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Problématique de l’approche culturelle de l’enseignement du français

La réforme actuelle de l’école québécoise propose un nouveau rapport aux savoirs, en présentant autrement les modes d’appropriation des connaissances et leurs modes d’utilisation. La ligne de force retenue pour cet article est l’approche culturelle de l’enseignement. Un intérêt croissant pour cette approche est noté auprès des enseignants et des chercheurs en éducation.

Particulièrement dans le domaine de l’enseignement du français, la langue et la culture sont présentées comme deux dimensions essentielles de la classe. L’approche culturelle de l’enseignement permet aux élèves d’accéder à une connaissance organisée de la discipline, tout en construisant des liens entre diverses disciplines afin de les situer dans des contextes historiques et culturels. Ainsi, dans le Programme de formation de l’école québécoise[1] (MÉLS, 2004), les cinq grands domaines d’apprentissage et de connaissances sont considérés à la fois dans leur complémentarité et dans leur interaction avec des compétences transversales et des domaines généraux de formation. Dans cette perspective, la recommandation de l’approche culturelle de l’enseignement touche les enseignants par rapport au rôle qu’ils auront à jouer au sein de l’école. Comment donc intégrer dans sa pratique enseignante une perspective culturelle riche et signifiante ? Telle est la question qui, entre autres, préoccupe de façon continue le personnel enseignant.

Le fait de favoriser une approche culturelle de l’enseignement est une option privilégiée par la réforme puisqu’elle associe et conjugue les savoirs. Toutefois, tout en présentant un intérêt, elle soulève plusieurs questions relatives entre autres à la discipline d’enseignement, aux contenus culturels, à la formation culturelle des élèves et à celle des enseignants, ainsi qu’aux pratiques enseignantes de transmission des savoirs culturels au sein de l’école comme institution culturelle. Afin d’analyser ces questions, il est utile de présenter une réflexion théorique concernant l’approche culturelle de l’enseignement. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre d’une problématique socioconstructiviste de l’enseignement et de l’apprentissage. Essayons d’abord de présenter le concept culture, difficile à définir.

Le concept de culture

Les diverses acceptions et la prolifération des discours sur la culture créent des champs sémantiques éclatés. La diversité des points de vue, des pratiques, des théories et des axiologies installe un flou sémantique autour du terme. Tout d’abord, il est essentiel de rappeler que la culture est loin d’être un concept univoque et que son statut est un objet de débat. Weber (1965) appelait sciences de la culture toutes les disciplines qui s’efforcent de connaître la signification culturelle des phénomènes de la vie. De son côté, Melançon (2002, p. 98) signale que la culture retravaille sans cesse ce dont elle hérite pour créer une mémoire vive qui intervient dans la compréhension et l’évaluation des faits et des gestes quotidiens.

Ainsi, la culture travaille tout ce qui nous entoure, elle l’aménage, le façonne, le manipule, le modélise. La culture, c’est ce qui nous permet de comprendre le monde, mais elle nous installe aussi dans la mouvance des conditionnements qu’elle véhicule.

Toutefois, malgré les multiples acceptions données au concept de culture, certaines définitions s’inscrivent dans la distinction entre culture individuelle et culture sociale, culture première et culture seconde. D’autres, comme le rappelle Boutin (2001) inscrivent la culture dans trois orientations : la culture comme patrimoine donné de connaissances et de savoirs ; la culture comme ensemble de valeurs partagées par une communauté ; et la culture perçue comme pratiques quotidiennes.

Les importantes réflexions de Dumont (1995) sur la complémentarité du concept de culture comme objet au sens descriptif et au sens normatif orientent notre analyse du terme. De plus, les distinctions qu’établit Dumont (1968) entre la culture première et la culture seconde nous éclairent quant à l’exploitation pédagogique de la culture. Pour lui, la culture première (sens descriptif) correspond aux modes de vie, aux comportements, aux attitudes et aux croyances d’une société donnée. L’élève est ainsi imprégné d’une culture première qu’il porte en lui, comme univers familier, constitué par la langue maternelle, les conduites familiales et sociales, les aspects quotidiens, les habitudes de vie, les représentations du temps, de l’espace, de l’environnement, etc.

