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Introduction

L’entrée des technologies de l’information et de la communication (TIC) [1] dans le système scolaire suscite diverses réactions allant de l’enthousiasme à l’inquiétude (Tardif et Mukamurera, 1999 ; Salomon, 2000). En effet, tout en ayant une attitude positive face aux TIC, les enseignants n’en font qu’une utilisation pédagogique limitée. Par exemple, selon Galagan (1999, cité dans Rogers, 2000), seulement 20 % des enseignants américains se sentent suffisamment à l’aise avec les technologies de l’information pour s’en servir en classe. Malgré leur intérêt, les enseignants hésitent à utiliser les TIC dans le cadre de leur travail parce qu’ils ne peuvent facilement s’approprier les nouveautés pédagogiques et technologiques tout en continuant à assurer l’ensemble de leurs fonctions (Lachance, 1999). En effet, Pettenati, Guili et Abou Khaled (2001) soulignent que pour favoriser une utilisation efficiente des TIC à l’école, les enseignants ont non seulement besoin de développer de nouvelles habiletés technologiques, mais ils doivent aussi apprendre à intégrer les TIC dans une perspective pédagogique. Toutefois, même si divers types de formation leur sont offerts, leur capacité à résoudre des problèmes reliés aux TIC dépend grandement du soutien qu’ils reçoivent (Bandura 1986, cité dans Nisan-Nelson, 2001), entre autres de la part des chefs d’établissement. À ce sujet, l’étude de Larner et Timberlake (1995) identifie six variables déterminantes dans l’utilisation des TIC par les enseignants : la connaissance, l’anxiété, l’attitude personnelle, l’attitude professionnelle, le soutien et les ressources disponibles à l’école. Ainsi, afin d’acquérir le sentiment de confiance requis, les enseignants doivent être soutenus tout au long du complexe processus d’intégration des TIC (Depover et Strebelle, 1996) car, confronté à un problème inédit dans l’utilisation d’une nouvelle technologie, un enseignant qui doute de ses habiletés cessera d’utiliser la technologie en question (Bandura et Cervone, 1983, cité dans Nisan-Nelson, 2001).

Selon Atkins et Vasu (2000), les enseignants eux-mêmes soutiennent que les chefs d’établissement jouent un rôle primordial quand il s’agit de stimuler l’utilisation des TIC à l’école. Mais ce support semble faire défaut. Ceci peut s’expliquer par le fait que les administrateurs manquent de formation dans ce domaine. Déjà, au début des années 1990, Kearsley et Lynch (1994) mentionnaient que la formation des directions d’école constituait l’un des aspects les plus souvent négligés dans l’appropriation pédagogique des TIC. Également, dans le cadre de leur recherche portant sur le perfectionnement professionnel et les technologies d’apprentissage (besoins, problèmes, tendances et activités), Roberts, Richmond, Howard, Lecoupe et Flanagan (1998) rapportent que lors de l’étude de la documentation, aucun article portant précisément sur les besoins des administrateurs scolaires concernant le perfectionnement professionnel et les technologies n’a été trouvé. Pourtant, Sharratt (1999) affirme que la réussite de l’intégration des technologies de l’information et de la communication dans les écoles dépend en grande partie du leadership et des compétences technologiques des chefs d’établissement. Étant donné cette problématique, la présente étude a pour but de mesurer les perceptions des chefs d’établissement scolaire quant à leur capacité d’aider les enseignants dans l’utilisation des technologies de l’information et de la communication à l’école et quant aux facteurs facilitant leur intégration en milieu scolaire.

Recension des écrits

Cette étude s’insère dans le courant de recherche qui analyse l’influence des chefs d’établissement scolaire sur l’intégration réussie des innovations. Elle s’intéresse plus particulièrement au soutien que ces derniers sont appelés à apporter pour une intégration réussie des technologies informatisées à l’école. La question des besoins de formation des chefs d’établissement à ce sujet sera également décrite.

