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Introduction

Au cours des dernières années[1], nombreux sont les programmes scolaires qui précisent les compétences relatives aux TIC que doivent développer les élèves du primaire et du secondaire (Karsenti, Brodeur, Deaudelin, Larose et Tardif, 2002). Pourtant Larose, Grenon et Palm concluent encore en 2004 que les enseignants possèdent un faible niveau d’alphabétisation informatique et que l’exploitation des TIC en classe demeure minimaliste. Cette situation montre la pertinence de poursuivre la recherche sur le processus d’implantation des TIC en milieu scolaire, notamment sur la formation continue offerte aux enseignants en lien avec leur développement professionnel. Cet article présente une étude de l’évolution des pratiques d’enseignants du primaire et de leurs conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des TIC en contexte de développement professionnel lié aux TIC. Soulignons que le terme évolution, compris ici dans le sens de changement, n’induit pas une direction implicitement souhaitable. Après un exposé de la problématique, viennent le but de la recherche, le cadre conceptuel et la méthode, suivis des résultats, de la discussion et de la conclusion.

Problématique

De nombreux écrits montrent l’importance du développement professionnel des enseignants, lequel consiste en un processus de construction des compétences qui seront mobilisées tout au long de leur vie professionnelle. Cette construction se réalise au moyen d’une démarche individuelle et collective, jalonnée d’expériences d’apprentissage conscientes, planifiées ou non, en contexte formel ou informel (inspiré de Day, 1999). Le développement professionnel se distingue de la formation continue en ce que la première expression désigne l’apprentissage alors que la seconde renvoie plutôt à l’intervention.

Fullan et Hargreaves (1992) et Guskey (2002) soulignent le rôle capital joué par le développement professionnel des enseignants dans un contexte de changement visant l’amélioration de l’éducation. Le Conseil supérieur de l’éducation, dans un récent avis sur la profession enseignante (2004), reconnaît le développement continu des compétences professionnelles du personnel enseignant comme l’une des trois orientations susceptibles de contribuer au développement de la profession enseignante dans une perspective de professionnalisation et de valorisation. Il considère important le fait que le personnel enseignant prenne en charge son propre développement, qu’il puisse avoir accès à une large gamme d’activités de formation continue et que soient mis en place des projets pédagogiques collectifs.

La formation continue, qui joue un rôle essentiel dans le développement professionnel des enseignants, soulève encore plusieurs questions. On note le peu d’évidence empirique quant à l’effet de la formation continue sur les pratiques des enseignants et l’apprentissage des élèves (Garet, Porter, Desimone, Birman et Suk Yoon, 2001) ainsi que la non-permanence des changements que la formation continue suscite (Butler, Novak, Beckingham, Jarvis et Elaschuk, 2001 ; Guskey, 2002). Wilson et Berne (1999) montrent de plus que plusieurs recherches s’intéressent davantage au taux de satisfaction des enseignants qui s’engagent dans une formation continue, qu’aux apprentissages qu’ils y réalisent.

Du côté de la formation continue par rapport aux TIC, une recension des recherches évaluatives réalisées de 1998 à 2004 (ERIC et PsycInfo) confirme le faible nombre d’études scientifiques ayant pour but d’examiner l’incidence de programmes ou de stratégies de formation continue (5/11 répertoriées). Un constat important, issu de ces recherches, concerne la diversité des programmes de formation étudiés et des contextes dans lesquels ils s’inscrivent : une intervention de soutien au développement professionnel des enseignants visant l’intégration des TIC dans le contexte d’une réforme en mathématiques aux États-Unis (Lachance et Confrey, 2003), une formation aux technologies (incluant les TIC) en contexte néo-zélandais (deux études de Compton et Jones, 1998), une recherche-action-formation visant l’intégration et l’exploitation d’Internet en classe pour l’apprentissage des sciences en Belgique francophone (Charlier, Daele et Deschryver, 2002), la formation continue d’enseignants dans le cadre d’un programme de 2e cycle où les TIC sont vues comme élément déclencheur de changement (King, 2002). Contrairement au constat de Wilson et Berne (1999) que nous rapportions précédemment, ces études s’intéressent aux apprentissages faits par les enseignants. Toutefois, la diversité des contextes rend toute comparaison difficile. Les méthodes utilisées, elles, ne permettent aucune généralisation. Face à cette situation, nous concluons, à la suite de Charlier et ses collaborateurs (2002), à la nécessité de formations continues qui intègrent des processus d’évaluation et de régulation.

Par ailleurs, on connaît mal l’évolution des pratiques des enseignants lorsque ces derniers intègrent les TIC. Comme le montrent Lefebvre, Deaudelin et Loiselle (2004), plusieurs auteurs soutiennent, dans un discours prescriptif et normatif, que les TIC devraient conduire l’enseignant à adopter des pratiques tablant sur des principes constructivistes (centrés sur l’élève où l’enseignant joue le rôle de médiateur). Le discours scientifique est, lui, moins consensuel.

Cette problématique montre l’importance de poursuivre la recherche sur les programmes de formation continue susceptibles de favoriser l’implantation des TIC, en vue d’un changement durable et significatif. Elle suggère d’introduire, dans le cadre de recherche-action-formation, des mécanismes permettant d’examiner les apprentissages rendus possibles chez les enseignants. Elle invite à examiner l’évolution des pratiques des enseignants lorsque ceux-ci intègrent les TIC à l’enseignement et à l’apprentissage.

But de la recherche

Cette recherche examine les apprentissages des enseignants, relatifs à l’intégration des TIC au processus d’apprentissage et d’enseignement, rendus possibles par une stratégie de formation continue, développée avec des enseignants dans le contexte d’une recherche-action-formation.

Ces apprentissages sont examinés à travers l’évolution de la pratique des enseignants ainsi que celle de leurs conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des TIC.

Cadre conceptuel

S’intéresser aux apprentissages des enseignants en situation de formation continue, c’est en fait examiner leur développement professionnel. Comme le montre le modèle de Guskey (2002), le développement professionnel des enseignants s’exprime par un changement sur trois plans : l’apprentissage des élèves, la pratique des enseignants, leurs attitudes et leurs croyances. Ce sont ces deux derniers types de changements qui nous intéressent ici.

La section suivante porte sur la pensée des enseignants (teacher thinking), plus précisément sur leurs conceptions. Elle aborde par la suite le concept de « pratique enseignante ». Une dernière section présente le cadre à partir duquel sont analysées les pratiques et conceptions d’enseignants : le béhaviorisme social et le néoconstructivisme.

La pensée des enseignants : leurs conceptions

Les concepts pour désigner la pensée des enseignants sont nombreux. Parmi les plus souvent employés, on retrouve les représentations sociales (Garnier et Rouquette, 2000), les croyances (Rokeach, 1986) et les conceptions (Charlier, 1998). Sinatra et Dole (1998) notent que tandis que le concept de croyance prend en compte autant les dimensions affective que cognitive de la pensée, celui de « conception » ne considère que la dimension cognitive. Charlier, elle, met en évidence que, contrairement aux représentations qui sont circonstancielles, les conceptions sont construites par le sujet lors de ses interactions avec l’environnement, c’est-à-dire à partir d’un ensemble de situations. Elle soutient également que leur construction met à profit une démarche qualifiée de naïve, qu’elle oppose à une démarche scientifique. Nous privilégions ici l’étude des conceptions : nous nous intéressons en effet à un construit individuel plutôt que collectif, prenant en compte la dimension cognitive. À partir de Charlier (1998), nous définissons les conceptions comme des constructions mentales propres à un sujet, qui s’élaborent en fonction du sujet lui-même et de ses interactions avec l’environnement. D’un point de vue opérationnel, ce sont des énoncés autorapportés portant sur la dimension cognitive de la pensée des enseignants.

