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Introduction

Le contexte universitaire québécois

En 2004, le Conseil supérieur de l’éducation a estimé à 3072 le nombre de professeurs qui devront être embauchés entre les années 2003 et 2008, pour compenser les mises à la retraite et la mobilité des professeurs d’université ainsi que pour répondre aux nouveaux besoins de formation et de recherche. Des questions se posent aujourd’hui au sujet des compétences que devront détenir ces nouvelles recrues, ainsi que sur la manière de les intégrer dans un environnement universitaire qui se complexifie sans cesse (Conseil supérieur de l’éducation, 2003). La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université a bien mis en relief les conséquences des choix que feront les universités :

Le renouvellement du corps professoral ne se limite pas au nombre d’embauches de qualité à atteindre. Les politiques qui présideront à ces embauches de même que les valeurs qui marqueront le début de ces nouvelles carrières vont configurer « l’Université de demain ».

Hébert, 2004, p. 3

Étant donné que l’enseignement et l’encadrement des étudiants représentent une partie importante de la tâche à assumer en milieu universitaire, il est évident que l’arrivée importante de nouvelles recrues (Bertrand, 2004) remet à l’avant-scène la question de la formation pédagogique et professionnelle des professeurs d’université.

Un des changements majeurs qui se profilent actuellement dans le champ de la formation pédagogique des professeurs est que l’on se centre désormais sur l’apprentissage de l’étudiant, obligé de participer activement, de construire sur la base de ses connaissances antérieures et de développer son autonomie concurremment à sa confiance en soi. La relation avec le professeur change : il faut maintenant que ce dernier en sache davantage qu’auparavant sur les connaissances préalables de l’étudiant pour que l’apprentissage prenne du sens. Plus que jamais, il doit montrer un intérêt et un souci pour la réussite de ses étudiants. Davantage de choix d’environnements d’apprentissage sont et seront proposés aux étudiants, entre autres, le moment, l’endroit, le rythme d’apprentissage, les interactions avec le personnel et les autres étudiants, les conditions d’admission et de sortie, l’accès aux services, etc. Cela signifie que les professeurs devront apprendre à enseigner en présence, à distance, avec les TIC, et qu’ils seront obligés de mieux planifier leurs cours, seuls ou en équipe. Enfin, à l’avenir, les technologies devront être utilisées en fonction de l’apprentissage, sinon elles seront contre-productives. En conséquence, les professeurs débutants auront à apprendre ce que signifie enseigner pour favoriser l’apprentissage et auront besoin de soutien pour y parvenir (Prosser et Trigwell, 1999).

Cette préoccupation pour la qualité de l’enseignement et les compétences des professeurs a fait l’objet de nombreuses recherches. Ainsi, Kane, Sandretto et Heath (2002) rapportent 47 recherches menées, entre 1990 et 2000, sur les conceptions et les connaissances pédagogiques de professeurs d’universités de plusieurs pays. Face à l’évolution actuelle, bien des universités ont mis sur pied des formations conçues pour mieux préparer les professeurs, autant les novices que les plus expérimentés, à leurs nouvelles tâches. Ces formations sont orchestrées par diverses instances administratives, dont des centres de soutien, parfois dirigés par des professeurs.

Les formations offertes aux professeurs

Dans des universités canadiennes, américaines, australiennes, asiatiques et européennes, les formations non créditées offertes aux professeurs et aux assistants sont nombreuses et diversifiées, tant dans leurs formes que dans leurs contenus et leur durée. Il faut remarquer que ces formations ont pris leur essor dans des contextes majoritairement anglophones, où les actions sont très variées, allant du centre de formation à des programmes d’accréditation extra-universitaire et à des prises en charge, par des gouvernements, de l’objectif de l’excellence en enseignement. En Angleterre, le Staff and Educational Development Association (SEDA) et, en Australie, le Higher Education Research and Development Society of Australasia plaident pour une accréditation pédagogique des professeurs (Bond, Boud, Lublin et Webb, 1997) sous des formes variées, mais dans une perspective de formation continue. Aux États-Unis, plus du tiers des universités comptent un centre de formation à l’enseignement ou de formation professionnelle au service des professeurs et des chargés de cours (Angelo, 1994). Cependant, il semble que, faute d’un nombre suffisant de recherches évaluatives, peu de preuves aient été apportées de l’efficacité des formations et qu’une forte résistance à des formations autres que disciplinaires persiste chez les universitaires.

À partir d’une exploration des écrits scientifiques, nous avons retracé l’évolution des formations à travers les trente dernières années, ainsi que celle des aspects organisationnels liés aux Centres qui dispensent ces formations dans les universités. Nous en avons dégagé des règles valorisées actuellement pour assurer l’efficacité des formations et la qualité des activités des Centres universitaires voués à ce rôle, ainsi qu’une catégorisation des formations. Nous présentons ensuite quelques informations tirées de l’offre de formation disponible sur les sites web de 48 universités de divers pays en analysant leurs tendances à la lumière de l’exploration des écrits de recherche qui précèdent. Enfin, nous proposons des pistes pour des recherches ultérieures.