Influence des chefs d’établissement scolaire sur l’intégration réussie des TIC à l’école

En 1975, la Rand Corporation réalisait une étude nationale visant à identifier les facteurs de réussite dans l’implantation d’innovations en milieux scolaires américains (Owens, 1998). Les résultats indiquaient que le succès d’une innovation ne reposait pas tant sur sa nature ni sur l’argent investi, mais plutôt sur les caractéristiques des organisations et sur le type de gestion pratiqué dans les commissions scolaires et dans les écoles. On concluait que certains facteurs expliquent le succès d’une innovation dans une école : l’équipe-école est orientée vers la résolution de problèmes, elle rejette les innovations qui ne peuvent être adaptées à son contexte spécifique, elle développe son propre matériel, elle favorise la formation continue, elle fait appel à l’assistance technique locale et elle reçoit un soutien de l’administration. Selon Owens (1998), l’appui offert par les administrateurs clés aux niveaux de la commission scolaire et de l’école constitue en fait un des facteurs de succès les plus significatifs. Ainsi, le succès de l’implantation d’une innovation en milieu scolaire reposerait, entre autres, sur la capacité des chefs d’établissement à mettre en place certaines conditions pour appuyer les enseignants.

En ce qui a trait plus à l’intégration même des TIC en milieu scolaire, une école, par l’entremise de ses enseignants, intègre véritablement les technologies de l’information lorsqu’elle favorise un usage habituel et suffisamment régulier des TIC pour conduire à une modification des pratiques scolaires (Depover et Strebelle, 1996). Mais cet usage habituel doit être approprié et les modifications des pratiques scolaires doivent être bénéfiques pour les apprenants. Selon cette définition, peu d’enseignants pratiquent l’intégration pédagogique de l’ordinateur en classe (Rogers, 2000 ; Smerdon, Cronen, Lanahan, Anderson, Iannotti et Angeles, 2000).

Le processus d’intégration des TIC doit donc s’inscrire dans un contexte à la fois organisationnel, structurel et culturel. Selon Sandholtz, Ringstaff et Dwyer (1997), l’introduction des TIC dans des milieux scolaires non préparés a bien peu d’effets, tant sur les pratiques pédagogiques des enseignants que sur les résultats scolaires. À ce sujet, des recherches soulignent le rôle important des chefs d’établissement scolaire dans la préparation adéquate de l’école, tant au point de vue des ressources matérielles qu’au plan des ressources humaines (Otto et Albion, 2002 ; Gibson, 2001 ; Tardif, 1996 ; Basque, 1996). En ce sens, Byrom (1998) mentionne que le leadership de la direction est un des facteurs les plus importants qui affecte l’utilisation des technologies informatiques à l’école.

L’étude américaine Teachers’ Tool for the 21st Century (2000) rapporte ceci :

Les directeurs et directrices d’école qui font preuve de leadership sont instrumentaux en tant que modèles qui démontrent comment utiliser les TIC en classe. Ils comprennent la manière dont les TIC peuvent appuyer de meilleures pratiques d’apprentissage et d’évaluation et ils fournissent aux enseignants des conseils sur leur utilisation. Les directions peuvent aussi participer activement au développement d’activités professionnelles reliées aux technologies éducatives, et fournir aux enseignants des occasions leur permettant d’apprendre à utiliser ces ressources. (…) Un manque de leadership de la part de la direction peut empêcher certains enseignants d’utiliser les TIC efficacement.

Smerdon et al., 2000, p. 6, traduit par les autrices

Le leadership des chefs d’établissement apparaît comme un élément clé de l’intégration réussie des TIC en milieu scolaire, mais, dans ce milieu, l’intégration des TIC sous-tend un changement profond dans la manière de concevoir l’école.

Une utilisation efficace des technologies éducatives crée un changement systémique, c’est-à-dire un changement dans la culture de l’école. Les TIC amènent les apprenants à faire les choses différemment. Elles amènent les enseignants à modifier leurs méthodes et leurs stratégies d’enseignement. Elles amènent la communauté scolaire à adapter ses buts, ses valeurs et ses croyances en regard de l’enseignement et de l’apprentissage afin de s’accommoder à la nouvelle culture.

Maurer et Davidson, 1998, p. 12, traduit par les autrices

Pour favoriser l’intégration des TIC, Maurer et Davidson (1998) insistent sur une gestion qui promeut une approche basée sur une communauté d’apprentissage [2]. Meltzer et Sherman (1998, dans Roberts et al., 1998) présentent dix conditions associées aux projets réussis d’intégration des TIC en milieu scolaire :

  • créer une vision en répondant à des questions axées sur l’apprentissage et en diffusant les résultats aux enseignants, aux parents et aux élèves ;

  • apporter un soutien administratif à différents plans tels que l’accessibilité du matériel et des logiciels ;

  • faire participer les enseignants en leur demandant de préciser leurs besoins en perfectionnement professionnel ;

  • accorder du temps pour que les enseignants apprennent à utiliser les technologies pour qu’ils les mettent à l’essai en classe et échangent avec d’autres membres du personnel à ce sujet ;

  • modeler les comportements sur une formation pratique, interdisciplinaire et coopérative, à la fine pointe de la technologie et correspondant aux besoins des enseignants et aux objectifs de l’école ;

  • encourager le transfert des apprentissages ;

  • mettre l’accent sur les véritables applications en classe ;

  • nommer un coordonnateur technique ;

  • fournir le matériel et faciliter son utilisation ;

  • laisser les enseignants « jouer» avec l’ordinateur avant de commencer à s’en servir à des fins d’apprentissage.