Tyson, Venville, Harrison et Treagust (1997) soutiennent que pour qu’il y ait changement conceptuel, quatre conditions doivent être satisfaites : il faut que les nouvelles conceptions soient intelligibles, plausibles et productives (fruitfulness) et que, préalablement, les conceptions en cours chez les personnes se révèlent peu productives, c’est-à-dire qu’elles mènent à des actions inefficaces. De plus, des auteurs, tel Mortimer (1995), considèrent maintenant que plusieurs conceptions peuvent cohabiter selon les contextes dans lesquels elles sont sollicitées. En appliquant la notion de profil conceptuel de Mortimer (1995) aux enseignants, on peut considérer que des conceptions provenant de perspectives théoriques différentes, voire divergentes, peuvent cohabiter selon les situations d’enseignement auxquelles ils sont confrontés.

De nombreux auteurs se sont intéressés aux liens entre la pratique et la pensée des enseignants sous l’angle des croyances (Fang, 1996 ; Guskey, 2002 ; Richardson, 1996), des représentations sociales (Spallanzani, Biron, Larose, Lebrun, Lenoir, Masselier, Roy, 2001) et des conceptions (Charlier, 1998 ; Tillema et Knol, 1997). Ces travaux montrent la présence d’une relation sans qu’il n’y ait toutefois consensus sur la direction de cette relation. Certains indiquent que la modification des croyances ou des conceptions est préalable à celle des pratiques, alors que pour d’autres un changement de pratique influe sur les croyances ou conceptions (Guskey, 2002).

La pratique enseignante et la pratique d’enseignement

Les travaux sur la pratique enseignante conduisent à distinguer le concept de « pratique enseignante » de celui de « pratique d’enseignement ». En fait, la pratique enseignante inclut la pratique d’enseignement et d’autres qui se déroulent en dehors de la classe, durant le temps scolaire (rencontres d’équipe-cycle) ou à l’extérieur de ce dernier (rencontres avec des intervenants du milieu) (Bru et Maurice, 2001).

La pratique d’enseignement, elle, se déroule durant le temps scolaire, principalement en classe, en présence d’élèves. Elle inclut trois phases : préactive, interactive et postactive. La phase préactive correspond à la planification que l’enseignant réalise seul ou avec des collègues. La phase interactive désigne l’intervention auprès des élèves, alors que la phase postactive renvoie aux actions concernant l’évaluation de l’enseignement.

Un relevé de définitions d’Altet (2002) fait ressortir les principales dimensions permettant de définir le concept de pratique d’enseignement. Celui-ci comprend une dimension comportementale (procédés de mise en oeuvre de l’activité), une dimension cognitive (prises de décision). La pratique enseignante est aussi une action, singulière, « située » et contextualisée. Dans sa dimension cognitive, elle serait plus contextualisée que les conceptions.

Par ailleurs, certains qualificatifs accolés au terme « pratique » en évoquent le mode d’accès. Ainsi, nous appuyant sur Marcel, Olry, Rothier-Bautzer et Sonntag (2002), nous distinguons la « pratique déclarée » de la « pratique observée ». Dans le premier cas, l’enseignant fournit lui-même de l’information sur sa pratique lors d’une entrevue ou par un questionnaire. L’expression « pratique observée ou effective » indique que les données sont produites par une personne autre que l’enseignant en action, le plus souvent, il s’agit du chercheur.

En nous inspirant d’Altet (2002), nous définissons la pratique d’enseignement comme les actes singuliers finalisés d’un enseignant, réalisés aux phases préactive, interactive et postactive de l’intervention auprès d’élèves. Lors des phases préactive et postactive, où les actes sont plus difficilement observables, il s’agira d’une pratique déclarée, alors qu’à la phase interactive, la pratique sera observée.

Béhaviorisme social et néoconstructivisme

Le choix du cadre conceptuel prend en compte non seulement des travaux portant sur les conceptions des enseignants, mais aussi le discours sur les changements que devrait susciter l’intégration des TIC en milieu scolaire. Plusieurs travaux convergent vers l’identification de deux perspectives en relation avec les pratiques d’intégration des TIC : l’une traditionnelle, basée sur la transmission de connaissances et l’autre, compatible avec le constructivisme, axée sur la construction de connaissances (Becker et Riel, 2000 ; Niederhauser et Stoddart, 2001).

Les écrits scientifiques et de vulgarisation ont conduit à l’élaboration d’un cadre conceptuel mettant en évidence les principales caractéristiques du béhaviorisme et du constructivisme. Un premier travail a consisté à choisir parmi les théories béhavioristes et constructivistes. Les écrits sur le béhaviorisme distinguent trois générations : le béhaviorisme (1re génération), le néobéhaviorisme (2e génération) et le béhaviorisme social ou paradigmatique (3e génération). Nous avons retenu ce dernier, car il prend plus en compte les dimensions sociale et affective de l’apprentissage. Le cadre élaboré s’appuie sur un écrit fondateur du béhaviorisme social, celui de Staats (1986), ainsi que sur un ouvrage l’ayant appliqué à l’enseignement, celui de Forget, Otis et Leduc (1988).

Du côté du constructivisme, Lenoir (2001), à la suite de Prawat (1996), propose deux constructivismes, l’un renvoyant au sujet individuel et l’autre se centrant sur le groupe ou la société. Barth (2002) identifie un constructivisme qui, selon nous, se situe à l’intersection des deux précédents : le néoconstructivisme, un constructivisme qui dépasse le sujet individuel en reconnaissant la part des interactions sociales au sein de la classe, sans pour autant considérer pleinement l’influence de la société sur la production des savoirs. Nous retenons ce dernier constructivisme, car il semble que ce soit cette forme qui ait été appliquée à l’enseignement, malgré les diverses appellations utilisées (Duffy et Cunningham, 1996 ; Jonnaert et Vander Borght, 1999 ; Palincsar, 1998 ; Savery et Duffy, 1995).

Les tenants du béhaviorisme social considèrent que l’apprentissage est une modification relativement stable du comportement dans chacun des systèmes de personnalité : cognitif-langagier, émotif-motivationnel et instrumental. L’apprentissage se fait selon un processus cumulatif et hiérarchique, résultant de l’expérience, les comportements appris y sont organisés en répertoires.

Un enseignement s’appuyant sur une telle perspective de l’apprentissage met l’accent sur la hiérarchie des objectifs d’apprentissage, le renforcement immédiat des comportements de l’apprenant et la séquence « démonstration, pratique et rétroaction ». Les méthodes d’enseignement privilégiées sont celles dites déductives. On y retrouve le modelage, l’imitation, l’apprentissage vicariant et les exercices (drill and practice). Les aspects affectifs de l’apprentissage sont importants, car ils renforcent, orientent et stimulent le comportement. Dans cette perspective, le savoir est externe à l’individu. Les TIC, comme d’autres ressources d’apprentissage dont peut disposer l’élève, sont utilisées pour soutenir l’enseignement direct, le renforcement, les exercices de l’élève et les interactions sociales.