Exploration des écrits concernant la formation des professeurs

L’enseignement a changé de nature au cours des dernières décennies, souvent sous la pression des changements sociaux. Même si l’exposé magistral demeure la stratégie la plus utilisée, on constate que les conceptions et les pratiques d’enseignement évoluent, en réponse au développement des savoirs, à la diversification des clientèles et à la présence des nouvelles technologies (Bertrand, 2004 ; Webb et Murphy, 2000). Ainsi, les contenus augmentent sans cesse et, étant donné qu’on ne peut plus seulement ajouter, il faut choisir ce qu’on juge essentiel et organiser l’information. Comme les emplois exigent des habiletés de réflexion, de critique et de résolution de problèmes en plus de compétences en communication orale et écrite et en recherche, il faut enseigner aux étudiants à apprendre et à devenir autonomes dans leur apprentissage. L’enseignement déborde donc des limites de la transmission de connaissances, et les professeurs sont et seront de plus en plus considérés comme des concepteurs de situations stimulantes d’apprentissage, comme des mentors et des aides. Les formations ont généralement suivi ce changement allant d’une conception de l’enseignant vers une conception du professionnel qui agit au coeur de ce que certains ont qualifié de méta-profession (Arreola, Theall et Aleamoni, 2003).

Évolution de la formation

D’abord axé sur la formation de l’enseignant, le concept de la formation des professeurs a évolué (Foley, Redman, Horn, Davis, Neal et Van Riper, 2003) vers une définition plus large qui inclut l’éventail complet des rôles et des responsabilités des professeurs.

Les années 1970 : la formation à l’enseignement

Dans les pays anglo-saxons du bloc occidental, les années 1970 ont été marquées par la quête de l’excellence, avec l’émergence d’activités ponctuelles centrées sur la formation à l’enseignement. Le modèle alors peut être qualifié d’additif (Angelo, 1994), car il est caractérisé par la juxtaposition d’activités sans une articulation réfléchie à la pratique. L’influence du béhaviorisme est ici évidente avec l’apprentissage de comportements considérés comme efficaces dans l’enseignement, conçu comme une technique que les professeurs doivent intégrer à l’aide de ce que les Anglo-Saxons nomment le instructional development.

Les années 1980 : la formation du personnel

Dans les années 1980, l’apparition des nouvelles technologies sur la scène de l’enseignement et l’imputabilité nouvelle des universités viennent bouleverser le rôle traditionnel des professeurs. Maintenant considérées comme des entreprises qui doivent rendre des comptes, bien des universités se préoccupent davantage de la formation du personnel, surtout sur le plan de l’apprivoisement des nouvelles technologies, mais aussi sur le plan des pédagogies et sur celui des autres tâches professionnelles. Le mentorat fait aussi son entrée dans certaines universités qui l’avaient déjà proposé à leurs nouveaux étudiants et l’adaptent maintenant à leurs professeurs débutants. C’est à cette période qu’apparaissent les conseillers pédagogiques (instructional developers) dans les universités et les grandes écoles professionnelles. Le modèle dominant est encore additif, quoiqu’il évolue vers une perspective plus large.

Les années 1990 : la formation professionnelle

À partir des années 1990, le questionnement en pédagogie universitaire se déplace de l’enseignement à l’apprentissage des étudiants. Le professeur est perçu comme un acteur du changement en cours dans les universités, un membre d’une communauté d’apprentissage en développement et dans laquelle il doit innover. C’est ainsi que l’idée des communautés de pratique émerge lentement et que les liens entre les technologies et la pédagogie commencent à se resserrer. Il est alors question de la formation conçue dans un sens large à partir des rôles qui sont dévolus aux professeurs à l’université. Les spécialistes plaident pour un modèle transformatif (Angelo, 1994 ; Cranton, 1996), où la formation tient compte des connaissances et conceptions antérieures, favorise les échanges sociaux, insiste sur le sens à donner aux apprentissages au moyen d’une re-contextualisation indispensable. Dans cette optique, les formations proposées comprennent tant des notions sur les processus d’apprentissage et sur la motivation des étudiants que des situations de résolution de problèmes susceptibles de se poser pour les professeurs dans leur classe.

Toutefois, l’application d’un tel modèle se heurte à bien des obstacles (Angelo, 1994). Les formateurs ont toujours centré leur attention sur l’enseignement plutôt que sur l’apprentissage. On a essayé de former les professeurs plutôt que de les aider à se former et l’on a trop souvent négligé l’importance des disciplines. Quant aux professeurs, la majorité d’entre eux nient le besoin d’activités de formation, car ils se surestiment. En outre, dans plusieurs programmes de formation, on ne tient pas compte de la motivation des professeurs qui les jugent pauvres sur le plan intellectuel. Enfin, plusieurs programmes ne sont pas pensés et organisés pour le succès, c’est-à-dire pour les applications qui se révèlent utiles dans les cours.

Pour contrer ces obstacles, Angelo (1994) préconise le modèle transformatif qui représente le passage de l’amélioration de l’enseignement à l’amélioration de l’apprentissage, mais en observant certaines conditions. Parmi ces conditions, Angelo insiste sur l’importance de questionner et de poser les problèmes spécifiques vécus dans les cours, d’amener les professeurs à apprécier les retombées de la recherche dans leur enseignement, à former des groupes d’entraide, à proposer des projets tout tracés vers des buts choisis (ainsi que des récompenses de groupes plutôt que d’individus), à adapter les idées prometteuses à des cas réels en tentant de comprendre ce qui marche et pourquoi et, enfin, à cesser d’évaluer à court terme les effets des formations pour évaluer l’amélioration de l’enseignement et de la performance des étudiants. En somme, les formations doivent être axées sur les étudiants et sur leur apprentissage, reliées au contexte, de nature collaborative, tout en tenant compte de la culture profonde du milieu.

