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Publié sous la direction de Michel Sasseville, ce volume rassemble des textes inspirés par l’oeuvre de Matthew Lipman. Il propose une approche éducative dont le but est de familiariser l’enfant avec la philosophie en l’amenant à penser de façon raisonnable et pratique. Tout en poursuivant ce but, le livre convie le lecteur à dialoguer et à comprendre le concept de communauté de recherche, cadre à partir duquel l’enfant s’éveille à la pensée philosophique sans se faire instruire.

L’ouvrage se compose de quinze chapitres organisés en cinq parties. Les deux premières introduisent à la notion de communauté de recherche philosophique, définie comme un cadre multidisciplinaire qui se constitue pratiquement à travers un dialogue avec les autres élèves, les adultes ou les textes. Le roman philosophique inspiré du vécu des enfants est un outil destiné à susciter des questions. Le dialogue occasionné par ces questions initie aux conditions formelles et éthiques de toute discussion : compétences langagières, sens de la responsabilité, du respect, de l’écoute, etc. Il familiarise les enfants avec des aspects relevant des disciplines philosophiques. L’animation d’une communauté de recherche ne s’improvise pas et requiert une formation expériencielle sur les stratégies d’aide à la clarification des questions et à l’éveil aux concepts.

La troisième partie s’arrête sur la formation à la pensée critique. En tant qu’il suscite une conscience de l’erreur, le dialogue révèle le caractère métacognitif d’une communauté de recherche, lieu d’autocorrection. L’acquisition des concepts et de la capacité critique fait de la pensée philosophique une construction personnelle. Partant de la définition de la logique comme une discipline normative proposant des règles pour bien penser, les textes de la quatrième partie font observer que les conditions formelles des apprentissages pratiques exigent d’être clarifiées même s’ils sont le résultat d’une découverte personnelle.

Le changement de perspective éducationnelle en cours dans la pratique de la philosophie est, enfin, confronté au projet du renouveau pédagogique initié au Québec. Dans les deux cas, l’accent est placé sur le développement des dispositions au détriment d’une transmission autoritaire des règles transcendantes. Le dialogue aide à acquérir des compétences de base / transversales exigeant un esprit critique et une pratique délibérative utiles à une communauté de recherche. Cette pratique suppose une conscience de préjugés, une recherche de l’objectivité et une volonté de comprendre essentielles dans la prévention de la violence.

Un des apports principaux du livre est de proposer une méthode qui permet de décloisonner la philosophie en suscitant l’intérêt des enfants. Sur ce point, le livre réussit à vulgariser la méthode Lipman pour un public de non-philosophes. Un lecteur averti y lirait une excellente actualisation de la méthode socratique (ironie et maïeutique). Comme tout ouvrage de collaboration, quelques redites (dialogue, communauté de recherche, etc.) le rendent parfois redondant. Aussi reste-t-il à préciser comment le livre échappe à l’endoctrinement pourtant décrit comme une pratique à renverser. Malgré ces brèves remarques, cette publication est un excellent outil pour l’enseignement de la philosophie aux enfants.