Selon Dumont, la culture peut être aussi comprise comme un objet qui introduit une distance et un regard sur le monde. Elle devient culture seconde et acquiert ainsi un sens explicatif, voire normatif. Elle se réfère à l’ensemble des oeuvres produites par l’humanité pour se comprendre elle-même dans le monde.

De plus, il est important de penser la culture, non pas comme un objet de savoir désincarné mais plutôt comme une relation au savoir à construire. Un savoir n’a de sens qu’en référence aux rapports qu’il suppose avec le monde, avec soi-même et avec les autres. Ainsi, la culture au-delà de sa représentation comme objet, permet d’établir des rapports au monde, à soi et à autrui.

La formation culturelle est donc une appropriation personnelle de l’appris et de l’acquis. Elle est aussi présentée comme un moyen de développement de l’esprit critique du jeune. Zakhartchouk (1999, p. 26) précise que ce qui nous intéresse dans la culture, c’est ce qui va déstabiliser nos croyances, inciter aux remises en cause, nous laisser insatisfaits du monde tel qu’il est, en nous faisant entrevoir d’autres horizons. Cette conception de la culture, comme élément essentiel de la formation de la personne oriente en pédagogie les activités qui amènent les jeunes à chercher à comprendre, à découvrir, à questionner et à construire des réponses provisoires.

Pédagogie et culture

Le fait d’inscrire la problématique des discours autour de la culture dans une perspective pédagogique nous amène à avancer que l’école entretient un lien étroit aussi bien avec les deux perspectives, descriptives et normatives, de la culture, qu’avec la représentation de la culture comme rapport et comme relation aux savoirs à construire. L’école en tant qu’organisation située dans un espace et un temps donnés, fait partie de la culture première. De plus, comme institution vouée à la compréhension du monde, l’école est un réseau de cultures secondes. Elle choisit les éléments qui semblent essentiels à la formation d’un être cultivé. Enfin, l’école intègre également la perspective de la culture comme rapport puisqu’elle permet d’établir des rapports relationnels aux savoirs. La tâche de l’enseignant serait ainsi d’aider l’élève, par la médiation des objets culturels, à entretenir un processus de construction des rapports au monde, à soi-même et aux autres. Cette tâche éducative est difficile, surtout qu’il s’agit d’éviter ce que Morin (1999) traduit par la métaphore de la culture découpée en pièces détachées. La tâche de l’enseignant est toutefois féconde, étant donné que la médiation culturelle est essentielle pour que les élèves rattachent les objets de leur milieu quotidien à des thèmes, à des récits et à des productions du patrimoine scientifique et culturel national et mondial. Elle permet à l’élève d’accéder aussi bien à un héritage culturel culture du passé qu’à la culture actuelle culture du présent, selon les termes utilisés par Simard (2002). Ainsi, la formation culturelle de l’apprenant se construit à partir des liens qui se tissent entre ses propres repères culturels et les différentes expressions de la culture qu’il découvre grâce au travail collaboratif avec les pairs et avec l’aide de l’enseignant. Ce processus fécond d’apprentissage collaboratif, défini par Vygotski (1997), permet la conquête de nouveaux savoirs ainsi que l’intégration et la modification de savoirs déjà construits. Les volets culturels à découvrir et à exploiter amènent l’apprenant à réfléchir, à juger, à critiquer et à développer des opinions personnelles. Perrenoud (1994, p. 165) note que la culture est une ressource face aux tâches scolaires, de milles manières, mais peut-être d’abord parce qu’elle permet de construire du sens et de trouver la bonne distance face aux attentes de l’école.

