Comptes rendus

Marianne Kempeneers et Renée B. Dandurand (dir.) en collaboration avec Isabelle Van Pevenage et Marie Vanbreleersch, Solidarités familiales : ce qui a changé au Québec sur trois générations, Montréal, Delbusso éditeur, 2024, 250 p.

  • Antoine Rignault

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Cover of Langue et immigration au Québec : élargir le débat, Volume 66, Number 1, January–April 2025, pp. 7-229, Recherches sociographiques

L’ambition que se fixe ce plaisant ouvrage transparaît fidèlement dans la formulation de son titre : il s’agit de rendre compte des bouleversements qu’ont connus, au cours du siècle écoulé, les pratiques de solidarités familiales au Québec. Celles-ci englobent en fait tout ce qui relève des pratiques d’assistance dispensées au sein d’une parentèle sur le mode de la réciprocité, et possède une consistance juridique diffuse, à l’inverse par exemple des formes d’obligations légales qui caractérisent les responsabilités assignées aux parents vis-à-vis leurs enfants. Ce thème des solidarités familiales apparaît surtout à partir des années 1980 dans l’arène politique, dans l’air du temps néolibéral qui prône un désengagement général de l’État dans l’assistance aux individus. De manière concomitante, les solidarités familiales émergent comme champ scientifique dont on retrouve les soubassements théoriques dans l’École socioanthropologique française, et qui résonne avec les préoccupations des théoriciens prédisant la nucléarisation voire la disparition de la famille dans les sociétés postindustrielles dans la seconde moitié du 20e siècle. Pour autant, de par les choix éditoriaux de ses quatre autrices, cet ouvrage ne se caractérise pas par un foisonnement théorique excessif, ce qui fait peut-être aussi sa limpidité, qui se trouve servie par une écriture agréable et imagée. Plus qu’une synthèse, l’ouvrage mobilise et restitue en fait les résultats d’une enquête mixte et transversale menée en 2004 à Montréal auprès d’un panel de 500 personnes québécoises francophones nées entre 1934 et 1954, enquête qui se trouve être le pendant d’une réalisée précédemment en France. L’ouvrage est jalonné de ces biographies familiales, qui participent du style narratif adopté. On parcourt ainsi le 20e siècle, à travers le regard des participants à l’enquête; c’est là la richesse de l’ouvrage, mais aussi la limite de l’enquête au sens où l’on n’accède au passé et au présent des solidarités familiales qu’à travers les yeux de cette génération spécifique (plus ou moins celle des boomers), sans longitudinalité. Au demeurant, trois des sept chapitres que compte cet ouvrage ne sont pas tout à fait originaux, et sont en fait des versions augmentées d’articles publiés ailleurs et précédemment par les quatre autrices, ce qui participe peut-être de l’inégale consistance des chapitres. D’ailleurs, mis à part ces augmentations, il est parfois malaisé de saisir les contributions respectives des autrices à l’ouvrage. À partir de cette enquête, les autrices proposent une triple trame chronologique qui structure les différentes thématiques telles qu’elles sont traitées dans cet ouvrage : celles biographique et généalogique des participants à l’enquête, mais aussi et surtout celle historique de l’évolution des formes de solidarités familiales au Québec au siècle dernier, qui oriente tout l’ouvrage et qui se trouve incarnée dans les deux trames précédentes. Cette trame historique, découpée en trois grandes périodes qui épousent globalement celle de l’historiographie québécoise commune, met aux prises différentes institutions dans l’assistance apportée aux individus. Une première période (1934-1959), qui correspond grossièrement à la « Grande noirceur », constitue la période d’enfance et de prime jeunesse des participants, et se caractérise par l’omnipotence de l’Église et de sa doctrine sociale de charité sur les familles québécoises, ainsi que par des solidarités familiales fortes. La seconde période (1960-1984) correspond à une période où les répondants deviennent adultes et parents : la Révolution tranquille apporte une modernisation et des changements rapides, qui se caractérisent surtout par le déploiement d’un État-providence dont l’action redistributive soulage et relaie les solidarités familiales, et permet une forme d’émancipation pour les individus. La troisième période (1985-2004) correspond à la période de grand-parentalité pour les répondants, durant laquelle l’État redéfinit sa doctrine sociale et évacue une partie de ses responsabilités auprès des individus …