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Introduction

L’influence de la motivation sur l’apprentissage reste un thème dominant de la psychologie de l’éducation. Pourtant, la variété des concepts décrivant les effets de la motivation sur l’apprentissage peut donner l’image d’un domaine de recherche hétérogène (Murphy et Alexander, 2000). Parce que les concepts motivationnels sont si hétérogènes, nous avons choisi d’examiner quelques dimensions de la motivation, leurs possibles profils et leur impact sur le processus d’apprentissage. La base théorique est le modèle des processus cognitivomotivationnels (Rheinberg, Vollmeyer et Rollett, 2000 ; Vollmeyer et Rheinberg, 1999, 2000).

Modèle des processus cognitivomotivationnels

L’hypothèse selon laquelle la motivation initiale influence l’apprentissage par des variables médiatrices est centrale dans ce modèle. Selon Baron et Kenny (1986), « on peut dire qu’une variable agit comme un médiateur dans la mesure où elle explique la relation entre la prédiction et le critère » (p. 1176). Les composantes du modèle sont les suivantes.

La motivation initiale

Quatre dimensions constituent la motivation initiale : a) les attentes de réussite, b) l’anxiété, c) le défi et d) l’intérêt. Les attentes de réussite ont très tôt fait partie de la recherche sur la motivation dans les modèles de Lewin, Dembo, Festinger et Sears (1944), et d’Atkinson (1957). Les attentes de réussite s’intègrent aussi à des théories plus récentes comme celle de Bandura (1986) ou celle d’Anderson (1993). Ainsi, face à une tâche, les individus évaluent, du moins implicitement, la possibilité de l’accomplir en considérant à la fois son niveau de difficulté et leurs habiletés. Les attentes de réussite peuvent être définies par l’individu de façon plus précise comme l’évaluation subjective de la probabilité de réaliser avec succès la tâche qui lui est proposée (pour les croyances sur la responsabilité et le contrôle de soi, voir Ford, 1992 ; pour le sentiment d’auto-efficacité, voir Pajares, 1997 ; pour les théories sur le contrôle, voir Skinner, 1996). Pour les fins de notre étude [1], une mesure générale des attentes de réussite est satisfaisante.

L’anxiété peut, en partie du moins, être interprétée comme la peur de l’échec (Atkinson, 1957). Cependant, le construit d’anxiété ne se veut pas l’opposé des attentes élevées de réussite. Ainsi, un individu peut, à un certain moment ou dans certaines circonstances, craindre d’échouer à une tâche même s’il se croit capable de la réussir par ailleurs.

L’intérêt constitue une autre dimension. Nombre d’études ont déjà montré son importance dans l’exécution de tâches en situation d’apprentissage (Krapp, 1992 ; Krapp, Hidi et Renninger, 1992). Les individus intéressés à une activité d’apprentissage présentent des affects et une évaluation positive à son endroit.

Enfin, le défi renvoie au degré de stimulation que suscite une tâche donnée chez une personne de même qu’à sa volonté et sa détermination à la réussir.

Les quatre dimensions décrites sont regroupées dans le Questionnaire de motivation initiale [Questionnaire for current motivation (QCM)] dont le détail des items se trouve en appendice de Rheinberg, Vollmeyer et Burns (2000)). Notre étude vise à explorer les possibles différences dans l’apprentissage des participants selon leur profil motivationnel, c’est-à-dire la différenciation des empreintes sur les dimensions de la motivation initiale. Cette question est particulièrement importante parce que, selon le modèle des processus cognitivomotivationnels, on suppose seulement qu’une motivation initiale élevée aide à l’apprentissage. Ainsi, dans nos études antérieures (Vollmeyer et Rheinberg, 1999, 2000), nous n’avons pas tenu compte des diverses composantes du niveau initial de motivation (le défi, l’intérêt et les attentes de réussite). Une critique justifiée de ces travaux est une certaine simplification de notre conception initiale de la motivation, alors que, au contraire, celle-ci repose sur des assises théoriques solides. Comme la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (2000), nous considérons qu’une personne peut être dans un état amotivé (défi insuffisant, intérêt mitigé et faibles attentes de réussite) ou, au contraire, dans un état de motivation intrinsèque élevé (haut défi, intérêt élevé et hautes attentes de réussite). Deci et Ryan considèrent aussi un état intermédiaire qu’ils appellent la régulation introjectée où la personne règle son activité sur la base d’une motivation, de cognitions et d’affects qui sont intériorisés. Ainsi, comme cette théorie l’indique, différents niveaux de motivation initiale peuvent affecter l’apprentissage de façon totalement différente.