Une perspective néoconstructiviste met l’accent sur la construction des connaissances (leur organisation, leur représentation) en encourageant les conflits cognitifs et sociocognitifs. Dans cette perspective, l’enseignement exploite des méthodes inductives en mettant à contribution les interactions sociales. Les connaissances sont construites individuellement, à travers un processus social. L’enseignant doit être conscient de ses propres constructions et demeurer critique par rapport à celles-ci. Il tire profit de tous les outils et situations d’apprentissage, incluant les TIC, pour susciter des conflits cognitifs et sociocognitifs et encourager les interactions sociales. Pour ce faire, il utilisera notamment les logiciels-outils et les logiciels permettant la communication télématique asynchrone (courriel) et synchrone (clavardage).

Ces choix sur le plan conceptuel ont guidé l’élaboration du cadre d’analyse des pratiques et des conceptions présenté à la section qui suit.

Méthode

La section suivante fait d’abord état du type de recherche menée et des caractéristiques des enseignants participants. On y décrit ensuite la stratégie de formation continue mise en oeuvre avec les enseignants participants ainsi que les méthodes de collecte et de traitement des données.

Type de recherche

Cette recherche a adopté une perspective organisationnelle en ciblant l’équipe-école comme lieu d’intervention. Nous avons voulu tabler sur l’engagement organisationnel, car Rosenholtz (1989) souligne que les enseignants ayant un fort engagement font plus d’efforts pour rendre leurs cours intéressants et sont plus enclins à participer à des activités extracurriculaires qui ont un impact sur les élèves. En cohérence avec ce choix, une démarche de recherche-action-formation a été mise de l’avant. Comme le soutiennent Charlier et ses collaborateurs (2002), l’aspect « recherche » contribue à la régulation de la formation et de l’action des enseignants, tandis que l’aspect « formation » soutient alors leur action. Cette recherche-action-formation comporte aussi une visée descriptive. Dans les paragraphes qui suivent, nous faisons état de la formation élaborée dans le cadre de cette recherche-action-formation en mettant davantage l’accent sur les méthodes de collecte et de traitement des données en lien avec cette visée descriptive.

Enseignants participants

Cinq équipes-école de niveau primaire, regroupant 40 enseignants, ont participé à la recherche-action-formation qui s’est déroulée de janvier 2000 à décembre 2001. Ces enseignants proviennent de deux écoles de petite taille (moins de 10 enseignants), de deux de taille moyenne (entre 10 et 20 enseignants) et d’une de grande taille (plus de 20 enseignants) d’une commission scolaire de la région Centre du Québec. De ces 40 enseignants, huit, provenant de toutes les écoles participantes, ont consenti à ce que soit observée leur pratique d’enseignement (sept femmes et un homme). Ils ont également accepté de participer à deux entrevues[2]. Une attention particulière a été portée à la présentation qui a été faite de la recherche aux participants, mettant en évidence sa visée résolument descriptive et non évaluative.

Stratégie de formation continue des enseignants

La stratégie de formation continue prend en compte les caractéristiques dégagées des écrits portant sur le développement professionnel des enseignants ainsi que les dimensions suivantes : le sentiment d’autoefficacité et l’autorégulation de l’apprentissage. Les sections ci-dessous présentent ces caractéristiques de la stratégie développée ainsi que les deux volets qu’elle comportait : l’un axé sur l’aspect pédagogique et l’autre sur l’aspect technologique.

Caractéristiques de la formation continue

Un consensus se dégage des nombreux travaux portant sur les programmes de formation continue axés sur le développement professionnel des enseignants, recensés par Deaudelin, Brodeur et Dussault (2001). Les auteurs consultés considèrent que les enseignants doivent construire des savoirs sur la pédagogie et les matières enseignées, développer des habiletés de collaboration et de traitement de l’information et prendre conscience de leur propre processus d’apprentissage. Ils soutiennent que les approches pédagogiques devraient s’appuyer sur le constructivisme et le socioconstructivisme. Quant aux modalités de formation, ces auteurs mettent l’accent sur l’importance de susciter une réflexion tant individuelle que collective. Ces principes ont guidé l’élaboration du volet pédagogique de la formation continue.

Par ailleurs, avec la montée des perspectives constructivistes et socioconstructivistes depuis plus de 20 ans, les travaux s’appuyant sur d’autres perspectives, notamment la théorie sociocognitive (Bandura, 1986), semblent avoir été occultés. Or ceux-ci fournissent des pistes intéressantes qu’il importe de considérer en contexte de formation continue : il s’agit des écrits sur le sentiment d’autoefficacité et sur l’autorégulation de l’apprentissage. Selon Romano (1996), bien que souvent négligé, le sentiment d’autoefficacité doit être considéré dans toute formation, car on ne peut s’attendre à une modification du comportement professionnel d’une personne si cette dernière ne croit pas en ses capacités à le produire. L’autorégulation de l’apprentissage, qui renvoie à la capacité de la personne à planifier et à réaliser des apprentissages ainsi qu’à y réfléchir, peut contribuer au développement du sentiment d’autoefficacité (Zimmerman, Bonner et Kovack, 1996). Selon Kremer-Hayon et Tillema (1999), l’autorégulation de l’apprentissage constitue une avenue pertinente, car elle aide les enseignants d’expérience à atteindre plus efficacement leurs buts. Des interventions visant l’autorégulation de l’apprentissage ont ainsi été introduites dans le volet pédagogique, tandis que le développement du sentiment d’autoefficacité a été essentiellement pris en compte dans le volet technologique.

Volet pédagogique

Le volet pédagogique, axé sur la capacité à intégrer les TIC aux activités d’enseignement et d’apprentissage, a consisté en neuf rencontres réunissant des membres de l’équipe de recherche et de chacune des équipes-école (an 1 : trois, an 2 : cinq, an 3 : une). Ces rencontres ont permis aux enseignantes de bâtir et de réaliser trois projets de classe axés sur l’intégration des TIC et s’inscrivant dans leur projet d’école.

Chaque équipe-école a d’abord déterminé un projet commun. Parmi les projets développés, deux visaient la production d’un journal (mural et imprimé), deux avaient pour but de contribuer au site Web de l’école en amenant chaque classe à produire quelques pages Web et un dernier concernait des ateliers multi-âges intégrant les TIC sur la thématique de l’espace. Afin de pouvoir guider les élèves, chaque enseignante a rédigé un contrat personnel d’apprentissage sur un objet technologique, que ce soit un logiciel, un périphérique ou autre, nécessaire à la réalisation du projet (par exemple, maîtriser certaines fonctions du logiciel Publisher [voir volet technologique ci-dessous]). Ce contrat a permis de soutenir la planification des apprentissages (première étape de l’autorégulation de l’apprentissage). Ensuite, avec une meilleure connaissance du ou des logiciels pouvant être exploités en classe, chaque enseignante était amenée à élaborer, individuellement ou avec des collègues, un scénario pédagogique d’intégration des TIC dans sa classe. Cette étape a aussi fourni l’occasion aux enseignantes de s’approprier le Programme de formation de l’école québécoise dans sa première version (Gouvernement du Québec, 2000). Ces rencontres constituaient des temps forts d’échanges sur les stratégies d’apprentissage mises en oeuvre par chacune des enseignantes (autorégulation de l’apprentissage) et les interventions les plus susceptibles d’aider leurs élèves à apprendre (transfert des expériences vécues dans le projet à la vie de la classe).