Dans cette perspective de transformation, plusieurs auteurs (Gow et Kember, 1993 ; Kember et Gow, 1994 ; Kember et McKay, 1996 ; Martin et Ramsden, 1992 ; Samuelowicz et Bain, 2001) affirment qu’un programme de formation pédagogique doit envisager la question du changement de conceptions des professeurs sur l’enseignement et l’apprentissage. On constate, en effet, une forte relation entre la qualité de l’apprentissage des étudiants et les orientations d’enseignement : plus l’enseignement est orienté vers la transmission, plus les étudiants étudient en surface et moins leur apprentissage est de qualité. A contrario, plus l’enseignement est orienté vers la facilitation de l’apprentissage, plus les étudiants étudient en profondeur et apprennent réellement. Cependant, si les orientations découlent des conceptions, celles-ci varient selon l’expérience passée des professeurs et elles se trouvent aussi influencées par le domaine de spécialisation. En effet, Martin et ses collaborateurs (2000) ont montré que les intentions des professeurs ou leurs orientations en regard de l’enseignement, ainsi que les stratégies qu’ils emploient, sont grandement influencées par l’objet d’étude ou la discipline de spécialisation, et par ce qu’ils veulent que leurs étudiants apprennent.

Dans cette même perspective, plusieurs chercheurs, dont Ferman (2002), considèrent que l’apprentissage est à la fois individuel et social, et que l’activation des connaissances antérieures est cruciale. Or, les professeurs n’ont aucune formation pédagogique et leurs connaissances pédagogiques sont en pièces détachées, même s’ils ont développé des savoirs d’expérience fort valables. Ainsi, la meilleure façon de les former, vu leur manque de temps si souvent invoqué, c’est que les formations soient étroitement reliées à la pratique (Ferman, 2002).

Ainsi, durant les années 1990, l’idée s’est imposée que la formation professionnelle doit être continue dans le temps, s’insérer dans le milieu, offrir un contexte pour de la rétroaction et des références sur les pratiques. Cette formation doit se faire en interaction avec les pairs dans un temps et un espace qui permettent un suivi réel (Cranton, 1996). C’est la perspective professionnelle qui domine depuis 1990, surtout dans les universités anglo-saxonnes, avec le faculty development qui constitue une préoccupation des administrations influencées par les exigences de la formation continue, collaborative et contextualisée. C’est durant cette décennie qu’a émergé l’idée du scholarship of teaching and learning (SOTL), qui vise à replacer l’enseignement et la formation associée à l’avant de la scène universitaire et à réconcilier l’enseignement et la recherche.

La suprématie de la recherche

La suprématie de la recherche constitue un obstacle de taille à la valorisation de l’enseignement et à la formation exigée pour cette tâche dans les universités. Les pressions exercées sur les professeurs, pour obtenir des subventions et publier, sont fortes et bien connues, et elles varient en intensité selon les domaines et les universités. Plusieurs professeurs, par ailleurs experts dans leur discipline à laquelle ils s’identifient exclusivement (Quinlan, 2002), résistent à la formation et aux programmes de développement professionnel, car ils sont surchargés de travail et jugent la formation importante pour leurs collègues et non pour eux (Frey et Overfield, 2002). Faute de temps et d’intérêt, les professeurs qui en ont besoin ne les fréquentent pas, et un faible pourcentage seulement s’en prévaut. La recherche apporte prestige et visibilité, alors que l’enseignement est rarement reconnu publiquement.

Depuis les années 1950-1960, on débat de cette question de la place respective de la recherche et de l’enseignement dans les universités et dans la carrière des professeurs (Tang et Chamberlain, 1997). On sait aussi que la productivité en recherche est positivement, mais faiblement, correlée avec l’efficacité dans l’enseignement (Feldman, 1987) et que les professeurs productifs sont généralement mieux évalués dans leurs cours que les autres (McCaughey, 1993). Si le nombre de revues scientifiques dans le monde occidental est passé d’une dizaine en 1978 à 4000 en l’an 2000 (Godin, 2004), par comparaison, le nombre de formations pédagogiques et professionnelles s’est-il multiplié d’autant durant cette période qui s’étend sur presque trois décennies ? Il s’avère impossible de connaître exactement le nombre de formations pédagogiques offertes aux professeurs des universités modernes. Les variations chroniques constatées aux niveaux de l’appui financier, du leadership, des ressources professorales formées pour prendre la relève dans les formations expliquent les nombreuses fluctuations de celles-ci à travers le temps. Quoi qu’il en soit, il apparaît que cette suprématie de la recherche sur l’enseignement a longtemps constitué un obstacle majeur qui demeure encore bien présent de nos jours. Toutefois, à partir de 1990, le scholarship of teaching and learning (SOTL) décrit par Boyer va représenter un moyen d’éliminer cet obstacle.

Le scholarship of teaching and learning (SOTL)

Le concept du SOTL constitue une nouvelle façon d’envisager l’excellence dans les universités en mettant l’accent sur le rôle des professeurs experts, qui établissent leur réputation en contribuant à l’avancement des connaissances, des interprétations, des paradigmes, des méthodes, des synthèses et des applications. Ces termes du scholarship of teaching and learning (SOTL) pourraient être traduits en français, hélas bien maladroitement, par l’expertise dans la pratique et la recherche en enseignement et en apprentissage. Le concept du SOTL, initialement conçu et présenté à la Carnegie Foundation par Ernest Boyer en 1990, notamment à propos de la valorisation de l’enseignement, commence à prendre sa place dans le développement des formations des professeurs. Boyer a réparti entre quatre dimensions la tâche des professeurs : 1) découverte de la connaissance ou recherche ; 2) transformation de la connaissance ou enseignement ; 3) intégration et synthèse de la connaissance ou publication ; 4) application de la connaissance à des problèmes réels, ou consultation (McAlpine et Grandell, 2003). Boyer propose d’accroître la valeur des quatre dimensions en leur attribuant des critères de valeurs inspirés par ceux de la recherche traditionnelle : perspective de la découverte, recherche-action, partage des résultats, évaluation par les pairs et publication. Il est question, pour ces activités, que les équipes universitaires visent à instaurer une boucle d’investissement des résultats de recherche dans l’amélioration de la pratique, que ce soit les recherches classiques en éducation ou le résultat d’une recherche-action de professeurs en formation. Selon Boyer, pour valoriser l’enseignement, nous devons en changer le statut du privé au public. Cela signifie identifier et expliciter l’expertise, rendre publique cette activité et l’évaluer. Les experts (scholars) sont d’ailleurs reconnus pour leurs différences avec leurs collègues des mêmes domaines. En somme, le Scholarship of teaching and learning peut être considéré comme un cadre de travail qui permet au professeur de passer de l’efficacité en enseignement, à l’excellence, puis à l’expertise (scholarly teaching). Cette expertise se distingue par une utilisation adéquate des résultats de recherche en enseignement dans la pratique du professeur, pour ensuite passer à une phase de partage de ses propres résultats, et ainsi alimenter le développement des connaissances en enseignement universitaire.