Variables médiatrices. C’est cependant par son action sur des variables médiatrices que la motivation agit sur l’apprentissage. Rheinberg et al. (2000) suggèrent que les stratégies d’apprentissage utilisées constituent une variable médiatrice possible de l’influence de la motivation sur l’apprentissage. Dans les théories portant sur l’autorégulation (Schunk et Zimmerman, 1994), les stratégies ont été classées en stratégies cognitives, métacognitives, régulatrices, motivationnelles et motivationnelles régulatrices (Boekaerts, 1996), ou en stratégies cognitives, métacognitives et en gestion des ressources (Bouffard-Bouchard, Parent et Larivée, 1993 ; Bouffard, Vezeau et Bordeleau, 1998 ; Pintrich, Smith, Garcia et McKeachie, 1993). Bien que tous ces types de stratégies médiatisent l’impact de la motivation sur l’apprentissage, un seul indicateur a été retenu pour notre étude. Il s’agit de la qualité de la démarche évaluée par le caractère systématique de celle-ci lors de l’exploration de la tâche par les sujets (Vollmeyer, Burns et Holyoak, 1996).

Rheinberg et al. (2000) suggèrent aussi que le niveau de motivation de l’individu durant la tâche, soit durant l’apprentissage, devienne une variable médiatrice. Étant donné les recoupements entre le concept de niveau initial de motivation et la motivation en cours de tâche, un lien positif est postulé entre ces variables.

L’apprentissage. Alors que le modèle des processus cognitivomotivationnels fait référence à l’apprentissage en général, nous avons, dans cette étude, précisé le type d’apprentissage examiné. Il s’agit des connaissances acquises à différents stades de l’exécution de la tâche et du transfert de ces connaissances dans une étape de mise en pratique. Nous avons ainsi opté pour une tâche nous permettant d’interrompre le processus d’apprentissage à différents intervalles pour mesurer l’acquisition des connaissances et les variables médiatrices.

But de l’étude

Le but de cette étude est d’identifier des groupes qui se distinguent par leur profil motivationnel initial et d’explorer comment les différences se répercutent sur l’apprentissage de la tâche proposée. Sur la base de nos études antérieures (Vollmeyer et Rheinberg, 1999, 2000), nous prédisons que le groupe des personnes qui a des attentes de réussite élevées, une anxiété faible, un intérêt et un sens du défi élevé apprendra le système mieux que tous les autres groupes, utilisera des stratégies plus systématiques et rapportera plus de motivation pendant l’apprentissage. Comme nous le signalions plus haut, nous supposons aussi un lien positif entre le niveau initial de motivation et le niveau motivationnel concomitant à la tâche.

Méthodologie

Participants

Cent neuf étudiants du secondaire et de l’université (psychologie) ont participé à l’étude. Ces étudiants proviennent de Potsdam, en Allemagne ; ils ont reçu un dédommagement financier pour leur participation.

Tâche d’apprentissage : le laboratoire de biologie

La tâche d’apprentissage de notre étude (Vollmeyer et al., 1996 ; Vollmeyer et Rheinberg, 1998, 1999, 2000) est basée sur la recherche des systèmes linéaires simulés par ordinateur développés par Funke (1991). Désignée « le laboratoire de biologie » par référence explicite à son contenu, cette tâche permet de voir comment des connaissances acquises à différents stades de son exécution sont utilisées dans une étape subséquente de mise en pratique. Comme nous l’avons déjà indiqué, un des intérêts de cette tâche est de permettre d’interrompre la personne à différents intervalles afin de mesurer l’acquisition des connaissances ainsi que les variables médiatrices. Comme entrée en matière, les participants sont d’abord informés qu’ils doivent tester les effets de trois médicaments (A, B, C) sur trois substances trouvées dans le corps (la thyroxine, l’histamine, la sérotonine). La figure 1 illustre la structure du système.