Volet technologique

Le volet technologique visant la maîtrise des logiciels exploités en classe a consisté en des capsules de formation orientées vers la maîtrise de certaines fonctions des logiciels ou des périphériques choisis, en lien avec les besoins exprimés par les enseignantes dans leurs contrats d’apprentissage respectifs (Richer, Deaudelin et Brodeur, 2004). Pour chaque projet réalisé en classe, les enseignantes ont pu profiter d’une ou deux capsules de formation, de deux heures, offertes par une assistante, après les heures de classe. L’approche a mis l’accent sur le développement du sentiment d’autoefficacité, en proposant des tâches simples et signifiantes les plus susceptibles de mener à la réussite, grâce à la démarche explicite et graduelle d’exploration proposée dans des procéduriers (Bandura 1986), permettant aux enseignantes de poursuivre leurs apprentissages de façon autonome.

Collecte de données

Les données relatives aux conceptions et aux pratiques (déclarées et observées) des enseignantes ont été recueillies lors d’entrevues et d’observations réalisées aux temps 1 et 2, correspondant au début et à la fin de l’an 2 (intervalle de cinq mois).

Les données relatives aux conceptions et aux pratiques déclarées ont été recueillies lors de deux entrevues d’une heure chacune. Les entrevues semi-structurées ont été menées à partir d’un guide. Ce dernier comportait quatre questions ouvertes amenant les enseignantes à s’exprimer au sujet de leurs conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des TIC[3]. Il comprenait également des questions ouvertes sur la pratique des enseignants aux phases préactive, interactive et postactive ; ces données constituent la pratique déclarée des enseignantes. Enfin, lors de la seconde entrevue, deux questions ont amené les enseignantes à s’exprimer au sujet d’une expérience « à succès » et d’une expérience difficile, d’intégration des TIC, vécues dans le cadre du projet : elles devaient indiquer ce qu’elles en retiraient et ce que ces expériences les avaient amenées à changer aux phases préactive, interactive et postactive de leur enseignement.

Quant aux pratiques observées, deux séances d’observation ont été menées à la suite des entrevues, selon le moment choisi par l’enseignante. Cette dernière devait choisir une période d’enseignement où les TIC allaient être utilisées, que cette activité soit en lien ou non avec le projet de classe élaboré dans le cadre de cette recherche. L’observation a été menée à partir d’un guide prenant en compte les éléments suivants : les ressources sociales (élèves, enseignants ou autres), informatisées et temporelles exploitées, la tâche réalisée durant la période d’observation, la façon dont le contenu était présenté et dont la rétroaction était donnée. Ce guide permettait aussi une synthèse du déroulement des activités et l’ajout de remarques.

Traitement des données

Le cadre utilisé permet d’analyser les conceptions et les pratiques d’intégration des TIC des enseignantes. Ce cadre prend en compte des variables processuelles (dynamique de la communication, rôles de l’enseignant et de l’élève, dynamique de l’apprentissage, processus de régulation externe ou interne), des variables relatives aux dispositifs (outils et médias utilisés, organisation du temps et de l’espace) et de celles liées aux contenus (choix des objets d’apprentissage et des activités) (Bru, 1993).

Les données liées aux conceptions et aux pratiques des enseignantes ont été traitées à l’aide du même cadre d’analyse mixte. Il comprend 16 catégories. Les 13 premières émanent du cadre conceptuel. Ces catégories permettent de distinguer les propos et les données d’observations concernant : (1) l’objet d’apprentissage, (2) les méthodes d’enseignement, (3) les ressources (sociales, temporelles et matérielles, dont les TIC), (4) la tâche, (5) le rôle de l’enseignant, (6) le rôle de l’élève, (7) les règles de la classe, (8) le rapport de l’enseignant et de l’élève au savoir, (9) les interactions entre élèves et celles entre les élèves et l’enseignant, (10) la place de la négociation, (11) la régulation de l’apprentissage, (12) la prise en compte des éléments affectifs et fortuits, (13) l’évaluation des apprentissages et des activités d’enseignement. À partir des données, les trois catégories suivantes ont émergé : (14) les contextes organisationnel, social et le contexte lié à la clientèle, (15) les croyances, les dimensions affectives et les jugements de valeurs chez l’enseignant, et (16) autres propos. L’appendice 1 rassemble les indicateurs témoignant d’une perspective béhavioriste sociale (colonne de gauche) et néoconstructiviste (colonne de droite) selon les trois phases (préactive, interactive et postactive).

Les données ont été analysées à l’aide du logiciel AtlasTi par deux doctorants, qui ont procédé au double codage de 25 % du matériel afin d’assurer la fidélité du processus de traitement. Ils devaient parvenir à un consensus à trois sujets : l’unité de sens (découpage), le choix de l’item concerné (voir colonne du centre dans l’appendice 1) et la perspective d’apprentissage (colonnes de gauche et de droite dans l’appendice 1). Pour l’ensemble des données, les taux d’accord obtenus ont été respectivement de 72,2 %, 63 % et 65,6 %. Tous les énoncés codés différemment ont été discutés et un consensus a été obtenu. Les précisions que cet exercice a permis d’apporter ont conduit à revoir certains codes attribués au matériel n’ayant pas fait l’objet d’un double codage. Ces pourcentages sont donc le fruit d’une première opération de comparaison de codage, qui a mené à une bonification du processus d’analyse des données.

Enfin, le processus de traitement des données a montré la nécessité d’ajouter une catégorie – « autres perspectives » – afin de regrouper les énoncés ne se rapportant pas aux deux perspectives privilégiées ici.

Résultats

Les résultats sont d’abord présentés globalement en faisant état de premiers constats en ce qui a trait aux conceptions relatives à l’enseignement, à l’apprentissage et aux TIC, ainsi qu’aux pratiques déclarées et observées. Ensuite, l’accent est mis sur l’évolution de chacune de ces catégories de résultats.

La présentation des résultats est soutenue par les tableaux 1, 2 et 3, ainsi que par la figure 1. Les tableaux 1, 2 et 3 présentent la proportion d’unités de sens pour chacune des perspectives considérées lors de la première (T1) et de la deuxième (T2) entrevue. La moyenne pour chacune des perspectives (M) est également notée. À titre d’exemple, en ce qui a trait aux pratiques déclarées (tableau 2), Manon a eu des propos relevant davantage du béhaviorisme social (BS) tant au temps 1 qu’au temps 2 (respectivement dans 69,8 % et 51,1 % des cas, pour une moyenne de 60,5 %). La figure 1 met en évidence les proportions d’énoncés les plus importantes pour chacun des moments de la collecte de données. Lorsque ces proportions d’énoncés sont de 50 % et plus, des rectangles au pourtour foncé l’indiquent. L’information concernant l’évolution entre les temps 1 et 2 est représentée par des flèches. Par exemple, dans le cas des pratiques déclarées de Manon, deux flèches partent de la case « béhaviorisme social », où se retrouvait la plus forte proportion d’énoncés lors de la première entrevue. Elles indiquent que, pendant que les énoncés relevant du béhaviorisme social diminuaient, ceux associés aux autres perspectives et au néoconstructivisme augmentaient. La première augmentation, se situant entre 5 et 10 %, est représentée par un trait pointillé, alors que la seconde, de plus de 10 %, l’est par un trait en continu. La dernière colonne de la figure 1 met en évidence une évolution similaire (S) ou différente (D) des conceptions, des pratiques déclarées et des pratiques observées.