Les années 2000 : la formation à la pratique réflexive dans le cadre du SOTL

Une décennie d’opérationnalisation de cette idée du SOTL (Kreber et Cranton, 2000 ; Kreber, 2001, 2003) a permis de faire évoluer la vision de l’expertise en enseignement. Il ne s’agit pas seulement de modéliser le travail bien fait dans un cadre collaboratif, mais aussi de documenter la pratique réflexive individuellement ou en groupe (communauté de pratique) et, finalement, de procéder à la découverte traditionnelle (recherche-action) jusqu’à des publications axées sur l’expérience de l’enseignement. Ainsi peut se produire la réconciliation entre la recherche et la pratique et se réaliser le passage du privé au public.

Les années 2000 semblent ouvrir cette perspective du SOTL, inséparable de celle du praticien réflexif. Le modèle et les idées de Schön (1987) imprègnent la formation des professeurs à partir des années 2000. Ceux-ci peuvent s’engager dans l’apprentissage théorique par le biais de l’examen de leurs propres théories de l’action, un processus activé par la confrontation à des dilemmes ou à des conflits entre les théories de l’action et la pratique dans la réalité. C’est une démarche qui fait s’articuler les savoirs savants et les savoirs d’expériences, et qui ouvre la porte à la formation continue, étant donné que le raffinement de l’enseignement, chez un professeur, évolue constamment d’un cours à l’autre.

Types de formation

Depuis bien des décennies, et sans qu’il y ait nécessairement des programmes officiels, les professeurs se sont formés de diverses façons, selon les occasions offertes et selon leurs intérêts personnels et professionnels. À partir d’un questionnaire soumis à des professeurs d’une université anglaise, Ferman (2002) a pu dresser un portrait de ce que font ces derniers pour se former ou pour trouver des solutions à leurs problèmes d’enseignement. Il a constaté que la collaboration est hautement appréciée comme moyen de formation professionnelle, et ce, malgré le climat compétitif des universités qui n’alimentent certainement pas ce besoin. Une collaboration qui donne de bons résultats (Ferman et Page, 2000) est celle entre un professeur et un formateur du centre de formation (Teaching and learning center) qui, ensemble, réalisent certaines activités comme rédiger un plan de cours en mettant en commun leurs connaissances, disciplinaires pour l’un et pédagogiques pour l’autre. Les ateliers, fort appréciés des professeurs et qui constituent la grande majorité des activités (Frantz, Beebe, Horvath, Canales et Swee, 2005), ont toujours joué le rôle de magasin du coin ou de dépanneur pour les Centres de formation, même si on y a peu constaté la pérennité des effets (Cannon et Hore, 1997 ; Kember et Mezger, 1990), et ce, malgré l’appréciation positive à court terme des professeurs. Le tableau 1 présente les types de formation identifiés par ordre d’importance dans l’enquête de Ferman.

Tableau 1

Types de formations (Ferman, 2002)

Types de formations (Ferman, 2002)

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Dans cette enquête, beaucoup plus de moyens formels étaient spontanément mentionnés, peut-être simplement parce qu’ils correspondaient à l’image que se font généralement les professeurs de ce qu’est une formation. Ainsi, les ateliers viennent en premier, soit en isolé, soit en formation continue. Ce type de formation peut être réalisé individuellement ou en groupe, comme les congrès d’ailleurs, mais ceux-ci sont plus souvent axés sur la discipline que sur la pédagogie. Dans la catégorie informelle, les échanges avec les collègues dominent nettement. Bien qu’elle ne s’adresse qu’à un nombre restreint de professeurs, cette enquête a le mérite de présenter un éventail assez large de ce que ces derniers peuvent faire pour trouver des réponses à leurs besoins en enseignement.

Buts et caractéristiques des formations efficaces

Les recherches sur l’apprentissage ont influencé les façons d’envisager les formations offertes par les Centres. Ainsi, les buts visés par les formations sont formulés de la façon suivante (Van Broekhuizen et Dougherty, 1999) : 1) développer la conscience de ses conceptions et de ses pratiques ; 2) se centrer sur la connaissance et la compréhension des contenus et des pratiques d’enseignement ; 3) transférer dans l’action en réfléchissant à ce qui s’y passe ; 4) pratiquer l’enseignement en tentant de nouvelles stratégies ; 5) réfléchir à l’impact probable sur les étudiants et aux moyens de s’améliorer et de s’adapter à l’appropriation de nouvelles méthodes. Ces buts tiennent compte des conceptions et des connaissances antérieures, des connaissances à acquérir pour les transférer dans la pratique, de l’exercice dans un contexte réel et de la réflexion inhérente à l’action. Ces buts pourront être atteints grâce à des formations centrées sur des applications concrètes d’idées générales, des contacts avec la pratique réelle impliquant de l’observation, de la critique et de la réflexion, avec des occasions de collaboration ainsi que du feedback de la part de praticiens experts. De telles composantes touchent directement la construction des connaissances des professeurs, le développement de leurs habiletés et leur utilisation dans la classe.