Figure 1

Structure du système

Structure du système

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Cette figure montre que la manipulation d’une des trois substances est plutôt facile puisque cette dernière est uniquement influencée par un seul des trois médicaments (médicament C → sérotonine). La manipulation des deux autres substances est plus complexe dans la mesure où chacune d’elles est marquée par l’action des deux médicaments. Ainsi, la thyroxine subit l’effet de deux médicaments alors que la deuxième, l’histamine, est affectée par un agent de dégradation (marqué par un cercle relié à cette substance) en plus de réagir à l’un des médicaments.

La tâche du laboratoire de biologie permet d’étudier deux processus cognitifs. Ainsi, dans la première étape de l’expérimentation, celle de l’observation, les participants doivent apprendre la façon dont le dosage des médicaments est relié à la quantité de substances obtenue. Dans l’étape suivante, la mise en pratique, les participants appliquent les principes qu’ils ont appris en tentant d’atteindre une quantité cible déterminée au préalable par les expérimentateurs pour chacune des substances. À chacune de ces étapes, une mesure de performance est prise ; à l’étape d’observation, ce sont les connaissances acquises sur les liens et les poids du système qui sont évaluées. À l’étape de mise en pratique, c’est l’écart entre les quantités cibles de substances et celles obtenues par les participants qui est évalué.

Instruments

Le Questionnaire de motivation initiale (QMI). Le QMI comporte 18 items (voir annexe). Pour chacun de ces items, le participant indique, sur une échelle de 1 (inexacte) à 7 (exacte), ce qu’il pense de l’item pour lui. Parmi ces items, cinq mesurent l’intérêt (α = 0,79), quatre le défi (α = 0,74), quatre les attentes de réussite (α = 0,73), les cinq derniers l’anxiété (α = 0,81).

Niveau de motivation durant la tâche. Après chacune des trois séries de l’étape d’observation du système, le niveau de motivation des participants est mesuré à l’aide de trois items, où le premier évalue l’attitude positive (« La tâche m’amuse. ») et les deux autres, le sentiment d’auto-efficacité (« Je suis certain de trouver la bonne solution. », « Je suis certain de la façon de continuer. »). Le premier item du sentiment d’auto-efficacité est semblable à celui utilisé dans l’étude de Cervone, Jiwani et Wood (1991). Les trois items étant homogènes (série 1 : α = 0,80 ; série 2 : α = 0,84 ; série 3 : α = 0,86), ils sont regroupés en un score moyen global.

Évaluation de la qualité de la démarche des participants. Durant la période d’observation du système, pour mesurer la qualité de la démarche suivie par les participants à chacun des 18 essais, le caractère systématique de cette démarche, c’est-à-dire le moment de redoser la quantité de médicament, est codé et classé à l’un ou l’autre des trois niveaux suivants. Le niveau systématique élevé est attribué quand une valeur est modifiée, alors que les deux autres sont maintenues constantes, par exemple, médicament A : 10, médicament B : 0, médicament C : 0. Cette stratégie est qualifiée de systématique, car elle permet aux participants de découvrir le fonctionnement du système. Le deuxième niveau, systématique moyen, est attribué lorsque plusieurs des doses initiales de médicaments sont modifiées en même temps qu’une certaine constance peut être vérifiée, par exemple, médicament A : 100, médicament B : 10, médicament C : 10, ou médicament A : 100, médicament B : 100, médicament C : -100. Le troisième niveau, le systématique faible, désigne les cas où aucune démarche systématique ne peut être identifiée clairement. Un échantillon de 180 épreuves a été codé par deux évaluateurs indépendants. Le coefficient Kappa (κ = 0,94), indique que l’accord interjuge est élevé.

Score de compréhension du système. Après chacune des trois séries de l’étape d’observation, les participants complètent un schéma similaire à celui de la figure 1 sans la présence, cependant, des liens et des poids. Pour montrer leur compréhension du système, ils doivent tracer une ligne à chaque fois qu’ils considèrent qu’un dosage de médicament influence une quantité de substance. Chaque lien est doté d’un sens (+, -) et d’un poids. Après un ajustement pour contrer l’effet du hasard dans le choix des réponses, les réponses exactes sont additionnées pour former un score de compréhension du système (pour des détails, voir Vollmeyer et al., 1996). Ce score varie de 3,0 (valeur la plus élevée) à un minimum théorique de - 1,8. Il est négatif lorsque des réponses sont fausses en grand nombre.