Tableau 1

Synthèse des conceptions relatives à l’enseignement, à l’apprentissage et aux TIC

Synthèse des conceptions relatives à l’enseignement, à l’apprentissage et aux TIC

BS : béhaviorisme social

AP : autres perspectives

NC : néoconstructivisme

M : moyenne des pourcentages

T1 : première entrevue

T2 : deuxième entrevue

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Tableau 2

Synthèse des pratiques déclarées

Synthèse des pratiques déclarées

BS : béhaviorisme social

AP : autres perspectives

NC : néoconstructivisme

M : moyenne des pourcentages

T1 : première entrevue

T2 : deuxième entrevue

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De premiers constats

La figure 1 permet de constater que les conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des TIC sont diversifiées. Elles relèvent clairement, chez quatre enseignantes (Mireille, Rachel, Jacqueline et Gina), d’autres perspectives, dont deux dans une proportion de plus de 50 % (Mireille et Jacqueline). Chez trois autres enseignantes, notons la plus grande proportion d’énoncés de ce type au temps 1 ou 2, mais aussi la présence de conceptions relevant du béhaviorisme social (Nicole, Charlotte et Germaine). Les conceptions que Manon exprime s’inscrivent dans une perspective béhavioriste sociale aux deux moments de collecte des données. Ainsi, en ce qui a trait à l’évolution des conceptions, aucune tendance n’apparaît. À la fin de la formation continue, on note chez deux enseignantes davantage d’énoncés néoconstructivistes (Mireille et Jacqueline) et, chez deux autres, davantage d’énoncés témoignant du béhaviorisme social (Nicole et Gina). Deux autres encore relèvent à la fin davantage d’autres perspectives (Charlotte et Germaine). Enfin, on observe peu de changements chez Manon et Rachel.

Tableau 3

Synthèse des pratiques observées

Synthèse des pratiques observées

BS : béhaviorisme social

AP : autres perspectives

NC : néoconstructivisme

M : moyenne des pourcentages

T1 : première entrevue

T2 : deuxième entrevue

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Figure 1

Évolution des conceptions et des pratiques

Évolution des conceptions et des pratiques

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En ce qui concerne les pratiques déclarées, la figure 1 montre que trois des huit enseignantes s’expriment principalement en des termes relevant du béhaviorisme social, dans une proportion supérieure à 50 % (Manon, Mireille et Charlotte). Notons que chez une autre enseignante (Gina), les pratiques déclarées se situent majoritairement dans cette perspective, même si la proportion est inférieure à 50 % à la fin du projet. Quant à Germaine, Nicole et Jacqueline, la présence d’énoncés béhavioristes demeure importante, même ci ce n’est le cas qu’au temps 1 ou 2. Chez Rachel, les énoncés néoconstructivistes ou ceux relevant d’autres perspectives prédominent. On peut relever trois tendances dans l’évolution des pratiques déclarées chez ces enseignantes : deux d’entre elles ont des pratiques déclarées évoluant vers le néoconstructivisme (Manon[4] et Mireille), trois vers le béhaviorisme social (Charlotte, Jacqueline et Nicole) et trois autres vers d’autres perspectives d’apprentissage (Rachel, Gina et Germaine).

L’examen de la figure 1 permet enfin de constater la prédominance des pratiques observées s’appuyant sur le béhaviorisme social. C’est le cas de sept enseignantes (Nicole, Manon, Mireille, Charlotte, Jacqueline, Gina et Germaine). Les pratiques de quatre d’entre elles tendent, à la fin de la formation continue, vers une perspective néoconstructiviste (Manon, Charlotte, Jacqueline et Gina) alors que pour Nicole et Rachel, le changement est en faveur de pratiques relevant du béhaviorisme social. Fait à souligner : l’absence d’évolution des pratiques observées chez Mireille.

Évolution des conceptions, des pratiques déclarées et des pratiques observées

L’examen de la figure 1 montre deux tendances en ce qui a trait à l’évolution des conceptions, des pratiques déclarées et des pratiques observées. Tel que noté dans la section « Évolution » du tableau, un mouvement similaire caractérise parfois l’évolution des conceptions et des pratiques chez les enseignantes entre les deux moments de collecte de données (S). Chez d’autres, le changement noté va dans des sens différents (D). Afin de permettre une meilleure compréhension des résultats, dans les paragraphes qui suivent, nous mettons en évidence le sens de cette évolution et apportons quelques précisions sur les propos tenus ou sur les observations faites.

Une évolution similaire

Les données recueillies montrent que, chez trois enseignantes, lorsqu’il y a changement, celui-ci suit le même mouvement, qu’il s’agisse des conceptions, des pratiques déclarées ou observées, comme l’illustrent les flèches de la figure 1. Ainsi, chez Nicole, l’évolution se fait en faveur du béhaviorisme social, bien qu’au temps 1 de la recherche, ses conceptions et ses pratiques déclarées relèvent d’autres perspectives de l’apprentissage et que la pratique observée témoigne aussi de fondements néoconstructivistes. Nicole conçoit l’ordinateur comme un agent de feedback et les activités exploitant l’ordinateur constituent une récompense pour l’élève. Quant à la pratique observée, lors de la seconde observation, elle exploite la séquence « démonstration, pratique et rétroaction », caractéristique relevant du béhaviorisme social.

Pour Manon et Mireille, lorsqu’il y a changement, le mouvement part du béhaviorisme social vers une perspective néoconstructiviste. Pour Manon, l’évolution va aussi, dans une moindre importance, vers d’autres perspectives de l’apprentissage. Par exemple, lorsque Manon traite de sa pratique au temps 2 (pratique déclarée), elle aborde le type de média informatisé qu’elle utilise présentement avec les élèves, les méthodes d’enseignement qu’elle expérimente en classe de même que le rôle qu’elle y joue. L’exploitation d’un logiciel de dessin ainsi que la stratégie de travail en dyade qu’elle met en place témoignent de la perspective néoconstructiviste. Elle aborde aussi son rôle en des termes difficilement associables à l’une ou l’autre des perspectives, par exemple : « l’ordinateur m’a fait transférer des choses dans ma classe ». En ce qui a trait à la pratique observée au temps 2, les logiciels-outils qu’elle exploite témoignent d’une perspective néoconstructiviste alors que la tâche des élèves, après avoir retranscrit les phrases, qui consiste à faire du travail libre et à s’amuser sur l’ordinateur, s’apparente à d’autres perspectives de l’apprentissage. Pour Mireille et Manon, les ressources informatisées (Internet, les logiciels de traitement de texte et de dessin) sont utilisées dans une perspective néoconstructiviste. Enfin, il faut noter l’absence de changement en ce qui a trait aux conceptions de Manon et aux pratiques observées chez Mireille.