Selon Ferman (2002), les professeurs doivent être soutenus plutôt que dirigés dans leur formation, où il n’est pas question de faire quelque chose pour eux, mais avec eux, car ceux-ci sont capables de veiller à leurs propres besoins. Diverses formes de collaboration qui offrent un soutien actif et pratique semblent constituer une bonne façon de les aider à évoluer. Dans le même ordre d’idée, Dreyfus (1996) considère que, dans la réalité d’une université de recherche, une formation collective ne peut réussir que dans les cas où les formateurs ont été invités par le personnel enseignant à résoudre un problème ou si les formateurs ont réussi à rendre les enseignants conscients d’un problème. C’est peut-être ce qui explique en partie l’échec relatif de plusieurs expériences de formation pédagogique dans les universités francophones, le rétrécissement des services pédagogiques et la prolifération des activités de formation sur mesure qui, cependant, n’attirent qu’une petite fraction d’enseignants – et souvent les meilleurs.

Enfin, une condition de l’efficacité des formations réside dans leur variété et leur modulation tout au long de la carrière des professeurs, au moment de l’entrée, lors de l’accès à la permanence et de promotions (Wilkerson et Irby, 1998). Le débutant peut avoir besoin de formation dans les habiletés et les méthodes d’enseignement et souvent de mentorat, alors que celui qui est en milieu de carrière doit pouvoir se ressourcer pour éviter la stagnation. Enfin, le senior a souvent besoin de s’engager dans des actions de raffinement de ses recherches et de partage de son expertise. Les contenus et l’organisation même des centres ou des services de formation doivent tenir compte de cette évolution.

Les professeurs pratiquent une méta-profession (Arreola et collab., 2003) qui comprend plusieurs rôles, au sein d’une organisation complexe. En ce sens, le modèle de formation proposé par Wilkerson et Irby (1998), basé sur une analyse des rôles des professeurs et du contexte universitaire, illustre bien cette conception de la profession. Selon ces deux chercheurs, la formation offerte aux professeurs doit toucher les quatre dimensions de leur rôle : la dimension professionnelle, celle de l’enseignement, celle du leadership et celle de l’organisation. Le tableau 2 présente ces dimensions visées par la formation professionnelle.

Tableau 2

Dimensions de la formation professionnelle (Wilkerson et Irby, 1998)

Dimensions de la formation professionnelle (Wilkerson et Irby, 1998)

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Ce tableau récapitulatif permet de saisir rapidement les contenus nombreux et variés à explorer dans la formation professionnelle des professeurs, de comprendre ainsi pourquoi la formation doit être envisagée de façon continue, et à quel point elle doit être bien planifiée dans des organisations souples et structurées.

Principes organisationnels

L’évolution des formations ne s’est pas limitée aux orientations éducatives ; elle a touché également l’aspect organisationnel avec, au fil du temps, des oscillations entre la centralisation et la décentralisation des services. Cependant, une constante s’est maintenue durant ces décennies, celle de l’appui essentiel de l’administration universitaire. Déjà, en 1985, Eble et McKeachie avaient clairement précisé les conditions d’efficacité d’un plan de formation des professeurs en insistant sur le rôle crucial d’une administration universitaire qui valorise l’enseignement, offre un programme formel ainsi que du soutien par les pairs, et applique un système de reconnaissance. Actuellement d’ailleurs, bien des chercheurs sont d’avis que pour parvenir à instaurer une perspective de formation continue, il faut réformer le système de reconnaissance en vigueur à l’Université (Webb et Murphy, 2000).

Dans l’étude menée par Frantz et ses collaborateurs (2005) auprès des responsables de Centres dans 49 universités canadiennes et américaines, les 109 répondants devaient identifier les facteurs dont il faut s’assurer pour le succès d’un Centre de formation. Un soutien administratif indéfectible est le facteur le plus fréquemment mentionné avec celui de l’engagement des professeurs qui reconnaissent la valeur du travail du centre, qui se montrent motivés à recourir à ses services et qui s’approprient les programmes plutôt que de les considérer comme imposés par l’administration. La culture du milieu compte ainsi beaucoup, quand la collaboration et l’enseignement sont valorisés. Un budget adéquat reste une condition absolue autant que le dévouement du personnel du centre. Enfin, des subventions attirent les professeurs ainsi qu’un local accueillant, facile d’accès, mais à l’abri des regards indiscrets.

La planification réussie de formations exige de tenir compte des structures institutionnelles et de s’y insérer, de s’inspirer des expériences passées, de viser la formation continue, de connaître les facteurs de changement (Ferman, 2002). Ainsi, les organisateurs de formations demeureront réalistes dans leurs attentes et pourront comprendre ce qui a permis ou ce qui a empêché l’atteinte des objectifs.

Cependant, comme celles des administrations universitaires, les positions adoptées par le personnel du centre de formation sont aussi importantes. Sorcinelli (2002) résume bien les sept principes à observer pour le bon fonctionnement d’un centre : 1) établir des complicités à divers paliers ; 2) assurer un leadership ; 3) insister sur l’appropriation par les professeurs ; 4) susciter l’engagement de l’administration ; 5) avoir des objectifs clairs et des procédures d’évaluation ; 6) offrir des choix ; 7) encourager la collaboration et créer des systèmes collaboratifs de soutien.

