal, 2022, 326 p.

  • Nazaire Joinville

…more information

Access to this article is restricted to subscribers. Only the first 600 words of this article will be displayed.

Access options:

  • Institutional access. If you are a member of one of Érudit's 1,200 library subscribers or partners (university and college libraries, public libraries, research centers, etc.), you can log in through your library's digital resource portal. If your institution is not a subscriber, you can let them know that you are interested in Érudit and this journal by clicking on the "Access options" button.

  • Individual access. Some journals offer individual digital subscriptions. Log in if you already have a subscription or click on the “Access options” button for details about individual subscriptions.

As part of Érudit's commitment to open access, only the most recent issues of this journal are restricted. All of its archives can be freely consulted on the platform.

Access options
Cover of Nouveaux regards sur l'émigration canadienne-française et la franco-américanie, Volume 65, Number 2-3, May–December 2024, pp. 161-569, Recherches sociographiques

La Nouvelle-Angleterre, région située au nord-est des États-Unis et composée des États de Maine, Vermont, New Hampshire, Massachusetts, Connecticut et Rhode Island, partage avec le Québec une importante histoire de rapports migratoires. Entre le milieu du 19e siècle et le début du 20e siècle, soit avant la grande dépression, des centaines de milliers de Canadiens français ont quitté le Québec et se sont établis dans cette région pour des raisons économiques. Si ce phénomène migratoire a fait l’objet d’une certaine représentation dans la littérature scientifique, l’historien Pierre Lavoie dans un essai fort documenté, paru en 2022 aux Éditions Boréal, en fait ressortir un aspect inédit et très significatif. Il explore les liens qui ont uni Mary Travers, Jean Grimaldi et Rudy Vallée au Nord-Est américain et leur rapport à la francophonie au cours de cette période. Ces trois personnalités qui furent, respectivement, l’une des premières vedettes de la chanson québécoise, une figure de proue de l’art du Crooning à Broadway et Hollywood et un directeur de tournée dans le Nord-Est américain, eurent non seulement une visibilité médiatique hors du commun, mais aussi une activité transnationale entre la fin des années 1920 et les années 1970. Ainsi, cet ouvrage qui ouvre une fenêtre sur, entre autres, les médias, la célébrité et l’identité culturelle pendant l’ère de la migration, apporte un complément aux autres contributions mettant en lumière ce phénomène sans précédent. En cinq grands chapitres, l’auteur met en exergue ces trois personnalités qui ont contribué à la nationalisation et l’ethnicisation de la culture. Il affirme que ces artistes nomades dont le public était formé majoritairement d’ouvriers, ont contribué à la socialisation des descendants de migrants du Québec en Nouvelle-Angleterre. Au cours de cette période, en raison du fait qu’il y avait plus de gens d’expression française en Nouvelle-Angleterre que dans tout le Canada, cette région a été souvent présentée comme une partie du marché intérieur du Québec. D’ailleurs, les communautés de migrants ont créé dans cette région des institutions sociales et interétatiques en vue de renforcer leurs liens de solidarité. Ainsi, l’ouvrage de Pierre Lavoie montre, d’une part, comment ces institutions ont participé à l’invention de l’ethnicité aux États-Unis et, d’autre part, comment cette migration « a laissé derrière [elle] des réseaux et des stratégies de mobilité et de représentations sociales » (p. 290). En un mot, l’auteur brosse un portrait de l’histoire de l’identité francophone dans le Nord-Est américain. Ce livre, qui ne se concentre pas uniquement sur les oeuvres de ces artistes d’ascendance francophone, explore leur histoire et surtout leur mobilité. Cette dernière est une façon de s’identifier : plus que des destinations, elle « génère plutôt d’autres mouvements et, parfois, de nouvelles identités » (p. 298). Le livre pose un regard particulier sur la grande contribution qu’ont apportée ces artistes à la définition ainsi qu’à la redéfinition des identités canadienne-française, franco-américaine et américaine. Si Travers et Grimaldi font partie de la même formation culturelle, Vallée, quant à lui, fait des va-et-vient entre Broadway et Hollywood, les deux pôles des industries culturelles américaines. Les mouvements de ces trois personnages, les publics qu’ils rencontrent, les médias qu’ils utilisent, leur expérience de l’ethnicité, entre autres, font d’eux des artistes hors du commun. Selon l’auteur, ils furent des nomades, voire des figures subversives évoluant dans un espace transnational et réussissant « à concilier des codes culturels parfois contradictoires et changeants au sein de leur propre identité » (p. 22-23). Se démarquant d’autres travaux de recherche réalisés sur cette période de la migration canadienne-française en Nouvelle-Angleterre, l’ouvrage de Pierre Lavoie est indubitablement le résultat d’une enquête hors du commun sur la …