Une évolution différente

Chez cinq enseignantes, les conceptions, les pratiques déclarées et les pratiques observées évoluent dans des directions différentes. Chez Charlotte et Jacqueline, les pratiques observées passent du béhaviorisme social au néoconstructivisme et les pratiques déclarées, du néoconstructivisme au béhaviorisme social. Charlotte, lors de la seconde entrevue (pratique déclarée), dégage de ses expériences l’importance d’une très bonne structuration des activités exploitant l’ordinateur en recourant à la séquence « démonstration, pratique et rétroaction » et en donnant des rétroactions précises concernant les commandes à utiliser (interventions associées au béhaviorisme social). Quant aux pratiques observées, la seconde activité, comparativement à la première, s’inscrit dans un contexte signifiant (projet mis sur pied par l’élève) et exploite un logiciel-outil, ce qui permet de mieux comprendre cette évolution vers le néoconstructivisme. Jacqueline, de son côté, lors de la première entrevue, accorde beaucoup d’importance au caractère signifiant des activités réalisées avec les élèves alors que, lors de la seconde entrevue, elle traite des aspects plus techniques au sujet des activités réalisées à l’ordinateur. À l’opposé, l’activité observée à la fin du projet laisse voir davantage le caractère signifiant de la tâche. Les élèves jouent également un rôle différent : dans la première, ils devaient appliquer une procédure permettant l’envoi de courriel alors que dans la seconde, ils devaient construire un graphe sur Excel et les interactions portaient sur l’objet d’apprentissage plutôt qu’uniquement sur l’emploi du logiciel.

On peut aussi noter l’évolution dans une direction opposée chez Gina : ses conceptions passent principalement du néoconstructivisme au béhaviorisme social, alors que dans le cas des pratiques observées, on assiste au processus inverse. Il faut noter que dans le cas des conceptions, une forte proportion d’énoncés se retrouve dans la catégorie Autres perspectives : pour cette enseignante, la dimension affective occupe une place importante (l’élève doit être bien dans sa peau et bien à l’école), ce qui n’est associé ni au béhaviorisme social, ni au néoconstructivisme. Lors de la seconde entrevue, tout en conservant une même proportion d’énoncés dans la catégorie Autres perspectives, elle met l’accent sur l’enseignement explicite de méthodes de travail et traite de l’utilisation très encadrée qu’elle fait d’Internet. Ses conceptions générales de l’enseignement, de l’apprentissage et de l’usage des TIC s’inscrivent dans une perspective béhavioriste sociale. Du côté des pratiques observées, la nature de la tâche présentée lors des activités 1 et 2 diffère. Dans un cas, les élèves s’exercent à faire de la mise en page, alors que dans le second cas, ils rédigent une histoire en équipe, ce qui exige la négociation entre coéquipiers pour déterminer les personnages, le déroulement, etc. (perspective néoconstructiviste).

Chez Germaine et Rachel, aucune tendance ne ressort. Pour Germaine, le mouvement va du néoconstructivisme aux autres perspectives pour les conceptions, du béhaviorisme social aux autres perspectives pour les pratiques déclarées, et des autres perspectives au béhaviorisme social pour les pratiques observées. En ce qui a trait à ces dernières, bien qu’elles relèvent plutôt du béhaviorisme social et d’autres perspectives (comme le montrent les rectangles de la figure 1), ce sont celles témoignant du néoconstructivisme qui ont diminué entre la première et la seconde entrevue. En fait, les propos tenus par l’enseignante, sur ses conceptions lors de la première entrevue, traitent du rapport qu’elle entretient avec le savoir, dans une perspective néoconstructiviste, alors que ceux exprimés lors de l’entrevue 2 n’en font aucunement mention. Lors de la seconde entrevue, ses propos sont moins précis et ne peuvent être associés explicitement au néoconstructivisme. En ce qui a trait aux pratiques déclarées, lors de la première entrevue, Germaine, décrivant l’activité qu’elle réalisera avec ses élèves, précise le résultat attendu (une belle image), la démarche spécifiant toutes les étapes que ses élèves doivent franchir, le rôle de l’élève (observer l’enseignante, suivre les étapes qu’elle démontre) en des termes associés au béhaviorisme social. Lors de la seconde entrevue, Germaine donne moins de détails par rapport à l’emploi du logiciel. Elle traite plus largement de son rôle, en précisant qu’elle délègue plusieurs tâches aux élèves et de l’organisation de son groupe (séparation en deux demi-groupes), ce qui lui permet d’intervenir différemment auprès des élèves. De tels propos renvoient au néoconstructivisme. Toutefois, en ce qui concerne les pratiques observées, le déroulement de l’activité 1 s’apparente à celui de l’activité 2 : l’élève observe une démarche, la met en pratique et reçoit de la rétroaction. Lors de la deuxième activité, cette rétroaction peut aussi provenir d’un pair.

Enfin, les conceptions et les pratiques observées de Rachel ont peu changé. Ses conceptions relèvent d’autres perspectives et, dans une proportion moindre, du néoconstructivisme, comme le montre le tableau 1. Les changements entre le début et la fin sont qualifiés de mineurs, car inférieurs ou égaux à 5 %. En ce qui a trait aux pratiques observées, la figure 1 montre aussi de faibles changements : une légère baisse des énoncés néoconstructivistes au profit des énoncés traduisant le béhaviorisme social. Les deux activités observées sont similaires : il s’agit de la recherche d’informations sur Internet. Comme les élèves ont l’habitude de ce type d’activités, ils appliquent les procédures de recherche déjà apprises comme des routines.

Les pratiques, déclarées par Rachel, présentent un changement un peu plus important. La figure 1 permet de constater une baisse similaire tant des énoncés néoconstructivistes que de ceux relevant du béhaviorisme social. Un examen des énoncés de la deuxième entrevue montre que Rachel s’est exprimée à cette occasion de façon plus générale, notamment par rapport au rôle de l’élève, à l’objet d’apprentissage, à la tâche, à l’évaluation des apprentissages, énoncés qui ne pouvaient être associés ni au béhaviorisme social, ni au néoconstructivisme.

Discussion

Cette recherche visait à examiner les apprentissages des enseignants, relatifs à l’intégration des TIC, au processus d’apprentissage et d’enseignement, qui surviennent dans le cadre d’une formation continue, développée dans le cadre d’une recherche-action-formation.

L’analyse des données recueillies révèle des pratiques relevant davantage du béhaviorisme social, tandis que les conceptions sont associées à diverses perspectives de l’apprentissage. Lorsqu’il y a évolution des pratiques, celle-ci se fait chez une majorité d’enseignantes vers une perspective néoconstructiviste. Les conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des TIC, elles, évoluent, selon les enseignantes, vers le béhaviorisme social, le néoconstructivisme et d’autres perspectives de l’apprentissage. Les conceptions, les pratiques déclarées et les pratiques observées évoluent chez certaines enseignantes de façon similaire, chez les unes vers le néoconstructivisme et, chez une autre, vers le béhaviorisme social. Chez une majorité de participantes, les conceptions, les pratiques déclarées et observées n’évoluent pas vers une même perspective. Bien que la présente recherche ne permette pas d’identifier les causes de ces variations – ce n’en était pas le but –, la discussion tente d’expliquer les résultats obtenus.