Importance pour les chefs d’établissement scolaire de posséder des connaissances technologiques et pédagogiques en TIC

Même si différentes stratégies peuvent être utilisées par les chefs d’établissement pour favoriser une intégration pédagogique efficiente des TIC à l’école, des qualités générales de leadership ne suffisent pas : il faut aussi des connaissances technologiques (Bédard-Hô, 1995). Selon Sharratt (1999), il est essentiel que les chefs d’établissement possèdent des connaissances en technologie afin d’apporter le soutien nécessaire aux enseignants. Ces connaissances leur permettent, entre autres, de communiquer avec le personnel dans le langage de la technologie et de la pédagogie.

Plusieurs auteurs soulignent la nécessité de développer une vision et un langage à la fois pédagogiques et technologiques, et partagés par le personnel enseignant et la direction de l’école (Jukes, 1996 ; Sharratt, 1999), mais les administrateurs ne semblent pas accorder assez d’importance à cet aspect (Wells, 2001 ; Sharratt, 1999). En fait, le volet leadership et intégration des technologies éducatives ne serait que peu développé dans les programmes de perfectionnement offerts aux administrateurs scolaires. Ainsi, selon les chefs d’établissement interrogés dans l’étude de Roberts et al. (1998), divers problèmes limitent l’intégration des TIC dans leur école :

le temps alloué au perfectionnement professionnel, les subventions, la nécessité d’atteindre tous les enseignants, l’accès facile et équitable aux moyens technologiques, la perception que les facultés d’éducation sont à la traîne et ne suivent pas ce qui se passe dans les écoles [3].

p. 21

Les participants à cette étude demandent que les programmes de perfectionnement professionnel reflètent la réalité des salles de classe et des bureaux, qu’ils soient à la fois théoriques et pratiques et qu’ils favorisent sur tous les plans la collaboration et l’esprit d’équipe (Roberts et al.,1998). Pour Schoales (1998), la formation en technologie doit être obligatoire pour tout le personnel scolaire, y compris les administrateurs et administratrices, et les objectifs de formation doivent être liés à des objectifs éducatifs plus larges et à d’autres initiatives de changement.

Étant donné le lien établi dans la documentation scientifique entre l’intégration réussie des TIC à l’école, les connaissances en TIC des chefs d’établissement et l’importance du soutien qu’ils doivent offrir aux enseignants, nous avons voulu vérifier dans quelle mesure les chefs d’établissement scolaire utilisent les TIC et identifier leurs perceptions quant à leur capacité d’aider les enseignants dans ce domaine et quant aux facteurs facilitant l’intégration des TIC en milieu scolaire.

Méthodologie

Le questionnaire « Stratégies d’intégration des TIC par les directions d’écoles » de Chiasson et IsaBelle (2000), dans Chiasson (2000), a servi d’instrument de collecte de données. Il comprend quatre sections. La première porte sur l’identité du sujet et sur des renseignements généraux concernant l’école où il travaille et une description de son utilisation personnelle et professionnelle de l’informatique en tant que gestionnaire. La deuxième section cible les différentes formations suivies en technologies de l’information. La troisième consiste à identifier, sur une échelle à trois niveaux, la perception qu’ont les répondants de leur capacité à aider des enseignants en TIC. Finalement, la quatrième et dernière section, qui est basée sur une échelle à quatre degrés, porte sur les perceptions générales des répondants quant aux facteurs qui facilitent l’intégration des TIC en milieu scolaire.

L’étude a été menée auprès d’un échantillon non probabiliste composé de l’ensemble des directions et directions adjointes d’écoles primaires francophones d’un district scolaire du Nouveau-Brunswick (N = 36). À l’hiver 2000, les questionnaires ainsi qu’une lettre adressée aux 36 directions et directions adjointes ont été distribués dans les 23 écoles primaires dudit district. Pour augmenter le taux de réponses, les questionnaires ont été distribués personnellement alors que le retour s’est effectué par courrier interne. Sur les 36 questionnaires distribués, 28 ont été complétés et retournés, soit un taux de réponse de 77,8 %.