L’intégration de la dimension culturelle à l’école, depuis longtemps valorisée, selon Audet et Saint-Pierre (1997), touche de manière complexe et profonde les pratiques pédagogiques du personnel enseignant. L’enseignant est qualifié de passeur et médiateur culturel, il organise le dialogue entre l’élève et un héritage de culture aussi bien personnelle que nationale et mondiale. Ainsi, l’approche culturelle de l’enseignement présuppose que l’enseignant a une compréhension disciplinaire étendue et structurée, qu’il maîtrise les éléments de contenus mais aussi leur intégration horizontale et verticale. De plus, comme la culture de l’enseignant a une incidence sur sa pratique, c’est sur elle que repose l’intégration de la dimension culturelle à l’école. Elle imprègne ainsi le choix des contenus, le choix des activités d’apprentissage, l’élaboration d’actions pédagogiques et la planification des séquences didactiques.

Ces choix culturels qui ne peuvent être que subjectifs posent problème selon Zakhartchouk (1999) puisque l’enseignant ne pourra être à l’écoute des autres formes culturelles, en étant ouvert et prêt aux dialogues surtout quand ces formes sont lointaines de lui, de ses habitudes et de ses goûts (p. 51).

L’intégration d’une perspective culturelle dans l’enseignement et dans l’apprentissage du français est un des objectifs du PFÉQ (2004) qui soulève le plus de questions. La tâche culturelle de l’enseignant comme passeur culturel est à la fois essentielle et problématique (Zakhartchouk, 1999 ; Tardif et Lessard, 1999 ; Perrenoud, 2001). Elle est gardée dans un flou total dans le PFÉQ (2004). La pratique enseignante serait une médiation entre la culture première des élèves et la culture seconde. Cette médiation dépend de l’initiative personnelle des enseignants et de leur choix. Cela représente une reconnaissance et une valorisation du rôle et de la tâche des enseignants, reconnus ainsi comme pédagogues cultivés.

Néanmoins, cette médiation, tâche confuse, difficile et nécessaire selon les termes de Caune (1999), n’est pas explicitée dans le programme de formation par des orientations précises ni par des pistes réflexives qui éclairent sur son processus complexe et surtout jamais neutre. De plus, les enjeux de la médiation culturelle de l’enseignant ne sont pas définis, ni les balises des interventions pédagogiques précisées. Le PFÉQ insiste sur le rehaussement culturel du cursus scolaire et sur l’intégration de la dimension culturelle à l’école. Celle-ci prend forme par l’exploitation de repères culturels signifiants, associés à divers éléments constitutifs du PFÉQ. Il y est juste précisé que : Dans un contexte scolaire ouvert sur le monde, l’élève participe à des activités culturelles en français et lit des oeuvres francophones d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui. Il développe sa sensibilité à l’égard de la langue et de la culture (MÉLS, 2004, p. 86). De plus, le Programme insiste sur le fait que pour construire ses propres repères culturels, l’élève s’inscrit dans un cheminement culturel, il est guidé par l’enseignant qui joue le rôle d’un passeur culturel. Il accompagne l’élève en situation d’apprentissage tout en l’aidant et surtout en favorisant l’appropriation culturelle. Mais cette tâche complexe et exigeante des enseignants n’est pas préparée ni appuyée par une formation continue, comme le soulignent plusieurs points de vue d’enseignants du secondaire, Riente,(2003) en particulier. Surtout que la compétence de l’enseignant comme passeur culturel semble difficile à circonscrire. Selon Julien (2001, p. 175) :

Il appert que les enseignants ne sont pas des lecteurs assidus (tant en France qu’au Québec), qu’ils ne fréquentent pas beaucoup le théâtre et qu’ils écrivent très, très peu. Ils ne vivent pas suffisamment la culture actuelle, et quand ils ont à transmettre des éléments culturels tant actuels que classiques, ils puisent trop fréquemment dans leurs propres souvenirs d’élèves.

Afin de mieux comprendre la problématique de l’approche culturelle de l’enseignement, il semble pertinent de chercher à savoir comment les enseignants s’organisent pour développer des outils didactiques mettant les élèves en situation d’appropriation culturelle.