Globalement, ces résultats montrent que les enseignantes font appel à différentes théories dont le choix peut être influencé par le contexte. En effet, nous avons pu constater que les propos sont liés à la situation que l’enseignante vit dans sa classe au moment de l’entrevue. Par exemple, en début d’année, une enseignante s’est montrée très préoccupée par l’apprentissage chez ses élèves de la gestion de conflits, alors qu’à la fin, ce problème résolu, elle s’est davantage attardée au développement d’habiletés, relevant du domaine cognitif, utilisées dans les activités quotidiennes. Ces résultats vont dans le sens des travaux de Mortimer (1995), qui indiquent que diverses conceptions peuvent cohabiter chez un sujet et que la situation détermine celle qui sera activée.

Les conceptions et les pratiques relèvent toutefois de perspectives de l’apprentissage différentes à un même temps (1 ou 2) de la collecte de données. Or ce résultat étonne, car si, comme l’indique la définition de la pratique enseignante retenue, les pratiques sont aussi situées et contextualisées, on devrait voir les conceptions et les pratiques, liées à un même contexte, s’inscrire dans une même perspective de l’apprentissage. Pouvons-nous supposer qu’elles sont contextualisées différemment ? Rappelons que Mortimer (1995) soutient que des situations différentes sollicitent des conceptions tout aussi différentes, et que Charlier (1998) indique que les conceptions se construisent à la suite d’un ensemble d’expériences. Nous émettons l’hypothèse que le processus d’activation des conceptions, évoqué par Mortimer (1995), serait différent du processus de construction dont traite Charlier (1998). Le premier s’appuierait sur une situation précise, tandis que le second prendrait appui sur un contexte plus large incluant plusieurs situations. Les pratiques déclarées témoigneraient du processus d’activation des conceptions, dans une situation précise d’enseignement, alors que les propos des enseignants, révélant leurs conceptions, rendraient compte d’un ensemble d’expériences contextualisées, à partir desquelles ces conceptions se sont construites.

De plus, les résultats montrent que les pratiques, principalement celles observées, malgré une évolution vers le néoconstructivisme, s’inscrivent dans une perspective qui relève du béhaviorisme social. Une meilleure connaissance du contexte suggère une piste pour interpréter ces résultats. À partir de la consigne qui indiquait aux enseignantes participantes qu’elles devaient choisir une activité mettant à profit les TIC, la plupart de celles-ci ont privilégié une activité dont le but était l’appropriation par les élèves de certaines fonctions d’un logiciel. Dans ce contexte, ils ont le plus souvent eu recours à une intervention du type démonstration-pratique-rétroaction, témoignant du béhaviorisme social. L’entrevue, elle, donnait davantage accès au contexte dans lequel se déroulait cette activité (activité ayant précédé et devant suivre celle observée). Les données d’entrevues alors recueillies pouvaient relever du néoconstructivisme ou d’autres perspectives. Cette distinction, quant au type de l’information recueillie, permet de mieux interpréter l’image différente que procurent l’entrevue et l’observation.

Ce choix d’intervention chez des enseignantes qui, par ailleurs, exprimaient des positions néoconstructivistes, soulève plus globalement la question des types d’intervention en fonction du type de savoir à construire ou à acquérir. Dans les cas où les enseignantes visaient l’appropriation de certaines fonctions d’un logiciel, des savoirs instrumentaux étaient en jeu. Ces savoirs s’apparentent, selon nous, aux savoirs que Crahay (1999) qualifie de connaissances sociales arbitraires. Traitant du constructivisme, ce dernier distingue en effet ces savoirs codés socialement des savoirs en mathématiques (construction du concept de nombre, par exemple) ou en sciences (le cycle de l’eau). Si dans ces derniers cas, un véritable processus de construction se met en branle, dans le cas des savoirs codés, selon Crahay, on ne peut parler de processus de construction et les interventions permettant l’acquisition de ces savoirs s’apparentent à la transmission d’information. Cette distinction de Crahay soulève la question du lien entre les fondements sur lesquels s’appuie l’enseignant et les interventions mises en oeuvre : une même intervention peut être aussi choisie dans des perspectives d’apprentissage bien différentes. Nous reviendrons à cette question, dans la conclusion, en traitant du dispositif de recherche.

Par ailleurs, les résultats présentés précédemment montrent que, chez les enseignantes interrogées, les conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des TIC semblent davantage mettre de l’avant d’autres perspectives d’apprentissage que le béhaviorisme social ou le néoconstructivisme. Une analyse sommaire du contenu de ces conceptions nous conduit à formuler l’hypothèse qu’elles relèvent peut-être plus d’une perspective humaniste de l’apprentissage et de l’enseignement. Le cadre d’analyse devrait donc inclure d’autres catégories de perspectives de l’enseignement et de l’apprentissage, afin de mieux prendre en compte ces conceptions. Les modèles d’intervention éducative de Lenoir (1991) ou encore les perspectives d’enseignement définies par Pratt (2002) pourraient s’avérer pertinents.

Conclusion

Globalement, on peut dire que toutes les enseignantes participantes ont réalisé trois projets mettant l’accent sur l’intégration des TIC au processus d’enseignement et d’apprentissage, ce qui constitue déjà un résultat très intéressant, puisque près du quart de ces enseignantes utilisaient très peu les TIC au début du projet. À la lumière de notre analyse de l’évolution des conceptions et des pratiques d’enseignement, il semble que, chez une majorité d’enseignantes, seules les pratiques observées tendent à s’appuyer davantage sur le néoconstructivisme au temps 2, comparativement au temps 1. Quant aux pratiques déclarées et aux conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des TIC, aucune tendance ne peut être dégagée. Ces résultats ne vont que partiellement dans le sens du discours de vulgarisation relativement à l’intégration des TIC à l’école. Ce discours soutient, rappelons-le, que les TIC devraient conduire les enseignantes à adopter des pratiques plus centrées sur l’élève, voire constructivistes. Un mouvement en ce sens a certes été constaté, mais les pratiques déclarées et observées relèvent, dans une bonne proportion, du béhaviorisme social et les conceptions, d’autres perspectives.

Par ailleurs, il semble que la stratégie de formation continue ait eu un effet de modelage, en ce sens qu’elle a amené les enseignantes à mettre sur pied des activités d’enseignement et d’apprentissage tablant sur des modalités similaires à celles que nous avions exploitées : les interventions dans le cadre du volet « pédagogique » de cette formation s’appuyaient sur une perspective néoconstructiviste, alors que celles liées au volet technologique favorisaient une séquence « démonstration-pratique-rétroaction », s’inspirant, rappelons-le, de la théorie sociocognitive de l’apprentissage, développée en continuité avec le béhaviorisme social. Considérant que l’on déplore souvent le peu d’effets des programmes de formation sur la pratique des enseignants, ce résultat se révèle intéressant.