Les données ont été traitées à l’aide du logiciel SPSS. Des statistiques descriptives ont d’abord permis de décrire le profil des répondants, puis leurs réponses aux différentes parties du questionnaire. Par la suite, des analyses de corrélation ont été effectuées afin de tenter d’établir des relations, d’une part, entre l’utilisation personnelle et professionnelle de certains programmes informatiques par les chefs d’établissement et leurs perceptions des facteurs facilitant l’utilisation des TIC à l’école et, d’autre part, entre leurs perceptions de leur capacité d’aider les enseignants dans l’utilisation des TIC et leurs perceptions générales quant aux facteurs facilitant l’intégration des TIC à l’école.

Résultats

Profil des répondants

Au total, 14 femmes et 14 hommes ont répondu au questionnaire. La majorité des répondants (61 %) sont à la direction de l’école tandis que 39 % sont à la direction adjointe ; 54 % possèdent un Certificat d’aptitude à la direction des écoles [4] et ils possèdent, en moyenne, 4,8 années d’expérience à ce poste. Il est important de noter que 89 % des répondants occupent deux rôles : celui de direction ou direction adjointe et celui d’enseignant. Les écoles où travaillent les répondants ont en moyenne 278 élèves et 15 enseignants.

Utilisation des TIC à l’école et à la maison

Les résultats indiquent que 96 % des directions et directions adjointes utilisent les ordinateurs de l’école à des fins administratives et que 86 % d’entre elles possèdent un ordinateur à la maison. À la question « Combien d’heures par semaine utilisez-vous l’ordinateur de la maison ou de l’école à des fins personnelles et professionnelles ? », les répondants disent utiliser l’ordinateur à des fins professionnelles en moyenne 8,5 heures à l’école (σ = 6,89) et 4,4 heures à la maison (σ = 5,18). Ils utilisent l’ordinateur à des fins personnelles en moyenne 2 heures par semaine à l’école (σ = 2,91) et 3 heures par semaine à la maison (σ = 2,74).

À la question « Pour chacun des programmes informatiques proposés, indiquez si vous l’utilisez et, si oui, à quels endroits », les répondants devaient faire la distinction entre un programme informatique utilisé, soit à la maison, soit à l’école dans leur rôle de direction ou dans leur rôle d’enseignant (tableau 1).

Tableau 1

Utilisations informatiques à l’école et à la maison en tant que chef d’établissement et en tant qu’enseignant

Utilisations informatiques à l’école et à la maison en tant que chef d’établissement et en tant qu’enseignant
*

Le nombre de répondants dépasse 28, car ces derniers pouvaient cocher plus d’une réponse.

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Toutes les directions affirment utiliser un traitement de texte à l’école ou à la maison. La plupart disent utiliser le courrier électronique (92,9 %) et la moitié recherche, à l’école, de l’information sur Internet (53,6 %). Toujours à l’école, le logiciel de gestion du budget sert à 78,6 % des répondants. La moitié d’entre eux dit ne pas utiliser de cédéroms de consultation ni faire d’activités pédagogiques sur Internet. Plus de 90 % n’ont jamais participé à un groupe de discussion électronique.

Capacité à aider les enseignants à manipuler les TIC

Les directions et directions adjointes ont été invitées à évaluer, sur une échelle à trois degrés (incapable, plus ou moins capable ou très capable), leur capacité de soutenir ou d’aider les enseignants à manipuler les TIC (tableau 2).

Tableau 2

Perceptions des chefs d’établissement quant à leur capacité d’aide les enseignants

Perceptions des chefs d’établissement quant à leur capacité d’aide les enseignants
*

IC = incapable; +/-C = plus ou moins capable; TC = très capable

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Les résultats montrent que, sur une cote maximale de 3 (très capable), 77 % des répondants se disent très capables d’aider les enseignants à utiliser le traitement de texte (x̄ = 2,77 ; σ = 0,43) et 75 % se disent très capables d’aider les enseignants à utiliser le courriel (x̄ = 2,75 ; σ = 0,44). Les directions se sentent donc capables d’aider les enseignants dans des programmes informatiques en lien avec ce qu’elles utilisent le plus comme gestionnaires, soit le traitement de texte (100 %) et le courrier électronique (92,9 %) (tableau 1). Par ailleurs, les répondants se disent plus ou moins aptes d’aider les enseignants à utiliser les divers progiciels, particulièrement un chiffrier (x̄ = 1,88 ; σ = 0,61), une base de données (x̄ = 1,78 ; σ = 0,67) et un logiciel de présentation (x̄ = 1,93 ; σ = 0,81). Ils se sentent plus ou moins capables d’aider les enseignants dans l’application pédagogique des TIC reliée à des matières (x̄ = 2,25 ; σ = 0,59), dans le choix de cédéroms (x̄ = 1,84 ; σ = 0,69) et dans l’utilisation d’équipement technique plus sophistiqué à des fins pédagogiques (x̄ = 1,54 ; σ = 0,65).