L’approche culturelle de l’enseignement et des pratiques enseignantes au secondaire

La suite de cet article présente un aperçu d’une recherche exploratoire menée auprès d’un échantillon de 30 enseignantes et enseignants du secondaire dans la région du Bas-Saint-Laurent. Deux interventions, s’inscrivant dans le cadre des journées de ressourcement qui sont offertes aux enseignants associés à la formation pratique des stagiaires du baccalauréat en enseignement secondaire, ont permis d’orienter les objectifs de la recherche. Celle-ci cherchait à identifier comment la conception de la culture chez l’enseignant pouvait avoir une incidence sur ses pratiques pédagogiques.

Les objectifs retenus pour cette recherche exploratoire sont :

  1. Savoir ce que les enseignants pensent de l’approche culturelle de l’enseignement.

  2. Identifier comment l’approche culturelle de l’enseignement s’inscrit dans leurs pratiques pédagogiques.

  3. Récolter des interrogations que se posent les enseignants face à l’approche culturelle de l’enseignement.

S’agissant de documenter une problématique complexe, le choix s’est porté sur une méthodologie qualitative. L’exploration s’est faite auprès de 30 enseignants choisis selon un échantillonnage aléatoire simple. Des entrevues semi-dirigées individuelles et en groupes de deux ou trois enseignants ont été réalisées. Comme l’entrevue est une technique qui comporte certains enjeux éthiques, la confidentialité et l’anonymat ont été assurés aux participants. Toutefois, n’ayant pu obtenir les autorisations écrites pour enregistrer les entrevues, la prise de note a été le seul moyen de collecter les données.

Le schéma de l’entrevue contenait les questions suivantes posées aux participants :

  • Quelle est votre compréhension du concept de culture à l’école ?

  • Qu’est-ce que pour vous l’approche culturelle de l’enseignement et quelles sont les actions pédagogiques que vous privilégiez dans une telle approche ?

  • Quelles sont les questions que vous vous posez face à l’approche culturelle de l’enseignement ?

La nature des éléments de contenu du corpus a été déterminée par la méthode de la prise de note comme seul moyen de collecte des données. L’analyse de contenu a permis d’identifier les significations données à l’approche culturelle par les participants. Elle a également permis de décrire des outils didactiques utilisés pour développer les activités culturelles à l’école.

Premièrement, nous allons présenter quelques significations données au mot culture par les participants. Ensuite, nous regarderons leurs perceptions quant à l’impact de l’approche culturelle de l’enseignement sur leurs pratiques pédagogiques ainsi que leurs interrogations face à cette approche.

Pour les enseignants, le mot culture recouvre l’ensemble des connaissances générales et une réalité large touchant plusieurs domaines autant les arts que la littérature, l’histoire, la géographie, les sciences, la musique, le théâtre, le cinéma et d’autres pratiques culturelles. La synthèse suivante regroupe globalement les définitions données à la culture par les participants.

La culture est l’ensemble des valeurs d’une société qui sont liées à la religion, à la langue, à la façon de vivre, aux interactions interpersonnelles, au savoir-être et au savoir-faire. La culture regroupe aussi les modes de vie propres à chaque peuple se transmettant d’une génération à l’autre : les habitudes, les rites, les croyances, les modes vestimentaires, les particularités alimentaires et culinaires. La somme des connaissances formant l’héritage familial et social constitue la culture première liée à l’univers familial. De plus, la ou les cultures apprises sont présentées comme culture seconde, comme second regard porté sur le réel et construit par l’univers humain dans lequel la personne vit. Cette culture seconde est confrontée à une culture ou des cultures identitaire(s) constituées de façon évolutive de l’héritage familial et sociétal et de l’ensemble des coutumes, des traditions, comme patrimoine culturel transmis d’une génération à l’autre, de façon écrite et orale.

Sur un plan pratique, la culture constitue le fondement des actions quotidiennes, des façons de penser, d’agir et de réagir. Cet ensemble de signes permet la différenciation et la distinction des uns et des autres, mais rapproche aussi les uns des autres, comme communauté culturelle. Enfin, la culture est également présentée par les participants comme rapport aux différents savoirs et comme processus de distanciation, comme quête de sens pour comprendre et donner des significations aux savoirs enseignés.