Au-delà de ces conditions qui favorisent le succès d’un centre de formation, la question de sa place dans le milieu se pose. Selon Nicol (2000), puisque le département constitue le milieu naturel à la préparation des professeurs et des chargés de cours, c’est cette structure de regroupement qui occupe la meilleure position pour gérer et coordonner efficacement tous les éléments de soutien et de préparation. L’erreur des formateurs est d’ignorer l’importance de la discipline, ce qui crée un fossé entre les professeurs et le centre de formation (Jenkins, 1996). Pour arriver à les attirer dans des programmes de formation, il faut donc passer par l’intérêt des professeurs envers leur discipline. Par exemple, c’est à partir de problèmes clairement identifiés dans les cours dispensés par les professeurs d’un même département qu’il est plus facile d’intéresser ceux-ci à des questions qui font émerger les croyances et les connaissances de la pédagogie et de la discipline.

L’inclusion des TIC dans un centre de formation constitue aussi un moyen d’initier des échanges sur l’enseignement, car cela attire les professeurs. C’est un peu un moyen d’attraction, disent certains, mais un moyen qui mène à des activités sur la pédagogie et sur la formation des professeurs (Frantz et collab., 2005).

En somme…

Les services de formation et de soutien à l’enseignement ont évolué depuis les trois dernières décennies. D’un modèle additif, où les activités sont juxtaposées sans planification et où les habiletés sont enseignées pour des applications directes dans les cours, elles sont passées graduellement à un modèle transformatif plus complexe, où les formations visent un changement en profondeur, à partir des conceptions jusqu’aux pratiques, au moyen d’une réflexion systématique, d’apprentissages notionnels, d’échanges collaboratifs et de mises à l’essai réfléchies et analysées. Le spectre des formations offertes s’est également élargi au fil du temps, visant d’abord l’enseignant, puis le professionnel, et enfin l’expert de l’enseignement et de l’apprentissage (SOTL). La recherche sur l’enseignement trouve ainsi sa place dans un espace public valorisé. Durant toutes ces années, les formations ont pris différents visages, individuels ou collectifs, formels ou informels. Avec l’expérience passée et récente, les spécialistes du domaine, chercheurs et praticiens, ont pu identifier les conditions pour que les Centres de formation aient un impact réel. Parmi les plus importantes, citons l’appui concret des administrations qui valorisent l’enseignement et soutiennent financièrement les Centres, l’engagement des professeurs et l’établissement de liens directs entre les Centres et les programmes ou départements.

En fonction de ce qui précède, il nous a semblé intéressant de jeter un regard sur la vitrine internet de quelques universités. Cet aperçu demeure évidemment partiel, mais il révèle, pour cet ensemble, des tendances, des réalisations, des orientations.

Exploration de l’offre de formation sur les sites internet de 48 universités

Notre objectif étant d’explorer la formation offerte aux professeurs des universités, nous avons voulu donner un aperçu de ce qui est offert dans quelques milieux. Nous avons donc cherché sur les sites web de plusieurs universités des informations sur les Centres de formation pédagogique et professionnelle. Nos choix obéissaient aux critères suivants : 1) les universités québécoises, puisque c’est au Québec que nous oeuvrons ; 2) les universités du Canada et des pays dont nous avions lu le plus de publications et les plus pertinentes (surtout les États-Unis, l’Australie, la Grande-Bretagne). C’est donc à partir de la lecture de ces sites que nous avons pu dresser des tableaux informatifs, d’où nous avons dégagé un certain portrait de ces Centres. Cependant, notre exploration ne couvre évidemment pas toutes les universités ni ne rapporte tout ce qui était écrit sur les sites consultés.

Il nous a semblé pertinent de répartir en sous-groupes les universités du Québec, celles du Canada, celles des États-Unis, de l’Europe, de l’Australie et de l’Asie. Nous considérons que la taille d’une université ainsi que sa culture et le système scolaire du pays où elle est située sont des caractéristiques qui influencent le type d’activités et la mission de formation. Nous avons classé les universités selon leur taille : les grandes, avec plus de 30 000 étudiants ; les moyennes, de 20 000 à 29 000 étudiants ; les petites, moins de 20 000 étudiants. Au total, c’est 48 universités dont 24 canadiennes, 5 états-uniennes, 11 européennes et 8 de l’Australie et de l’Asie qui ont ainsi été recensées. De cet ensemble, 16 sont de grandes universités, 12 sont de taille moyenne, 20 sont de petite taille. Environ le quart d’entre elles sont des universités francophones.

Les informations obtenues

Les données prises directement sur les sites web ont été compilées pour chaque groupe d’universités classées selon le lieu et la taille. Les tableaux 3 à 6 présentent les informations pour les 48 universités recensées selon plusieurs des aspects soulignés par les spécialistes du domaine : la valorisation (rôle crucial de l’administration) ; les activités offertes (lesquelles et pour qui) ; les productions affichées (publications pour les professeurs ou non) ; la position du Centre (centralisée ou non) et son orientation (le modèle de référence).

La valorisation de l’enseignement

Nous étions à l’affût des indices de valorisation de l’enseignement, étant donné que cette dimension importante de la mission des universités n’influence que très peu ou pas du tout leur prestige et celui des professeurs, alors que le rôle des administrations est si déterminant dans la valorisation de l’enseignement et, conséquemment, dans l’impact des Centres de formation (Feldman, 1987 ; Frey et Overfield, 2002 ; McCaughey, 1993 ; Tang et Chamberlain, 1997). Ces indices comprennent soit une politique sur la formation des professeurs, sur la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage, soit des prix d’excellence et des fonds de perfectionnement ou de participation à des congrès ou pour des recherches sur des questions d’enseignement. Douze universités sur 48 affichaient une politique de valorisation de l’enseignement au moment de la prise d’information. Cependant, 29 universités, presque les deux tiers, avaient un système de reconnaissance sous forme de prix, et 18 offraient des subventions pour les projets voués à l’amélioration de l’enseignement. Le tableau 3 affiche ces informations.