Relation entre l’utilisation des TIC par les chefs d’établissement scolaire et la perception des facteurs facilitant l’intégration des TIC à l’école

À partir de certains items du tableau 1, trois regroupements conceptuels ont été faits. Ainsi, le regroupement « Pédagogique » décrit les items portant sur la pratique d’activités pédagogiques hors ligne, celle d’activités pédagogiques sur Internet et l’utilisation de cédéroms de consultation; le regroupement « Technologique » comprend l’utilisation d’applications informatiques telles que le traitement de texte, le chiffrier, Internet et le courrier électronique; et le regroupement « Technopédagogique » réunit les items des deux premiers regroupements. Le tableau 3 présente les résultats de l’analyse déterminant le coefficient de corrélation de Pearson entre chacun des trois regroupements conceptuels et certains énoncés portant sur la perception que les chefs d’établissement ont à l’égard des TIC. Ainsi, il ressort que plus les directions et directions adjointes effectuent des activités pédagogiques avec les TIC (Pédagogique), plus elles affirment que les TIC contribuent à augmenter leur efficacité dans leurs fonctions (r = 0,37) et qu’elles sont utiles pour les enseignants en salle de classe (r = 0,38). Également, plus les répondants réalisent des activités pédagogiques avec les TIC, plus ils aimeraient suivre des sessions de formation relatives aux applications pédagogiques des TIC (r = 0,42), plus ils croient qu’il faut constituer un comité d’experts pour faciliter l’intégration pédagogique des technologies à l’école (r = 0,42), plus ils se disent à l’aise de soutenir les enseignants dans l’utilisation pédagogique des TIC (r = 0,37) et plus ils perçoivent qu’à l’avenir, les TIC occuperont une plus grande place dans le système éducatif (r = 0,65).

Selon les données du tableau 3, les répondants qui font autant un usage pédagogique qu’une utilisation technologique des TIC (technopédagogique) croient qu’il est facile d’utiliser les méthodes pédagogiques renouvelées avec les TIC (r = 0,41), se sentent davantage à l’aise de soutenir les enseignants dans l’utilisation pédagogique des TIC (r = 0,42) et croient qu’à l’avenir les technologies de l’information occuperont une plus grande place dans le système éducatif (r = 0,51). Quant au regroupement « technologique », il affiche peu de corrélations significatives. Toutefois, plus les répondants utilisent des programmes informatiques (chiffrier, traitement de texte, Internet, courriel), plus ils perçoivent qu’à l’école, les enseignants s’attendent à ce que les chefs d’établissement utilisent les TIC (r = 0,47).

Tableau 3

Corrélation entre l’utilisation de programmes informatiques par les chefs d’établissement et leurs perceptions quant aux facteurs facilitant l’utilisation des TIC à l’école

Corrélation entre l’utilisation de programmes informatiques par les chefs d’établissement et leurs perceptions quant aux facteurs facilitant l’utilisation des TIC à l’école

r = coefficient de correlation de Pearson; n = nombre de sujets; p = niveau de signification.

Pédago = items sur la pratique d’activités pédagogiques à l’ordinateur, sur Internet et sur cédéroms pédagogiques.

Techno = utilisation du traitement de texte, du chiffrier, d’Internet et du courier électronique.

Pédagotechno = items concernant les regroupements Pédago et Techno.