Mesure des écarts aux valeurs ciblées. Dans l’étape de mise en pratique, les participants doivent appliquer ce qu’ils ont appris durant la période d’observation du système. Leur tâche consiste ainsi à manipuler le système afin d’atteindre une valeur cible déterminée au préalable par les auteurs de l’étude pour chacune des trois substances. À chacun des six essais, les participants doivent tenter d’obtenir la quantité de substance la plus proche possible de celle visée en entrant certaines doses de médicaments. Pour mesurer la performance à cette étape, on calcule la différence absolue entre la quantité cible de substance et celle obtenue pour chacun des six essais par le participant. Ces valeurs étant asymétriques, il a fallu effectuer une transformation logarithmique (λn) qui a nécessité l’addition de 1 à chaque différence absolue, 0 n’ayant aucun logarithme. La moyenne des différences entre les quantités de substances obtenues par les participants et celles prédéterminées constitue la mesure des écarts pour l’ensemble des problèmes.

Procédure

Au début de l’expérimentation, chacun des participants reçoit des instructions comprenant l’entrée en matière et les consignes pour effectuer la tâche. Les participants répondent au QMI après avoir pris connaissance de la démarche. La première étape du laboratoire de biologie, l’étape d’observation, comprend trois séries de six essais chacune, pour lesquelles les doses de médicament sont identiques (médicament A : 400, médicament B : 500, médicament C : 900). À la fin de chacune de ces séries, les participants complètent un schéma évaluant leur niveau de connaissances. Ils répondent également à trois questions mesurant leur motivation à ce moment de l’expérimentation. Après cette étape d’observation, les participants passent à celle de la mise en pratique de six essais, où ils doivent tenter d’atteindre une quantité cible de substance (sérotonine : 50, thyroxine : 700, histamine : 900). À la fin de l’expérimentation, les participants sont invités à compléter une série de suites logiques faisant partie d’une mesure d’intelligence (IST d’Amthauer, 1970). Une période de deux heures environ est nécessaire pour compléter l’ensemble de l’étude.

Résultats

Pour déterminer les profils de motivation initiale, nous avons soumis les quatre dimensions du QMI à une analyse par grappes (Ward, 1963). Les résultats permettent de distinguer trois groupes différant dans la moyenne des dimensions motivationnelles (tableau 1). Deux de ces groupes sont facilement identifiables. Le premier (n = 33) peut être qualifié de très motivé (TM). Les participants appartenant à ce groupe s’attendent à réussir, sont intéressés, sont motivés par le défi et ne sont pas anxieux. Pour leur part, les participants du deuxième groupe (n = 25) sont plus faiblement motivés (PM), comme l’indique leur niveau peu élevé d’intérêt, de défi, d’attentes de réussite et d’anxiété. Le groupe le plus nombreux (n = 51) est celui que nous nommons le groupe très anxieux (TA). Ce groupe est intéressant, car ceux qui en font partie évaluent aussi faiblement leur probabilité de réussir que ceux du groupe peu motivé (PM), mais rapportent en même temps se sentir mis au défi et significativement plus anxieux que ceux des deux autres groupes (test post hoc [LSD] : p < 0,001). Ces participants se caractérisent par une certaine ambivalence, étant à la fois très motivés positivement par le défi qu’ils perçoivent dans la tâche et négativement par l’anxiété qu’elle génère en eux. En outre, ces participants ne prévoient pas la réussir. Les participants du groupe TA perçoivent apparemment les défis de la tâche comme pouvant refléter leurs propres habiletés intellectuelles, ce qui génère, chez eux, la peur d’y échouer.

Impact de profils motivationnels sur l’apprentissage. Ces trois groupes étant formés, nous examinons maintenant la manière dont les différents profils qu’ils représentent se distinguent dans les liens qu’ils entretiennent avec d’autres mesures. Parce que le profil motivationnel peut dépendre, en partie des habiletés, préalables à la tâche expérimentale, tous les participants ont été soumis à une épreuve de suites logiques à compléter. Les résultats de cette épreuve n’indiquent aucune différence dans la réussite des participants des trois groupes [F(2, 90) = 1,84 ; p = 0,17] (tableau 1).

Tableau 1

Moyennes et écarts-types des dimensions motivationnelles, des variables médiatrices, des mesures de performance et des habiletés selon les profils motivationnels (TA = très anxieux, TM = très motivé, PM = peu motivé)

Moyennes et écarts-types des dimensions motivationnelles, des variables médiatrices, des mesures de performance et des habiletés selon les profils motivationnels (TA = très anxieux, TM = très motivé, PM = peu motivé)
*

TA : n = 45 ; TM : n = 31 ; PM : n = 17.