Quant à l’impact de l’approche culturelle de l’enseignement sur les pratiques pédagogiques, il se traduit, selon les participants, par les actions suivantes :

  • Essayer d’établir des liens entre les contenus du programme scolaire de l’enseignement et la culture première de l’élève.

  • Axer le plus possible les activités pédagogiques sur les particularités du contexte scolaire et environnemental. Par exemple, mettre les élèves en contact avec le théâtre local ou toute autre forme de production artistique et culturelle de la région. Il est utile de leur donner des références sur les sites historiques de leur environnement proche et sur les légendes du patrimoine culturel régional (par exemple, la légende de l’Hermite de l’Ile Saint-Barnabé, connue dans le patrimoine culturel de la région du Bas-Saint-Laurent). Les élèves travaillent avec enthousiasme quand le projet d’écriture s’inscrit dans une thématique qui les motive, s’il porte sur l’équipe sportive de leur région, par exemple, l’équipe l’Océanic de Rimouski et la vedette du hockey Sydney Crosby.

  • Intégrer des spécificités culturelles, linguistiques, vestimentaires, alimentaires, et des particularités artistiques et artisanales dans les activités d’enseignement et d’apprentissage. Ce procédé crée ou renforce chez les élèves un sentiment d’appartenance à l’école et à la région. De plus, ils se sentent valorisés et ils sont par conséquent motivés.

  • Fournir aux élèves des occasions d’accumuler des acquis expérientiels à l’aide de projets multidisciplinaires impliquant plusieurs enseignants. Plusieurs projets ont été donnés comme exemple, un projet sur la pollution marine dans le Bas-Saint-Laurent et la recherche de solutions. Un projet portant sur l’exode des jeunes en région et la réalisation de documents présentant les avantages de la vie en région a aussi été cité comme projet pilote.

L’ensemble des participants reconnaît que l’approche culturelle de l’enseignement permet de comprendre et d’apprécier les différences entre élèves, de même qu’elle rapproche l’élève de son expérience vécue, le questionne sur son environnement immédiat et l’aide à s’ouvrir au monde. De plus, elle permet à l’élève de connaître l’histoire des savoirs et de développer des éléments culturels liés aux savoirs et à leur évolution.

Les participants ont également discuté du lien entre les pratiques pédagogiques et l’approche culturelle de l’enseignement. Selon eux, la culture de l’enseignante ou de l’enseignant a une incidence sur sa pratique. Elle oriente ses gestes professionnels quant à la planification des séquences didactiques, aux choix des objectifs et des contenus d’apprentissage. Elle influence également le choix des exercices, des illustrations et des projets pédagogiques ainsi que la conception des activités d’apprentissage et leur évaluation.

Ces différentes incidences sur les pratiques enseignantes présupposent que les enseignants ont une compréhension disciplinaire plus étendue que ce qu’ils doivent enseigner dans le PFÉQ et une maîtrise des cultures transversales des différentes disciplines dans une perspective intégrative et décloisonnante.

Ainsi, les participants ont aussi soulevé des questions qui les préoccupent par rapport à leur rôle de passeurs culturels et au programme La culture à l’école, proposé conjointement par le MÉLS et le MCC[2] (2004) :

  • Comment s’arrimer à la culture des jeunes tout en leur transmettant la culture du milieu ou des milieux scolaires ?

  • Quelle place laisser à la période du partage d’impressions, de commentaires et de questionnements des élèves dans le cadre d’un programme d’études chargé et normalisé ?

  • Comment atteindre les multiples compétences que contiennent les programmes d’études tout en privilégiant l’apprentissage par projets et la construction des repères culturels chez les élèves ?

  • Comment choisir les médiations pédagogiques appropriées ?

  • Comment gérer la réalisation des projets culturels par les élèves et surtout comment les évaluer ?

  • Comment porter un jugement juste et précis sur le travail des élèves ?

