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Dans le cadre de l’étude « Lecture interactive au secondaire » (LIS), l’équipe de recherche dirigée par Monique Lebrun a tenté de tracer le portrait des pratiques de lecture des adolescents québécois. En se basant sur les données recueillies à l’aide d’un questionnaire distribué à large échelle ainsi que sur des entretiens réalisés lors de focus groups, les auteurs des différents chapitres présentent tour à tour les habitudes de lecture des adolescents, mises en perspective avec les autres loisirs ; leurs préférences en matière de lecture, tant en ce qui concerne les genres littéraires que les écrits les moins présents à l’école ; leur attitude plutôt positive à l’égard d’une lecture libre, faite de plaisir et de curiosité ; leur résistance nettement affirmée pour les pratiques scolaires de la lecture littéraire ; l’attrait de plus en plus soutenu pour les formes d’écrits liées à l’ordinateur, tant en ce qui concerne les jeux que l’Internet ; les problèmes liés à la désuétude et à la mésadaptation des bibliothèques scolaires et publiques pour accroître l’appétence des élèves envers le livre ; enfin, la perception des parents en ce qui concerne les habitudes et les attitudes de leurs adolescents en matière de lecture.

Si toutes ces dimensions donnent un éclairage relativement complet à la question, l’ensemble du livre s’apparente souvent à une juxtaposition d’articles de qualité inégale sur le plan de l’analyse et du traitement des données, d’autant que la recherche ne s’appuie pas sur une problématisation étoffée qui aurait donné à l’exposé un fil conducteur. Du coup, le chapitre de la méthodologie s’appuie sur des assises insuffisamment élaborées pour que les lecteurs puissent participer de façon critique à l’analyse des données : la présentation des outils est faite de façon rapide, sans que l’auteur de ce chapitre ne spécifie la façon dont ont été déterminés les items des questionnaires ni ceux des focus groups. Un cadre théorique développé aurait permis ici de mieux préciser les méthodes et les critères d’analyse pour ces entretiens.

En revanche, certains chapitres se démarquent de l’ensemble en s’appuyant sur une mise en perspective théorique qui confère beaucoup de densité aux données présentées, notamment ceux de Monique Lebrun sur la lecture de plaisir et sur la lecture scolaire des adolescents. Plusieurs chapitres évoquent la faible socialisation autour du livre, à l’école comme dans les loisirs ; les données présentées permettent de mesurer la force de ce levier peu exploité par les jeunes, l’école et les parents. Les propos sur la lecture à l’écran constituent également un apport précieux à la compréhension des habitudes de lecture des jeunes : en s’appuyant sur une revue des écrits fouillée et sur des données inédites, les auteurs parviennent à montrer comment plusieurs activités informatiques illégitimes aux yeux des adultes présentent en réalité des occasions d’apprentissage idéales pour nourrir le rapport à l’écrit d’élèves récalcitrants, notamment les garçons.

Malgré la présentation souvent trop descriptive de certaines données (habitudes de lecture et choix des livres) – données au demeurant fort utiles pour connaître la prédilection des adolescents pour l’aventure, le policier, le fantastique, l’historique –, cette étude permet de mieux comprendre, par exemple, pourquoi les filles lisent plus que les garçons ou encore pourquoi les faibles lecteurs ne voient pas en leurs maigres capacités la source de leurs problèmes. L’étude LIS confirme ces tendances par sa synthèse qui présente onze profils de lecteurs adolescents.