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Le processus d’apprentissage a été analysé pour chacun des trois groupes. Selon le modèle des processus cognitivomotivationnels, les participants du groupe TM devraient afficher une motivation plus forte que celle des autres pendant l’étape d’observation du système. Si tel est le cas, les membres de ce groupe devraient aussi mieux réussir la tâche que ceux des autres groupes (score de compréhension du système et mesure des écarts aux valeurs ciblées). Les participants faisant partie du groupe PM devraient à l’inverse être moins motivés pendant la tâche et la réussir moins bien que ceux du groupe précédent. Enfin, le groupe TA est celui qui est le plus particulier sur le plan théorique : si la dimension la plus importante de la motivation est l’évaluation des attentes de réussite, les participants de ce groupe devraient présenter une motivation pendant la tâche et une performance aussi faibles que ceux du groupe PM. Les participants du groupe TA paraissent cependant vouloir bien réussir parce qu’ils trouvent que la tâche présente un certain défi, mais aussi parce qu’ils ont peur d’y montrer leur incompétence. Ces dernières dimensions pourraient alors compenser leurs faibles attentes de réussite.

La première analyse porte sur les différences dans les niveaux de motivation rapportés, dans le caractère systématique de la démarche, dans la compréhension du système entre les groupes PM, TM TA à la fin de chacune des trois séries. Les résultats n’indiquent aucune différence entre les groupes dans le caractère systématique de la démarche des participants [série 1 : F(2, 107) = 2,28, p = 0,11 ; série 2 : F(2, 107) = 1,06, p = 0,35 ; série 3 : F(2, 107) = 0,99, p = 0,37]. On observe toutefois des différences dans les niveaux de motivation durant la tâche et la compréhension du système [niveau de motivation, série 1 : F(2, 108) = 15,77, p < 0,001 ; série 2 : F(2, 108) = 38,61, p < 0,001 ; série 3 : F(2, 108) = 22,66, p < 0,001 ; score de compréhension du système, série 1 : F(2, 108) = 9,83, p < 0,001 ; série 2 : F(2, 108) = 8,09, p = 0,001 ; série 3 : F(2, 108) = 11,18, p < 0,001]. Les résultats des analyses descriptives sont présentés dans le tableau 1. Les analyses post hoc (LSD, p < 0,05) permettent de conclure que les trois groupes varient à chacune des séries. Ainsi, les participants du groupe TM réussissent mieux la tâche et sont les plus motivés, alors que c’est l’inverse pour ceux du groupe PM. Les participants du groupe TA présentent des niveaux de performance et de motivation moyens. Les résultats de cette analyse de différences se retrouvent aussi pour la mesure des écarts aux valeurs ciblées [F(2, 108) = 8,47 ; p < 0,001].

Impact de profils motivationnels sur l’évolution de la motivation et des connaissances. La deuxième série d’analyses vise à explorer plus en détail l’apprentissage, soit l’évolution de la motivation et de l’acquisition des connaissances des participants selon leur appartenance à l’un des trois groupes. Les résultats de ces analyses descriptives sont aussi inclus dans le tableau 1. Les connaissances des participants très motivés se sont accrues au cours de l’exécution des trois séries [tendance linéaire : F(1, 32) = 18,06 ; p < 0,001], alors que le niveau de motivation pendant cette étape d’observation est resté élevé [tendance linéaire: F(1, 32) = 2,17 ; p = 0,15]. En revanche, les participants peu motivés ont peu appris [tendance linéaire : F(1, 24) = 2,17 ; p = 0,15] et sont restés faiblement motivés tout au long de cette étape [tendance linéaire : F(1, 24) = 2,87 ; p = 0,10]. Point plus intéressant, la compréhension du fonctionnement du système [tendance linéaire : F(1, 50) = 6,33 ; p = 0,015] des participants très anxieux (TA) a continué à progresser malgré une diminution du niveau de leur motivation pendant l’étape d’observation [tendance linéaire : F(1, 50) = 7,15 ; p = 0,010]. En somme, pendant la première étape, celle d’observation du système, les participants du groupe TA n’ont pas ressenti de plaisir à explorer la tâche et sont restés incertains des actes à poser dans la série d’essais suivante, et ce, malgré qu’ils aient réussi cette tâche.