La recherche-action-formation mise en oeuvre a le mérite de proposer une stratégie de formation continue permettant des apprentissages technopédagogiques, fortement recommandés par plusieurs instances, dont le Conseil supérieur de l’éducation (2000) en mettant l’accent sur le développement, chez les enseignants, de capacités d’autorégulation de l’apprentissage. Cette stratégie de formation allie donc les caractéristiques des programmes de formation permettant des apprentissages d’ordre pédagogique qui font consensus dans les écrits (Deaudelin et al., 2001), tout en exploitant les stratégies dont l’efficacité est éprouvée pour des apprentissages technologiques en misant sur le sentiment de compétence, selon la théorie sociocognitive (Bandura, 1986). Parmi les limites, soulignons la durée de la formation continue. Les travaux sur le changement conceptuel (Pintrich, 1999) de même que ceux sur le changement (Savoie-Zajc, 1993 ; Gather Thurler, 2000) suggèrent des études qui s’inscrivent dans la durée. Le nombre élevé de mutations des enseignantes dans les écoles participantes nous a amenés à privilégier une collecte de données se déroulant au cours d’une même année. En effet, une enseignante nouvellement mutée est plus encline à se retirer d’une recherche, étant complètement absorbée par la nouvelle situation d’enseignement qu’elle doit apprivoiser. D’autres variables sont suggérées par des théories développées dans d’autres domaines que l’éducation. Par exemple, l’étude de Chalghoumi (2005), recourant au Technology Acceptance Model, développé dans le domaine de la gestion des systèmes d’information, montre qu’il existe, chez des enseignants du primaire et du secondaire, une relation entre les variables « facilité d’utilisation perçue » et « utilité perçue » des TIC et l’emploi que les enseignants en font à des fins d’enseignement et d’apprentissage.

La présente étude, dans sa visée descriptive, a permis un examen systématique sur certains apprentissages faits par des enseignantes participant à une recherche-action-formation, ce que peu de recherches font, comme le montre notre problématique. Toutefois, notre étude comporte des limites certaines. Celles-ci concernent d’abord la place accordée à l’étude des conceptions et de la pratique d’enseignement dans le cadre d’une recherche qui comporte une dimension de formation importante. Comme l’étude de l’évolution des conceptions et des pratiques ne représentait qu’un volet de l’ensemble de la recherche, la durée des entrevues et leur nombre ont été plus restreints que si l’évolution des conceptions et des pratiques avait constitué le seul objet d’étude. C’est là toute la difficulté de ce type d’étude. Une autre limite concerne l’outil de collecte de données relatives aux conceptions. Plus souvent, les chercheurs ont recours au réseau conceptuel qui met bien en évidence les concepts et les relations entre ces concepts. Comme cet outil est peu connu chez de nombreux enseignants et qu’il exige une formation préalable, l’entrevue est apparue préférable, malgré ses limites. Enfin, le nombre d’enseignantes ayant accepté de participer à cette recherche rend impossible toute généralisation des résultats selon l’acception positiviste du terme, les indications fournies devraient permettre de juger de la transférabilité des résultats, comme c’est le cas dans une recherche qualitative.

Outre ces limites, on ne peut passer sous silence un événement qui a pu influer sur les changements observés : la réforme curriculaire québécoise. En effet, cette recherche a été réalisée alors que le Programme de formation de l’école québécoise venait d’être publié, amenant les enseignants du Québec, particulièrement ceux du préscolaire et du premier cycle du primaire, à s’approprier ces nouvelles prescriptions ministérielles. Comme celles-ci ont été accompagnées d’un discours sur les fondements où se retrouvaient fréquemment les termes « constructivisme » et « socioconstructivisme », et plus rarement le terme « béhaviorisme », ce discours, de même que la formation mise en place en milieu scolaire, a pu exercer une influence sur les conceptions et la pratique des enseignants. Par contre, comme l’introduction d’innovations exige du temps, il est peu probable que le discours seul des autorités ait pu induire un changement aussi important que celui qu’amène une modification de perspective d’apprentissage sur laquelle un enseignant appuie son enseignement. Tyson et ses collaborateurs (1997) considèrent qu’un tel changement exige une restructuration importante du réseau de concepts chez la personne.

Si à partir de ces limites on peut déjà envisager de futures recherches, d’autres pistes de recherche se situent du côté des théories sur lesquelles le chercheur peut s’appuyer. Bien que plusieurs travaux aient été faits sur le changement conceptuel chez les élèves du primaire et du secondaire, principalement dans le domaine de l’apprentissage des sciences, les résultats des recherches faites auprès des enseignants ne conduisent pas encore à un ensemble organisé de connaissances. Plusieurs variables restent à étudier : comment interviennent par exemple certaines caractéristiques personnelles, dont l’histoire du sujet, mentionnée par Charlier (1998), dans le changement conceptuel ?

Des lacunes sur le plan théorique sont aussi relevées en ce qui a trait à l’étude des pratiques d’enseignement. Les cadres conceptuel et d’analyse élaborés dans la présente étude ont conduit à leur intelligibilité en dévoilant les fondements sur lesquels s’appuient des enseignants lorsqu’ils recourent aux TIC. Toutefois, la discussion a soulevé la question des interventions susceptibles de soutenir la construction ou l’acquisition de savoirs selon le type de savoir. Cette discussion, amorcée précédemment, invite à poursuivre les travaux sur le lien entre les perspectives de l’apprentissage et les pratiques d’enseignement, en tenant compte des types de savoir, ce que peu d’auteurs ont fait jusqu’à présent. En effet, si certains types d’intervention (par exemple, un enseignement transmissif) n’étaient, jusqu’à tout récemment, associés qu’à l’une des perspectives de l’apprentissage (néobéhaviorisme), Crahay (1999) suggère qu’en tenant compte des types de savoir, le mode d’enseignement transmissif serait compatible avec une perspective constructiviste. Par ailleurs, la dimension affective, peu prise en compte chez plusieurs tenants du constructivisme, l’est par d’autres. Le cadre d’analyse des conceptions et des pratiques d’enseignement devrait mieux intégrer cette dimension dans la perspective néoconstructiviste.

Par ailleurs, les résultats obtenus dans la présente recherche indiquent que les liens entre les conceptions de l’enseignant et ses pratiques restent à clarifier. Des pistes de recherche se situent du côté du caractère « situé » et « contextualisé » de ces deux construits, permettant de traiter des apprentissages des enseignants. Une meilleure théorisation du changement conceptuel et de l’évolution des pratiques d’enseignement devrait faciliter la recherche sur les liens entre ces deux dimensions.

Enfin, une telle stratégie de formation continue conduira-t-elle à des effets durables ? La durée relativement courte de la présente recherche ne permet pas de répondre à cette question. Certains éléments du dispositif global de recherche-action-formation devraient avoir permis de poser les bases permettant la poursuite des projets intégrant les TIC en favorisant l’engagement organisationnel des enseignants : nos interventions ont été réalisées auprès des équipes-école. Une analyse de la dynamique des équipes-école montre que seules les écoles où un leadership a été exercé par des enseignantes, ou la direction de l’école, ont pu véritablement mettre sur pied un projet d’école ayant influé sur les projets de classe (Deaudelin, Brodeur, Dussault, Richer et Thibodeau, 2004). Dans les autres cas, les projets de classe sont demeurés similaires aux activités avec lesquelles l’enseignante était familière. Une véritable dynamique de projet au sein de l’école exigerait qu’on intervienne sur le leadership au sein de l’équipe-école. Un futur projet devrait se préoccuper davantage de cette dimension tant sur le plan de la formation que de la recherche (Gather Thurler, 2000). Une prochaine étude devrait également considérer la dimension « collective » du développement professionnel comme le montrent si bien, dans le présent volume thématique, la contribution de Butler, ainsi que celle de Uwamarya et Mukamurera.