  • Comment évaluer les apprentissages « culturels » qui sont faits par les élèves dans le cadre d’un travail coopératif ?

  • La concertation et la collaboration des différents partenaires culturels de l’école ne sont-elles pas que de nobles et pieux souhaits, réalisables sur papier, selon la majorité des participants ?

Discussion et conclusion

La recherche exploratoire poursuivait trois objectifs. Premièrement, il s’agissait d’identifier des significations que peuvent donner les enseignants à l’approche culturelle de l’enseignement. Deuxièmement, elle voulait identifier l’impact de l’approche culturelle de l’enseignant sur les pratiques enseignantes. Et, enfin, elle cherchait à recueillir des questions que se posent les enseignants quant à l’intégration de la perspective culturelle aux activités pédagogiques de l’école.

Même si le travail mené dans le cadre de cette recherche qualitative ne permet pas de transposer les observations recueillies ni de généraliser les constats, il témoigne, néanmoins, de l’importance de considérer quelques pistes de réflexion comme discussion des résultats.

Les perceptions et les commentaires des enseignants qui ont participé à la recherche orientent vers quelques pistes de réflexion sur la représentation que se font les enseignants de l’approche culturelle de l’enseignement ainsi que sur l’impact de cette représentation sur les pratiques enseignantes. Les cinq pistes suivantes présentent les réflexions que suscitent les résultats de la recherche dans la perspective d’une évolution vers un questionnement plus large sur l’approche culturelle de l’enseignement :

  1. La construction des repères culturels chez les élèves, en particulier au secondaire, exige de la part de l’enseignant une grande maîtrise de la culture des disciplines. L’enseignant de français doit connaître l’histoire et l’épistémologie de cette discipline d’enseignement ainsi que d’autres, afin d’aider les élèves à accéder aux circonstances historiques, culturelles et sociales qui sous-tendent l’élaboration des savoirs.

  2. Les médiations par rapport à la culture du passé et à la culture du présent s’inscrivent dans un processus interprétatif de choix subjectifs. Com-ment la sélection au sein de la culture se fait-elle ? Et comment les réorganisations didactiques des contenus d’enseignement destinés aux élèves se justifient-elles ?

  3. Comment l’enseignant peut-il tenir compte de la diversité culturelle des élèves dans la mise au point de médiations pédagogiques appropriées ?

  4. L’approche culturelle de l’enseignement fait appel à l’interdisciplinarité et au travail coopératif entre les enseignants de plusieurs disciplines. Plusieurs expériences nous amènent à constater la difficulté liée à la gestion des projets interdisciplinaires. Lebrun et Roussel (2002) expliquent les limites du projet interdisciplinaire, proposant des activités autour du roman Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier ; projet mené auprès d’élèves doubleurs de première secondaire et impliquant les enseignants de français, mathématiques, géographie, arts plastiques, anglais et écologie.

  5. À l’intérieur du PFÉQ, l’intégration de la dimension culturelle dépend essentiellement de l’enseignante et de l’enseignant. Cette intégration repose sur l’interprétation et l’initiative des enseignants, ce qui peut s’avérer souvent aléatoire.

Le discours des participants a fait ressortir l’importance du savoir d’expérience ainsi que l’importance de la culture générale pour aider les élèves à s’approprier les savoirs culturels. Ils ont aussi exprimé leurs interrogations face à la complexité des pratiques enseignantes de l’approche culturelle de l’enseignement. Surtout quand il s’agit de dépasser la logique instrumentale de l’enseignement et de l’apprentissage. Il est utile de rappeler que la formation des enseignants cultivés est encore un domaine de recherche à explorer et à approfondir. Par ailleurs, les résultats obtenus dans la présente recherche indiquent que les liens entre l’approche culturelle de l’enseignement et les pratiques enseignantes restent à clarifier. Ils ont permis d’identifier quelques difficultés que rencontrent les enseignants dans la pratique des tâches enseignantes qu’ils ont à effectuer ainsi que le besoin de formation continue inscrite dans un développement professionnel efficace.