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Relation entre la perception de la capacité d’aider les enseignants et la perception des facteurs facilitant l’intégration des TIC à l’école

Des analyses basées sur le coefficient de corrélation de Pearson ont été faites entre la perception des facteurs facilitant l’intégration des TIC et le sentiment d’être capable d’aider les enseignants selon quatre groupes conceptuels : le regroupement Progiciels 1 comprend la perception des répondants quant à leur capacité d’aider les enseignants à utiliser un traitement de texte et un logiciel de présentation ; le regroupement Progiciels 2 comprend la perception des répondants quant à leur capacité d’aider des enseignants à utiliser un chiffrier et une base de données ; le regroupement Processus pédagogique réunit les thèmes qui mesurent la perception des répondants quant à leur capacité d’aider des enseignants à utiliser pédagogiquement les TIC, et le regroupement Composante réseau concerne les thèmes relatifs à la perception des répondants quant à leur capacité d’aider des enseignants à communiquer avec d’autres écoles par courriel et à utiliser Internet à des fins éducatives (tableau 4).

Tableau 4

Corrélation entre les perceptions des chefs d’établissement quant à leur capacité à aider des enseignants et quant aux facteurs facilitant l’intégration des TIC à l’école

Corrélation entre les perceptions des chefs d’établissement quant à leur capacité à aider des enseignants et quant aux facteurs facilitant l’intégration des TIC à l’école

r = coefficient de correlation de Pearson; n = nombre de sujets; p = niveau de signification; Progi 1 = progiciels 1; Progi 2 = progiciels 2; P.péd. = processus pédagogique; Réseau = composante réseau.

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Les résultats présentés au tableau 4 n’indiquent pas de corrélation significative entre la perception des directions et des directions adjointes quant à leur capacité d’aider les enseignants concernant les quatre regroupements conceptuels (Progiciels 1, Progiciels 2, Processus pédagogique et Composante réseau) et leur perception que l’utilisation des TIC contribue à augmenter leur efficacité dans leur travail ou que des sessions de formation sur l’utilisation pédagogique des technologies devraient être obligatoires. Ces résultats peuvent être attribuables à la taille réduite de notre échantillon. Peut-être que pour certains items pour lesquels le r est assez élevé, des relations significatives auraient été observées sur un plus grand échantillon.

Par ailleurs, les analyses montrent des coefficients de corrélation significatifs entre certaines variables. Tout d’abord, plus les répondants se disent capables d’aider les enseignants à utiliser pédagogiquement les TIC (Processus pédagogique), plus ils perçoivent que les technologies informatiques occuperont une plus grande place dans le système éducatif (r = 0,40). Ensuite, plus ils mentionnent être capables d’aider les enseignants à utiliser le courriel pour communiquer avec d’autres écoles et Internet à des fins éducatives (Réseau), plus ils aiment travailler à l’aide des TIC à la direction (r = 0,51). Les données du tableau 4 montrent que plus les directions et les directions adjointes disent être capables d’aider les enseignants à utiliser un traitement de texte et un logiciel de présentation (Progiciels 1) (r = 0,38), à utiliser un chiffrier et une base de données (Progiciels 2) (r = 0,43), à utiliser pédagogiquement les TIC (Processus pédagogique) (r = 0,66), et à utiliser le courriel pour communiquer avec d’autres écoles et Internet à des fins éducatives (Réseau) (r = 0,41), plus elles se sentent à l’aise de soutenir les enseignants dans l’usage pédagogique des TIC. Bref, le sentiment d’aisance qu’ont les chefs d’établissement à soutenir les enseignants dans l’utilisation pédagogique des TIC augmente en même temps que leur perception de leur capacité de les aider dans l’utilisation de tous les types de programmes informatiques.

Discussion

Les résultats de la présente étude tendent, en général, à appuyer les conclusions d’autres recherches portant sur la nécessité d’une formation pédagogique et technologique des chefs d’établissement scolaire si l’on veut faciliter l’intégration pédagogique des TIC dans les milieux scolaires. Ainsi, plus les répondants disent faire eux-mêmes une utilisation pédagogique et technologique des TIC (Techno-pédago), plus il leur semble facile d’utiliser les méthodes pédagogiques renouvelées avec les TIC, plus ils se sentent à l’aise de soutenir les enseignants dans l’intégration des TIC et plus ils ont une vision positive quant à l’avenir des TIC dans le système éducatif. De plus, les données indiquent que plus les répondants affirment faire une utilisation pédagogique des TIC (Pédagogique), plus ils ont l’impression que les TIC contribuent à augmenter leur efficacité et que la formation d’un comité d’experts faciliterait l’intégration pédagogique des TIC à l’école. Également, plus les répondants font une utilisation pédagogique des TIC (Pédagogique), plus ils souhaiteraient recevoir une formation sur l’utilisation pédagogique des TIC. Par ailleurs, le sentiment de capacité d’intervenir auprès des enseignants pour les aider à communiquer par le courriel et à utiliser Internet (Réseau) à des fins éducatives semble entretenir un lien marqué avec certains éléments de la perception des répondants quant aux facteurs facilitant l’utilisation des TIC. Ainsi, plus les répondants se disent capables d’aider les enseignants à utiliser le courriel et Internet, plus ils trouvent les TIC utiles dans leur travail administratif. Finalement, plus les chefs d’établissement se sentent capables de soutenir les enseignants dans l’utilisation pédagogique des TIC, plus ils sont à l’aise de le faire. Bien que ce résultat paraisse peu surprenant puisque les deux variables en cause mesurent deux aspects du même phénomène, il montre tout de même à quel point le sentiment de compétence influence le degré d’aisance qu’on peut avoir à jouer son rôle de leader et de modèle dans l’intégration réussie des TIC en milieu scolaire.