Pour conclure, les individus du groupe très motivé (TM) et ceux du groupe peu motivé (PM) se sont comportés conformément au modèle des processus cognitivomotivationnels. Ainsi, les participants très motivés ont abordé la tâche de façon plus systématique et se sont montrés plus motivés pendant l’étape d’observation du système. Ils ont, par conséquent, mieux effectué la tâche alors que le contraire s’est produit pour les participants peu motivés. Ces derniers ne se sont pas donné la peine d’effectuer la tâche du début à la fin et n’ont donc pu acquérir de connaissances. Seule la conduite des participants du groupe très anxieux (TA) s’est démarquée des prédictions du modèle. Ainsi, moins ces derniers se sentaient motivés durant l’étape d’observation du système, plus ils ont acquis de connaissances sur son fonctionnement (score de compréhension du système). Pour les participants de ce groupe, la motivation pendant l’observation du système semble donc avoir joué un rôle différent de celui exercé pour ceux des deux autres groupes.

Discussion

L’objectif de cette étude visait à déterminer différents profils motivationnels et à examiner comment ceux-ci conduisent les personnes à apprendre de manière différente. Deux profils de motivation initiale des individus, ceux très motivés et ceux qui le sont peu, lient la motivation à l’apprentissage. Les participants fortement motivés perçoivent la tâche comme divertissante alors qu’à l’inverse ceux peu motivés la jugent peu intéressante. Tout au long de la tâche, ces derniers n’ont pas semblé comprendre vraiment le système et ont ultimement obtenu de faibles résultats. Ressentant très peu d’intérêt pour la tâche, on peut présumer qu’ils étaient peu soucieux de la réussir ou non.

Les observations du troisième groupe de participants, celui des très anxieux, permettent d’apporter certaines précisions au modèle des processus cognitivomotivationnels. Ainsi, le niveau initial de motivation peut non seulement être plus ou moins élevé, mais il peut également être composé de patrons qualitativement différents. De plus, durant l’apprentissage, le niveau de motivation peut décroître tandis que les connaissances acquises augmentent. En effet, comparés aux groupes de participants très motivés et peu motivés, ceux du groupe anxieux voyaient au départ plus de défi dans la tâche, mais la jugeaient moins intéressante et s’attendaient moins à la réussir. Ce profil de motivation peut être identifié à l’évitement (Elliott, 1997) ou à la peur de l’échec (Atkinson, 1957) : les individus conçoivent la tâche comme un défi qui constitue parallèlement une menace à leur perception de compétence. En dépit de leurs faibles attentes de réussite et de leur manque d’intérêt pour la tâche, les individus de ce groupe l’ont cependant fort bien complétée. Nous pensons qu’en vertu de leur volonté d’éviter de paraître incompétents, ces individus ont déployé davantage d’efforts dans le processus d’apprentissage et ainsi acquis plus de connaissances du fonctionnement du système que ceux du groupe peu motivé. Ceci suggère que la présence d’une volonté de bien réussir la tâche afin d’éviter des rétroactions négatives trop menaçantes permettent en quelque sorte de compenser l’absence d’un niveau élevé de motivation. Comme le propose Kuhl (1987), les individus en situation d’apprentissage peuvent donc utiliser également des stratégies de volonté pour réguler leurs apprentissages.

Même si elles sont fondées théoriquement dans le modèle des processus cognitivomotivationnels, ces spéculations n’ont pas été formulées en termes d’hypothèses dans la présente recherche ; elles n’ont donc pas encore été vérifiées. Une étape subséquente importante dans la précision du modèle consistera à tester si les processus de volonté agissent vraiment comme variables médiatrices. Selon les résultats de la présente étude, les individus qui, tout en ayant un niveau d’anxiété relativement élevé, perçoivent la tâche comme un défi, devraient recourir à des stratégies de volonté pour acquérir de nouvelles connaissances. Les individus fortement et positivement motivés pourraient, de leur côté, y arriver sans utiliser de telles stratégies, c’est-à-dire en faisant simplement ce qu’ils aiment et ce qui les intéressent. Tel que le suggèrent nos résultats, les individus de ces deux groupes compléteraient mieux la tâche que ceux qui ne sont pas motivés.