Tableau 3

Indices de valorisation de l’enseignement

Indices de valorisation de l’enseignement

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Les activités des Centres

Dans le tableau 4, on peut constater que les activités les plus fréquentes sont les ateliers (43 sur 48 universités), suivis des programmes pour les nouveaux professeurs (29/48) et pour les étudiants de cycle supérieur ou les assistants professeurs (24/48), ainsi que les consultations privées (24/48). La majorité de ces Centres s’occupent des technologies (33/48) en offrant des formations et des suivis sur le sujet. Le tiers seulement des Centres a pris en main l’évaluation des enseignements (15/48), alors que 6 sur 48 offrent des programmes de mentorat et que cinq offrent des programmes spéciaux.

Tableau 4

Indices des activités des Centres de formation

Indices des activités des Centres de formation

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Les productions des Centres

Nous cherchions à vérifier ce que les Centres recensés avaient publié à l’interne ou plus largement. Il pouvait s’agir de manuels-guides, d’articles, de dépliants, de matériel pédagogique. Ainsi, le nombre des productions clairement mentionnées par les Centres s’élève à 12 et comprend un manuel pédagogique, deux guides du professeur, des rapports de recherche, du matériel pédagogique, du matériel sur le web ainsi qu’une publication à l’intention des étudiants. Le tableau 5 présente ces productions selon les universités d’où elles originent.

Tableau 5

Indices des productions des Centres de formation

Indices des productions des Centres de formation

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Dans la catégorie autres, nous avons regroupé ce qui nous a semblé digne de mention, car susceptible d’inspirer les responsables d’autres Centres. Ainsi, des Centres offrent du design de cours et de programmes. Certains attribuent des certificats à ceux qui ont suivi les formations. D’autres ont aussi un centre de recherche sur les étudiants, offrent des ressources documentaires, un forum en ligne de soutien entre professeurs, un cercle de lecture, ou des inventaires des pratiques courantes en enseignement. Quelques-uns soulignent leur approche du scholarship en groupe ou individuel, mentionnent leur programme sur le leadership ou sur le mentorat. Dans une université, il est même question d’un portfolio électronique, sans plus de détails.

Les positions et les orientations des Centres

La position du Centre pouvait se retracer à travers l’expression de sa mission. Ainsi, dès que le mot professeur était mentionné, nous le prenions en note dans la catégorie centré sur les professeurs, alors que les mots département ou faculté laissaient supposer une certaine décentration. Sur les 48 Centres, certains ne précisaient pas leur position mais, sur l’ensemble, 18 ont exprimé clairement une position centrée vers l’ensemble des professeurs et 11 semblaient avoir une position plutôt décentralisée vers les départements ou les facultés. Cette caractéristique est importante, car plusieurs chercheurs (Jenkins, 1996 ; Nicol, 2000 ; Sorcinelli, 2002) prônent le travail directement avec les départements, là où les professeurs trouvent leur identité propre, en lien logique avec la contextualisation si importante dans l’intégration et le transfert des apprentissages. Le tableau 6 présente ces positions.

Tableau 6

Indices de la position des Centres de formation

Indices de la position des Centres de formation

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Les missions font partie de la présentation officielle des Centres, et les mots qui les expriment sont le fruit de réflexions préalables à un consensus des instances impliquées. En ce sens, ces mots ne sont pas neutres et reflètent l’état d’avancement de la réflexion dans chaque milieu. Le tableau 7 présente quelques termes représentatifs de chaque sous-groupe d’universités.

Tableau 7

Mots clés tirés des missions des Centres sur les sites recensés

Mots clés tirés des missions des Centres sur les sites recensés

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Le terme excellence revient partout ou presque, signe qu’elle reste toujours à atteindre ou que c’est sous cette étiquette que désirent se présenter toutes les universités. Si tous les Centres visent à améliorer l’enseignement et, par ricochet, l’apprentissage, certains insistent sur l’excellence de l’apprentissage comme effet des formations pédagogiques, et ce, en tissant un lien étroit entre la recherche et l’enseignement. C’est évidemment la perspective du scholarship of teaching and learning (SOTL) qui se profile, mais qui n’a pas encore trouvé sa place dans la plupart des missions des Centres. Dans certains, on vise la formation continue, qui constitue déjà un pas en avant, comparativement à des formations morcelées et ponctuelles, dépendantes de la bonne volonté des individus et des décisions administratives. Le terme innovation revient également sur plusieurs sites où il est associé particulièrement aux TIC et à l’enseignement à distance.

En somme…

Les quelques informations glanées sur les sites internet ne permettent pas de conclure à des différences précises entre les universités. Toutefois, les activités semblent plus nombreuses dans les universités anglophones, où la tradition de formation est davantage ancrée que dans les universités francophones. Toutes proportions gardées, les universités de grande taille ne proposent pas nécessairement plus d’activités que les petites. À titre d’exemple, la petite et célèbre université de Stanford, située aux États-Unis, affiche beaucoup plus d’activités et de productions que d’autres plus grandes. Son cas démontre éloquemment que le fait d’être une université privée, soutenue par de riches fondations et, en plus, d’être prestigieuse, facilite le passage vers la formation des professeurs dans la perspective d’atteindre (et de maintenir ?) l’excellence. Cette université est d’ailleurs la seule à proposer un programme de communication orale. Comme les activités, les productions et les autres réalisations ne semblent pas plus nombreuses dans les universités de grande taille que dans celles de petite taille. Là aussi, il semblerait que la quantité des productions dépende des personnes en place, des moyens financiers (subventions) et des politiques en vigueur (systèmes de valorisation) à l’université, bien plus que de la taille.