À ce sujet, Lapointe (2002) propose une pyramide des niveaux de leadership chez les gestionnaires de l’éducation. À la base de cette pyramide, qui comprend cinq niveaux, se trouve la nécessité pour les gestionnaires de posséder un sentiment de contrôle et d’autoefficacité. Selon l’autrice, ceci permet l’auto-empowerment des chefs d’établissement scolaire, condition sine qua non pour un leadership transformationnel [5].

Les résultats de la présente recherche corroborent aussi ceux de Bédard-Hô (1995), de Sharratt (1999) et de Jukes (1996) qui soulignent l’importance, pour les chefs d’établissement, de posséder suffisamment de compétences technologiques et pédagogiques en technologie de l’information et des communications pour apporter un soutien efficace aux enseignants. Ils appuient également Schoales (1998) et Smerdon et al. (2000) selon qui une formation dans ce domaine est essentielle pour les administrateurs scolaires. Marchand (2001) souligne que plus une personne est à l’aise avec la technologie, plus elle peut se centrer sur la relation d’aide. On peut en déduire que plus les chefs d’établissement seront eux-mêmes habiles en tant que pédagogues qui utilisent les TIC, plus ils pourront soutenir et guider les enseignants dans leur utilisation des TIC en classe.

Conclusion

Cette recherche avait pour but de vérifier dans quelle mesure les chefs d’établissement scolaire utilisent les TIC et d’identifier leurs perceptions envers leur capacité d’aider les enseignants dans ce domaine et quant aux facteurs facilitant l’intégration des TIC en milieu scolaire. Malgré le caractère non probabiliste et la petite taille de l’échantillon, et malgré le fait que 90 % des répondants occupent à la fois la fonction de chef d’établissement et celle d’enseignant, limites dont il faut tenir compte, cette étude a permis de mieux cerner certains aspects de la problématique du soutien que les chefs d’établissement scolaire doivent apporter aux enseignants dans l’intégration réussie des TIC à l’école, particulièrement dans la relation entre leurs propres connaissances technologiques et pédagogiques des TIC et leur perception de leur capacité d’aider les enseignants dans l’utilisation des TIC et des facteurs qui aident à l’intégration réussie des TIC en milieu scolaire.

Pour aller plus loin sur les plans techniques et pédagogiques de l’utilisation des TIC, il importe de vérifier quelles habiletés et compétences en TIC sont les plus nécessaires afin de permettre aux chefs d’établissement scolaire d’assurer un soutien adéquat et soutenu auprès des enseignants. De nombreux auteurs soutiennent que la maîtrise des logiciels outils ne garantit pas à elle seule leur usage à des fins d’apprentissage (voir Laferrière, 1999). Ainsi, davantage d’études devraient porter non seulement sur l’identification des compétences de base que les chefs d’établissement doivent acquérir quant à l’utilisation des progiciels, d’Internet, du courriel et des appareils plus sophistiqués comme le numériseur et la caméra numérique, mais surtout sur l’identification des habiletés pédagogiques de plus haut niveau qui leur permettraient de relier l’utilisation des TIC aux programmes d’études, soutenant et guidant ainsi les enseignants vers une intégration réussie des TIC à l’école. En effet, selon plusieurs recherches qui ont été menées sur le sujet, le leadership des chefs d’établissement scolaire se révèle essentiel pour favoriser le développement et l’harmonisation des pratiques, des savoirs et des compétences que les enseignants doivent acquérir en regard des technologies de l’information et des communications. Ce leadership pédagogique doit aussi mettre à l’épreuve la capacité des enseignants de prescrire des activités d’apprentissage informatisées conformes aux besoins des apprenants et de leur milieu.

