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Dans cet ouvrage, Régine Sirota et d’autres chercheurs analysent la transversalité des pratiques comparatives dans différents systèmes éducatifs nationaux. Face au dilemme de l’Observatoire européen des innovations en éducation et en formation, ils discutent de leurs expériences à partir de diverses disciplines et de divers lieux. Ils esquissent dans ce cadre la mise au point de protocoles d’investigation communs. Les différents articles expliquent et mettent en perspective l’ensemble des questions, des problèmes, des ambiguïtés et des contradictions rencontrés dans les études comparatives. L’éducation comparée est interpellée. Plusieurs problèmes rencontrés dans la sélection des indicateurs utilisés pour la comparaison, les approches conceptuelles, théoriques, technologiques et méthodologiques, les questions linguistiques et la généralisation des résultats sont exposés.

La question de Cros, « Peut-il exister des méthodes propres à des comparaisons de niveau international ? », met à mal l’ambition de l’éducation comparée et ouvre un des plus difficiles débats contemporains sur la diffusion, la transposition, l’appropriation et la généralisation des études comparatives dans le but d’améliorer les pratiques éducationnelles et d’atteindre un consensus politique, social et technique sur les notions de progrès ou de retard en éducation. Les chercheurs dont la réflexion n’ignore point les difficultés propres et inhérentes à la construction des politiques européennes de recherche perçoivent les institutions et l’école, en particulier avec ses classes, ses acteurs, ses discours, ses politiques et ses langues, comme les nouvelles cibles. L’observation et l’investigation scientifiques de la diversité et de la spécificité des contextes nécessitent des comparaisons ajustées, en raison des divers principes, des multiples facteurs et de quelques effets qui dénaturent les objets de la comparaison.

Huberman et Paquay font savoir qu’il s’agirait de développer la recherche selon une méthode à la fois rigoureuse et souple. Cette perspective qui implique la construction d’une grille de lecture commune permet de comparer et de dégager les « transversalités intersites » et les spécificités locales. L’analyse qualitative complète ainsi les catégories habituelles et offre une nouvelle approche de la réalité, où il est approprié d’approcher un système éducatif, et la société dans laquelle il est ancré, de différents points de vue méthodologiques. Profitant d’une conjoncture sociale et politique favorable, l’éducation comparée peut instruire les politiques sociales, sans être vouée à l’élaboration d’un nouveau principe pour la construction de l’Europe. Elle a un rôle à jouer dans la diffusion des connaissances en vue de l’amélioration de l’éducation. Elle donne une information sociale et permet de rendre des comptes. Le comparatisme ici décrit avec ses limites et ses possibilités est une entreprise de réflexion des comparatistes sur leurs pratiques, leur statut, leurs méthodes et les conditions nécessaires de comparaison, de transposition et de validité internationale. En s’appuyant sur les limites conceptuelles, méthodologiques et linguistiques d’une telle démarche, Sirota et ses collaborateurs montrent l’exigence critique d’une telle approche tout en livrant un message central : « Le rôle de l’observateur dans une approche comparative doit être celui d’étudier et de rapprocher toutes les nuances possibles des institutions sociales, politiques, culturelles et éducatives. Les critères de comparaison sont fortement liés aux codes culturels et mentaux qui guident le comportement cognitif du comparatiste qui doit savoir que son modèle comparatif est toujours l’expression d’un point de vue particulier » (Goussot, p. 198).

Cet ouvrage clarifie les enjeux, les objets et les méthodes de comparaison. Il alimentera les réflexions de ceux qui s’intéressent à l’innovation, aux réformes et à la revitalisation des systèmes éducatifs. Il ne s’agit plus seulement de partager les résultats de recherche, mais de discuter des opérations, des procédés et des processus qui les ont produits. Étant donné la difficulté typique des comparaisons, l’éducation comparée a sans doute beaucoup à faire pour échapper à l’imitation servile des méthodes des autres disciplines, elle doit découvrir des instruments qui conviennent le mieux à ses objets. Cette discipline, dont les problèmes épistémologiques invitent tout chercheur à clarifier ses intuitions, ses présupposés et son épistémologie, reste plurielle. Les réflexions de ce livre sont rigoureusement menées, elles tiennent largement compte des ambiguïtés des études comparatives, elles montrent la nécessité de jeter les bases de méthodes propres à des comparaisons locales, nationales, régionales, intranationales et internationales ; enfin, elles sont aussi porteuses d’un souci éthique pour le travail des comparatistes.