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Jean-Pierre Legault soutient dans cet ouvrage que, puisque l’enseignement est un acte réflexif, la capacité de réflexion doit faire l’objet d’une formation auprès des enseignants. Le livre poursuit trois objectifs : permettre au lecteur d’approfondir ses connaissances sur le phénomène de la pratique réflexive considérée comme un outil de développement professionnel, fournir des outils de formation et faciliter le travail des formateurs universitaires et scolaires soucieux de former des enseignants à la pensée réflexive. Legault présente d’abord un tableau synthèse intéressant des conceptions de l’enseignant de Paquay (savant, technicien, artisan, praticien réflexif, acteur social, personne), des paradigmes de formation de Zeichner (comportemental, artisanal, critique, personnaliste), des modèles de formation de Ferry (centrés sur les acquisitions, sur l’analyse, sur la démarche), des compétences professionnelles et puis des modèles de réflexion de Cruikshank, Schön, Zeichner, Wellington et Austin. Puis trois chapitres se succèdent pour exposer un survol de la recherche (sur les enseignants techniciens, décideurs et réflexifs ; sur le processus, la promotion et le contenu de la réflexion), pour définir différentes conceptions de la réflexion et, enfin, proposer des modèles de réflexion, axés soit sur l’efficacité technique et l’application de théories (Cruickshank), sur la rationalité intuitive de Schön (à partir d’un doute, on construit un problème qui sera résolu par la réflexion dans l’action), sur différentes orientations (technique, pratique, critique) de la réflexion (Van Manen), sur le rôle de transformateur engagé socialement que peut devenir l’enseignant (Zeichner et Liston) ou encore sur des niveaux de réflexion (Wellington et Austin) ou sur la recherche de cohérence entre les actions et les valeurs (Argilis et Schön, etc.) Dans ce tour d’horizon, il est toutefois surprenant de constater l’absence de Kolb. L’auteur fait des résumés sans les intégrer dans une pensée personnelle, et on a du mal à trouver un fil conducteur. Il eût été stimulant que Legault fasse une synthèse personnelle de ces différentes approches en les fondant dans un modèle multidimensionnel novateur. L’auteur mentionne que la personne devient, dans l’acte réflexif, l’axe d’intégration entre la théorie et la pratique, mais il demeure dans la dialectique interactive traditionnelle théorie-pratique où la théorie devrait être mobilisée dans la pratique et où la pratique devrait être source de formation et de construction de savoirs expérientiels. Selon lui, l’expérience n’est qu’expérience sur le terrain et le processus d’intégration se fait par complémentarité, par interaction (voir le tableau p. 30), au lieu de se faire par transaction autorégulatrice dans une trialectique constructiviste où l’expérience personnelle, la théorie et la pratique professionnelle se fusionnent dans la démarche réflexive et où l’acte d’intégration se fait dans la personne, par la personne et à travers l’expérience multidimensionnelle de toute sa vie. Les enseignants ont aussi à réfléchir sur qui ils sont et non seulement sur leurs pratiques. Legault prône le rôle « professionnel » de l’enseignant, mais, à l’exception d’une brève référence dans les récits de vie (p. 87), il oublie la dimension selon laquelle sa personne est son propre outil de travail avec tout ce qu’il est et non seulement avec ses théories et ses pratiques. L’auteur dit valoriser l’expérience concrète comme source du savoir ; l’expérience est cependant absente de ce livre où la théorie est omniprésente. Il eût été enrichissant de lire des exemples de grilles utilisées, de verbatim de rencontres de formation (questionnement, confrontation, etc.) et de réflexions d’étudiants, en particulier dans le cinquième chapitre qui présente quatre outils de formation pertinents mais expliqués timidement : l’autoévaluation, l’étude de cas, le jeu de rôle et l’histoire de vie. Plusieurs remarques orientent judicieusement le formateur vers des interventions préventives appropriées.