Dans l’action quotidienne, au-delà des missions parfois fort ambitieuses affichées sur les sites consultés, tous ces Centres continuent de consacrer leurs ressources surtout à des ateliers fractionnés ou à des programmes ponctuels. Cependant, certains d’entre eux vont plus loin en visant une formation continue, vécue en communauté d’apprentissage, avec des actions axées sur les départements, doublées de réflexions sur la pratique pédagogique, elle-même alimentée par des lectures et des actions planifiées. Plusieurs proposent des formations spécifiques aux professeurs débutants et aux étudiants gradués. Quelques Centres, plus rares, tentent de développer une véritable expertise en enseignement, nourrie de recherches, elles-mêmes diffusées largement, et se ressourçant sans cesse aux pratiques expérimentées en classe (le scholarship of teaching) dans une perspective d’innovation. Les responsables de ces Centres savent que cette expertise peut venir à bout de la dichotomie enseignement et recherche et promouvoir ainsi la valorisation de l’enseignement.

Conclusion

La lecture des publications qui ont porté sur les formations conçues pour les professeurs, puis analysées par des chercheurs durant les trente dernières années, a permis de retracer une certaine évolution, du modèle additif au modèle transformatif. Au modèle additif, axé sur l’apprentissage de comportements efficaces en classe, s’est substitué le modèle transformatif, qui tient compte des conceptions et expériences antérieures pour amener le professeur à réfléchir sur sa pratique et à tenter des avenues nouvelles. La formation continue accompagne le professeur depuis ses débuts jusqu’à sa retraite, car chaque étape recèle ses difficultés qu’il faut résoudre et ses avantages dont il faut faire bénéficier la collectivité universitaire. La perspective s’est élargie de la formation à l’enseignement à la formation professionnelle qui englobe plusieurs rôles pour les professeurs. Depuis les années 1990, se profile la perspective qui tente de réconcilier recherche et enseignement en conférant à l’enseignement les lettres de noblesse qu’il mérite, par des recherches et des publications réalisées par des professeurs de toutes les disciplines, experts de l’enseignement et de l’apprentissage (SOTL). Pour valoriser l’enseignement, il faut en changer le statut du privé au public par la recherche et la publication. Les moyens de formation recensés peuvent être formels ou informels, individuels ou collaboratifs, mais les plus prisés par les professeurs semblent faire appel aux échanges entre pairs et à la co-formation.

À la suite de l’expérience accumulée et en se référant aux recherches récentes sur l’apprentissage, les spécialistes affirment que les activités de formation doivent 1) amener les professeurs à se centrer sur l’étudiant et son apprentissage ; 2) se faire avec les professeurs et non pas seulement pour eux. L’identification des obstacles au succès des Centres et à leur impact permet de mieux planifier les actions pour rejoindre davantage les professeurs. Dans ce contexte, le rôle que jouent les administrations des universités est essentiel : sans leur appui, rien n’est possible et surtout pas le changement culturel que des formations entraînent dans le milieu. Notre exploration de quelque 48 sites web universitaires a permis de donner un aperçu de ce qui s’y fait en fonction de la valorisation de l’enseignement, de la variété d’activités et de productions. Les Centres de formation dans ces universités prennent position entre la centralisation et des activités décentrées vers les départements, véritables lieux d’appartenance des professeurs. Enfin, les orientations perceptibles dans les missions de ces Centres révèlent tant des adhésions persistantes au modèle additif que des actions liées au modèle transformatif et parfois même au Scholarship of teaching and learning.

Encore très éloignée de nos contextes universitaires locaux, cette perspective du SOTL nous semble cependant fort prometteuse, malgré le caractère utopique qu’on peut lui accoler. Cependant, faut-il se surprendre de la résistance des individus et des groupes, alors que tout changement est considéré comme utopique dès que son ombre apparaît dans un milieu ? Nous souhaitons que le mouvement en faveur de la formation professionnelle, constaté depuis quelques années dans nos universités, en vienne à adopter, au fil des ans, cette orientation qui porte en elle l’assurance d’une certaine pérennité, grâce à la valorisation de l’enseignement par la recherche sur l’action, accompagnée d’une pratique réflexive. Il faut que la formation des professeurs englobe plus qu’un ensemble de moments consacrés à l’initiation à des stratégies pédagogiques, fort utiles par ailleurs, et son objectif ultime doit être d’amener un changement de mentalité dans l’institution.

Malgré des limites bien évidentes, l’exploration des écrits a permis de retracer une évolution récente et de réfléchir aux perspectives de développement professionnel, aux orientations et positions qui semblent les plus prometteuses, et aux conditions d’efficacité de l’action des Centres. Les informations tirées des sites internet ne sont qu’illustratives : toute la documentation n’a pas été défrichée et l’impact de toutes les formations et activités colligées demeure encore difficile à cerner. Cette exploration suscite donc bien des questions qui pourront alimenter plusieurs recherches. Quels sont les modes de travail à favoriser pour valoriser l’expertise enseignante des professeurs ? Quelles sont les meilleures conditions organisationnelles à réunir et les stratégies à mettre en oeuvre au niveau des centres ? Comment développer une recherche en mesure d’éclairer les effets de ces différents facteurs sur le développement de l’expertise enseignante ? Pour les responsables de ces Centres, il serait très utile de pouvoir identifier les meilleurs moyens d’assurer un développement durable aux formations en cours. Comment trouver les moyens d’évaluer les effets réels des formations sur la qualité des enseignements, la réussite des étudiants et celle des professeurs ? Quelles formations devraient être offertes et pour quelles disciplines ? Il s’agit là de quelques objets de recherches qui serviront à étayer le dossier de la formation des professeurs d’université et à plaider en faveur de celle-ci.