En vue d’assurer le succès de la formation des maîtres en regard de l’intégration des TIC à l’école, il semble donc essentiel de mieux connaître les besoins de formation des chefs d’établissement scolaire quant aux pratiques pédagogiques en TIC. Par exemple, il serait souhaitable que des recherches soient entreprises sur une plus grande échelle et mettent en valeur des méthodes de collecte de données variées telles que l’entrevue et l’étude de cas. En ce sens, les prochaines recherches pourraient porter particulièrement sur les types de profil souhaités chez les chefs d’établissement scolaire en lien avec leur leadership auprès des enseignants et tenter de déterminer quelles qualités relationnelles les chefs d’établissement devraient posséder pour faciliter l’utilisation des TIC auprès des enseignants, quels types d’action ou d’intervention ils devraient entreprendre pour favoriser cette intégration.

À ce sujet, Maurer et Davidson (1998) ont remarqué quatre comportements pouvant être associés aux chefs de file dans l’utilisation des TIC à l’école : a) ces leaders sont de type transformationnel et s’engagent dans des relations effectives avec les membres de l’équipe-école, en ce sens qu’ils les inspirent à se fixer des buts de hauts niveaux ; b) ils utilisent une structure de décision basée sur la collaboration ; c) ils croient que les écoles ont des besoins spécifiques qui doivent être comblés par le truchement de la culture de l’école ; d) ils évaluent les effets du changement en fonction de l’amélioration des résultats des étudiants (p. 24).

Dans la même foulée, des études pourraient mettre en parallèle, d’une part, les attitudes et les comportements des chefs d’établissement scolaire, mentionnés par divers auteurs comme pouvant faciliter l’intégration pédagogique des TIC et, d’autre part, le type de soutien pédagogique offert aux enseignants tels que :

  • le respect des croyances et du rythme de tous les enseignants dans l’utilisation pédagogique des TIC en salle de classe (Sandholtz et al., 1997) ;

  • le développement et l’actualisation, avec les membres de l’équipe-école, d’un plan d’intégration des TIC à l’école qui respecte les trois principaux éléments : la formation des maîtres, le contenu pédagogique, l’accessibilité à l’équipement (IsaBelle, 2002 ; Tardif, 1996) ;

  • la pratique d’une gestion transformationnelle pour promouvoir l’émergence d’une communauté d’apprenants (Maurer et Davidson, 1998) ;

  • la formation d’un comité des TIC incluant la direction, des enseignants, des parents et des élèves ;

  • la libération de temps pour les enseignants afin qu’ils mettent en pratique, dans un contexte pédagogique, les connaissances techniques acquises lors de formations (Sandholt et al., 1997; Meltzer et Sherman, 1998, dans Roberts et al., 1998 ; Gibson, 2001) ;

  • l’offre de formations dans lesquelles les enseignants sont en situation d’apprentissage réelles avec les élèves (Maurer et Davidson, 1998 ; Roberts et al., 1998) ;

  • la reconnaissance des enseignants qui utilisent les TIC dans leurs pratiques (Rogers, 2000) ;

  • le développement de pratiques qui encouragent non seulement les experts, mais aussi les enseignants, à devenir des mentors pour leurs collègues (Sandholtz et al., 1997 ; Maurer et Davidson, 1998) et à participer à des colloques portant sur les TIC afin d’y présenter des ateliers (Sandholtz et al., 1997) ;

  • l’évaluation régulière de l’impact de l’utilisation des TIC sur le processus d’apprentissage des enseignants et des apprenants, sur les habiletés cognitives et sociales, etc. (Maurer et Davidson, 1998).

Les projets de collaboration et d’innovation entrepris par plusieurs universités, tels les projets apprentissage coopératif de Scardamalia et Bereiter (Université de Toronto) et Écoles de perfectionnement professionnel en téléapprentissage (ÉPP-TA) (universités Laval, McGill, et de la Colombie-Britannique) (Harrison, 2000), offrent des pistes intéressantes pour le perfectionnement professionnel des chefs d’établissement scolaire dans le domaine des TIC et la formation continue des enseignants à l’école. Quoi qu’il en soit, devant l’enjeu que constitue l’intégration réussie des TIC en milieu éducatif, les systèmes scolaires ont besoin de chefs de file capables à la fois de critiquer les politiques mises sur pied dans ce domaine et d’offrir un soutien administratif, pédagogique et technique aux enseignants afin de créer des milieux d’apprentissage plus enrichissants et plus ouverts pour les apprenants.